La fertilisation du pois
Pas d’engrais azoté sur le pois
Sur pois, aucun apport d’azote n’est nécessaire. De plus, c’est interdit en zone vulnérable. La nutrition azotée repose sur deux voies d’acquisition complémentaires :
La fixation symbiotique
Comme toutes les légumineuses, le pois fixe l’azote de l’air grâce à une symbiose avec des bactéries du genre Rhizobium, qui se trouvent naturellement dans le sol. Il n’est donc pas nécessaire d’inoculer, contrairement au soja. L’activité fixatrice augmente proportionnellement à la biomasse des nodosités jusqu’à atteindre un pic au stade DRG (début de remplissage des graines). La fixation chute fortement ensuite. La présence de nitrates inhibe la fixation : au-delà de 60 kg N/ha, les nodosités ne se mettent pas en place. Les autres facteurs limitants sont le pathogène racinaire aphanomyces, le stress hydrique, le tassement du sol, les sitones (ravageurs de nodosités) et la forte présence d’adventices.
L’assimilation d’azote minéral
Elle débute avant la mise en place des nodosités, soit environ 3 semaines après la levée. Le mode d’absorption de l’azote est ensuite conditionné par la quantité d’azote dans le sol. Si celle-ci est supérieure à 60 kg N/ha, l’assimilation de l’azote minéral perdure ; si la quantité d’azote dans le sol devient inférieure à ce seuil de 60 kg N/ha, la fixation symbiotique prend le relais.
Des exigences moyennes en phosphore et potasse
- Le pois est moyennement exigeant en phosphore et potasse. Raisonner la dose d’engrais à apporter en fonction des exportations, de la teneur du sol en P et K, et du nombre d’années sans apport.
- Pour un rendement en pois de 55 q/ha : apporter si nécessaire 55 kg/ha de P2O5 et 85 kg/ha de K2O pour compenser les exportations ; ajouter, en plus des quantités ci-dessus, 10 kg/ha de P2O5 et 60 kg/ha de K2O si les pailles sont enlevées.
Pois au stade deux feuilles
pH neutre et faible besoin en magnésium
- Le pois pousse bien dans les sols au pH supérieur à 6.
- En sol pauvre en magnésium, réalisez un apport de 30 à 60 unités de MgO /ha.
- Se référer aux analyses de sol.
Pois en période de floraison
Attention à l’excès de calcaire dans le sol
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Accidents climatiques du pois : sécheresse et températures élevées
Sur le pois, les contraintes thermiques et hydriques sont généralement concomitantes, sauf en situation irriguée. La chaleur favorise l’évaporation de l’eau et le manque d’eau augmente la température du couvert. Le rendement du pois est fortement réduit.
Températures > 25°C
Situations à risque
Chez le pois, les températures maximales supérieures à 25°C affectent la photosynthèse. Dans les conditions habituelles de culture, il est rare de rencontrer ce niveau de température pendant la phase végétative. Il y a donc peu d’incidence durant cette période.
En revanche, pendant la floraison, les fortes chaleurs pénalisent le nombre de graines mises en place. Plus la période chaude est longue (plusieurs jours consécutifs), plus la situation est difficile à supporter pour la plante et aura des conséquences fortes sur le rendement.
Les symptômes observés
Un couvert clairsemé. Les températures élevées entre la levée et l’initiation florale (3-5 feuilles) diminuent la surface foliaire des premiers nœuds. L’efficience d’absorption du rayonnement est réduite ; la croissance est limitée. Mais cela reste rare sous nos latitudes.
Réduction possible du nombre de graines. L’équilibre organes végétatifs/organes reproducteurs est perturbé par les températures élevées avant début floraison. L’émission de nouveaux étages reproducteurs est stoppée. Cela peut affecter la production de graines. Ce problème est compensé si le pois produit plus de gousses et de graines sur ses premiers étages.
Des gousses mal remplies. Durant la floraison, les fortes températures limitent la photosynthèse. Les graines n’ayant pas franchi le stade limite d’avortement (SLA) ne se développent pas. Les gousses sont alors mal remplies (observable par transparence).
Des graines plus petites et de moindre qualité. Un pic de chaleur (> 30°C) prolongé, du stade début remplissage des graines à la maturité physiologique, a un effet négatif sur la taille des graines. La durée du remplissage étant réduite, le poids de mille graines (PMG) est affecté. La qualité germinative des graines est aussi amoindrie. L’irrigation ne contrecarre pas ce phénomène.
Stress hydrique
Situations à risque
Le rendement en pois (lien article rendement) est fortement pénalisé par le manque d’eau sur l’ensemble de son cycle, dans les sols peu profonds (RU < 150 mm) et séchants. Les températures élevées accentuent le problème.
Les symptômes observés
Un peuplement épars. Le manque d’eau affecte le pois à la levée. La graine ne germe pas ou donne naissance à une plantule qui dessèche rapidement. La levée est altérée partiellement ou en totalité. Pour pallier les risques de sécheresse, respecter la préconisation de semer à 3-4 cm de profondeur.
Des plantes chétives. La croissance du pois est fortement limitée en cas de manque d’eau entre la levée et le début floraison. La surface foliaire est touchée : la taille des feuilles est réduite. Le fonctionnement des nodosités est perturbé : le pois subit une carence en azote, le nombre d’étages fructifères diminue, moins de graines sont produites.
Une floraison stoppée. Un manque d’eau durant la floraison du pois a pour conséquence d’arrêter cette phase du cycle. Le nombre d’étages fructifères est réduit. Fleurs et gousses avortent : le nombre de graines/m² est limité. En fin de cycle, le stress hydrique peut limiter le remplissage des graines et aboutir à des PMG faibles. Le rendement est donc réduit. Visuellement, un couvert de pois stressé apparaît plus blanc qu’une parcelle bien alimentée en eau, car les fleurs sont positionnées au-dessus du feuillage.
Si l’alimentation hydrique est favorable durant le remplissage des graines, leur faible nombre est parfois compensé par un PMG plus élevé.
Accidents climatiques du pois : gel et basses températures
Les situations à risque
La résistance du pois – notamment d’hiver – au froid dépend de plusieurs critères :
- agronomiques : la variété, le niveau d’endurcissement, les stades de développement et la profondeur de semis ;
- environnementaux : la rigueur des températures, la date d’arrivée du froid et les conditions du milieu (en particulier le taux d’humidité du sol) au moment du gel.
Variété et résistance au froid
Selon la région de culture, la variété de pois choisie doit être résistante au froid et avoir une bonne aptitude à ramifier.
La baisse progressive des températures permet au pois de mieux supporter le froid, c’est l’endurcissement. La résistance maximale au gel est atteinte au bout de 35 à 42 jours d'endurcissement selon les variétés. En comparaison, le blé n’a besoin que de 28 jours.
Date de semis et stades de développement
Le semis doit être réalisé durant la plage optimale, notamment en pois d’hiver pour lequel les risques de gel sont à craindre. Les variétés de pois d’hiver semées trop tôt atteignent un stade avancé à l’arrivée du froid. Les risques de dégâts de gel sont alors importants.
En cas d’hiver doux, le pois d’hiver risque également d’être très développé et peu endurci au froid. Si les températures chutent brutalement en janvier/février, les dégâts seront importants (pertes de pieds voire retournement de la parcelle dans les situations extrêmes).
Avant la levée, les semences de pois en phase d’imbibition (pénétration de l’eau dans les graines) sont sensibles au gel : les départs de germes sont faibles ou, pire, la levée est inexistante. Ce risque est surtout à redouter en pois de printemps. Eviter de semer si des gelées sont annoncées dans les jours qui suivent. Attendre le retour de conditions plus favorables pour semer.
Après le stade initiation florale, la résistance au froid du pois décroît. Des gels d’apex peuvent être observés principalement sur pois de printemps (gelées tardives) : la tige principale détruite est relayée par les ramifications ; l’incidence sur le rendement est faible. En revanche, pour le pois d’hiver, des températures fortement négatives après l’initiation florale peuvent conduire à des pertes de plantes importantes.
Températures et humidité
Entre le semis et la levée, le pois d’hiver est apte à résister à des températures négatives (proches de -10°C). Sa capacité de résistance au froid est d’autant plus faible que le sol est humide.
Date d’arrivée du froid
Les dégâts sur pois sont importants lorsqu’une gelée arrive brutalement après une période de températures douces. La plante n’a pas eu le temps de s’acclimater (de s'endurcir).
Les symptômes observés
Brunissement des plantules
Le gel provoque la formation de glace à l’intérieur et à l’extérieur des cellules du pois. La plante présente des lésions et l’entrée des agents pathogènes (comme Pseudomonas syringae pisi responsable de la bactériose) est facilitée. Feuilles et tiges brunissent, entraînant parfois la mort de la plantule (entièrement noire).
Plantes déchaussées
Le gel engendre le déchaussement des plantes de pois dans les sols de craies ou argilo-calcaires. Dans les situations extrêmes, les collets sont cisaillés, empêchant la reprise de la végétation.
Émission de ramifications
Lorsque l’apex des tiges principales du pois est brûlé par le gel, des ramifications prennent le relais et compensent (en partie ou totalement) ce phénomène.
Accidents climatiques du pois : excès d’eau
Situations à risque
Le pois est particulièrement sensible à l’excès d’eau avant et après la levée.
Le pois s’asphyxie quand le sol est saturé en eau et que celle-ci ne s’évacue pas rapidement. Les zones à risques sont : les parties basses de la parcelle, les mouillères, les sols hydromorphes et sensibles à la battance.
Symptômes observés
Pourrissement des semences et absence de levée
Lorsque les semences se retrouvent dans un sol gorgé d’eau, elles s’asphyxient et pourrissent. La levée est rendue impossible.
Lors de fortes pluies, une croûte de battance se forme à la surface des sols limoneux, empêchant aussi la levée du pois.
Jaunissement du peuplement
Après la levée du pois, l’excès d’eau stagnante entraîne des perturbations du fonctionnement du système racinaire et des nodosités. Sous-alimentées en azote, les plantes s’atrophient et jaunissent.
Sur le pois, ces symptômes ressemblent à ceux provoqués par Aphanomyces, sauf que le champignon provoque un brunissement puis un noircissement des racines. En cas d’excès d’eau, les racines sont blanches. Mais elles finissent par noircir. Il faut alors procéder à un isolement mycologique pour connaître l’origine du problème.
Actions préventives
Travailler grossièrement le sol
Un sol hydromorphe préparé grossièrement est moins sensible à l’excès d’eau qu’un sol préparé finement. De même, un limon avec présence de mottes est moins sujet à la formation d’une croûte de battance.
Drainer la parcelle
Pour limiter les risques d’engorgement du sol, la parcelle peut être drainée si la zone à risque est étendue.
Les atouts du pois
Le pois s’intègre aisément dans les rotations céréalières
- Il est le plus souvent cultivé avant un blé, mais il peut être aussi associé au semis à d’autres cultures sur la même parcelle (pois d’hiver et blé, ou pois et triticale)
- Il facilite l’implantation sans labour de la culture suivante car il laisse un sol bien structuré, du fait des pailles peu abondantes, d’une récolte précoce (pendant l’été), d’un système pivotant et d’une activation de la vie biologique des sols.
- Le pois d’hiver peut faciliter le calendrier de travail car les périodes de son semis et de sa récolte sont décalées par rapport par rapport au blé, au colza et aux principales cultures de printemps ou d’été.
Gousses de pois
Il apporte des bénéfices au système de culture
- Le pois est l’un des meilleurs précédents du blé et du colza. Un blé tendre après un pois produit 6 à 12 q/ha de plus qu’un blé de céréale (7,4q/ha en moyenne). Un colza après pois produit entre 0,5 et 3 q/ha de plus qu’un colza après paille (données d’essais sur 3 campagnes).
- En faisant évoluer la composition des rotations à forte proportion de céréales ou de celles de type colza-blé-orge, le pois favorise la régulation des maladies des cultures dominantes (coupure des cycles des bio-agresseurs).
- Le pois aide au contrôle des adventices à l’échelle de la rotation cultureale, car il permet notamment de diversifier les substances actives utilisées et les dates de semis des cultures.
- Les légumineuses comme le pois sont capables de prélever l’azote de l’air grâce aux bactéries symbiotiques des nodosités de leurs racines. Elles ne demandent donc pas d’apport d’engrais azote. Les doses optimales d’azote sont, en outre, à réduire sur les cultures suivantes, soit de -20 à -60 kg/ha d'azote, selon les situations, sur les céréales à pailles ou le colza, pour un rendement similaire ou amélioré par rapport à un précédent de non-légumineuse.
Son intérêt économique se révèle à l’échelle de la rotation
L’intérêt économique du pois se perçoit à l’échelle de la rotation en intégrant les effets de précédent : une économie d’apport d’azote sur la culture suivante, un gain de rendement du blé suivant par rapport à un blé de paille, une possible réduction des phytosanitaires, et, à terme, une meilleure robustesse et productivité des cultures (efficience azotée voire activité biologique des sols). En tant que protéagineux, il bénéficie d’une aide couplée.
Exemples de marges indicatives comparées à l’échelle de la rotation
| Marge brute indicative* (€/ha/an) | |||||||
| Potentiel de sol élevé | Rotation de référence | 3 ans | Colza | Blé tendre | Blé tendre | / | Sur la rotation |
| 842 | 973 | 742 | 819 | ||||
| Rotation avec pois d'hiver | 4 ans | Colza | Blé tendre | Pois d'hiver | Blé tendre | Sur la rotation | |
| Avec prix de vente du pois = 195 €/t | 842 | 873 | 627 | 930 | 818 | ||
| Avec prix de vente du pois = 222 €/t** | 842 | 873 | 748 | 930 | 848 | ||
| Potentiel de sol limité | Rotation de référence | 3 ans | Colza | Blé tendre | Blé tendre | / | Sur la rotation |
| 531 | 617 | 486 | 545 | ||||
| Rotation avec pois d'hiver | 4 ans | Colza | Blé tendre | Pois d'hiver | Blé tendre | Sur la rotation | |
| Avec prix de vente du pois = 195 €/t | 531 | 617 | 515 | 674 | 584 | ||
| Avec prix de vente du pois = 222 €/t** | 531 | 617 | 615 | 674 | 609 | ||
* marge brute = produit brut - charges opérationnelles (+ aide découplée pour le pois à 100 €/ha)
** prix moyen de vente du pois dans l'observatoire des résultats économiques à la production 2006-2016 ; départements n° 10, 14, 27, 76 et 89
Sources : projection de marges 2019 du CER Nord Est Ile de France ; observatoires et expertises de Terres Inovia
Hypothèse concernant le blé de pois Vs blé de blé : + 7,4 q/ha à 160 €/t ; - 40 kg Nmin/ha à 1 €/unité ; - 30 €/ha de désherbage
Des débouchés en alimentation animale et humaine
Le débouché principal du pois protéagineux cultivé en France est l’alimentation animale (environ 50 % au cours des dernières campagnes). Les débouchés en alimentation humaine et comme ingrédient sont en pleine croissance depuis quinze ans : le pois jaune est utilisé par l’industrie française des ingrédients agroalimentaires et non alimentaires, ou exporté vers l’Inde pour l’alimentation humaine ; le pois vert est destiné à la casserie ; le pois marbré à l’oisellerie. Ces débouchés sont mieux valorisés en termes de prix de vente que le débouché alimentation animale. Quant aux pailles de pois, elles sont reconnues pour leur valeur fourragère ou utilisées pour la litière (bovins allaitants, animaux à croissance lente).
L’interculture et le pois
Implanter une légumineuse est possible
Toutes les légumineuses n’ont pas le même comportement vis-à-vis d’Aphanomyces euteiches.
1. parcelle de lupin – 2. Parcelle de pois chiche
Si le pois est très sensible au champignon responsable de la pourriture de ses racines, d’autres cultures sont plus tolérantes. Le lupin, le pois chiche ou le fénugrec sont des espèces « non hôtes » ; la féverole et le soja sont hôtes mais très résistants au pathogène ; la majorité des variétés de trèfle sont très résistantes. Ces 6 cultures peuvent être cultivées sur des parcelles infestées, et trouvent donc leur place en interculture avant le pois (mais aussi dans une rotation avec du pois), car elles ne sont pas susceptibles de multiplier Aphanomyces euteiches.
Proscrire, en revanche, les cultures sensibles et multiplicatrices du pathogène telles que : la lentille, la gesse, certaines variétés de vesce et de trèfle blanc. La luzerne est sensible en conditions contrôlées, mais pas en plein champ. Par mesure de précaution, mieux vaut éviter tout de même de la cultiver.
En raison d'autres maladies racinaires, il est préférable d'éviter les légumineuses en interculture avant un protéagineux.
Gérer les résidus de récolte
Broyer les pailles du précédent avant pois d’hiver.
Si un seul déchaumage peut suffire, deux déchaumages superficiels permettent de les enfouir et favorisent leur dégradation en les mettant en contact avec le sol. Réaliser le second passage (faux-semis) avec un outil à dents afin de détruire les adventices (vulpin, brome...).
En situation infestée de vivaces, déchaumer 10 jours après une application d’herbicide total (à réaliser en conditions poussantes et sur sol humide).
- Avant pois de printemps, l’interculture est suffisamment longue pour permettre une bonne décomposition des pailles. Le broyage est inutile.
- Avant un pois de printemps ou un pois d’hiver, répartir les pailles de céréales (décomposées et/ou broyées) dans la parcelle pour éviter d’encombrer le lit de semences.
Sinon, elles peuvent gêner la mise en place des graines à la bonne profondeur, être un obstacle à la levée du pois, et avoir tendance à limiter le terrage du semoir (profondeur du semis insuffisante).
Les stades repères du pois
Correspondances entre les stades repères du pois et les codes BBCH
|
Stade repère |
Code BBCH |
|
Non levée |
00 |
|
Levée |
10 |
|
1 feuille |
11 |
|
2 feuilles |
12 |
|
3 feuilles |
13 |
|
4 feuilles |
14 |
|
5 feuilles |
15 |
|
6 feuilles |
16 |
|
7 feuilles |
17 |
|
8 feuilles |
18 |
|
9 feuilles |
19 |
|
10 feuilles |
19 |
|
11 feuilles |
19 |
|
12 feuilles |
19 |
|
Début Floraison |
61 |
|
Fin Floraison |
69 |
|
Stade Limite Avortement |
71 |
|
Fin Stade Limite Avortement |
79 |
|
Maturité Physiologique |
85 |