Colza : comment favoriser l’action des micro-guêpes parasitoïdes ?
Favoriser la régulation naturelle est un levier prometteur pour réduire les niveaux de population de ravageurs. Cette démarche prend tout son sens lorsqu’elle vient en complément de mesures agronomiques destinées à améliorer la robustesse des cultures et à limiter la nuisibilité des attaques de ravageurs : associations d’espèces, de variétés, décalage des dates de semis… C’est un élément de la démarche de protection intégrée.
Réduire le travail du sol après le colza ou laisser des îlots de parcelles non travaillés
Ces micro-guêpes passent une partie de leur cycle sous forme de nymphe, c’est-à-dire immobile dans les premiers centimètres du sol. Les nymphes tombent au sol au printemps dans le colza et les adultes sortent au printemps suivant, dans la culture suivante. Ainsi, le travail du sol après colza, même superficiel est fortement préjudiciable à l’émergence des adultes. Les surfaces en colza où le travail du sol est limité sont favorables au développement de ces insectes et à la croissance de leurs populations.
Limiter les applications d’insecticides
Les principaux ravageurs du colza sont les hôtes d’au moins 80 espèces de parasitoïdes dont 12 sont supposées avoir une action clé dans la régulation. Ces espèces aux cycles de développement variés se succèdent dans les champs en recherche de leurs hôtes pendant une bonne partie de l’année, principalement au printemps, secondairement en automne (des variations régionales peuvent exister). Or, ces insectes sont de manière générale très sensibles aux applications d’insecticides. De petite taille, et avec une cuticule fine, Ils n’ont pas, à l’instar de certains ravageurs, développé au fil du temps de mécanismes de détoxification des matières actives insecticides. De plus, leurs capacités de recolonisation des parcelles après un traitement sont inférieures à celles des ravageurs.
Aménager les espaces non cultivés sur mon exploitation
Hyménoptères parasitoïdes sur inflorescence de navet
Tout comme les syrphes et les abeilles, les hyménoptères parasitoïdes ont besoin d’espaces non cultivés pour s’alimenter en nectar et/ou en pollen, pour se protéger des conditions météo défavorables et des perturbations anthropiques et également effectuer une partie de leur cycle de développement.
Les haies composites, les bandes fleuries non travaillées installées depuis plusieurs années contenant des espèces florales diversifiées, notamment des astéracées et apiacées, sont particulièrement favorables. Connectés entre eux, ces espaces semi-naturels créent des zones réservoirs d’insectes auxiliaires aptes à recoloniser les parcelles agricoles et favorisent le parasitisme de certaines espèces comme les méligèthes, plus efficace en paysages complexes.
Certes, les aménagements fleuris semés peuvent présenter un intérêt si les mélanges d’espèces sont pertinents, l’idéal étant de pouvoir gérer les abords de parcelles et de chemins de manière à retrouver une composition florale optimale en favorisant les espèces végétales présentes naturellement.
Voici quelques exemples de plantes à fleurs intéressantes à avoir à proximité des parcelles agricoles pour favoriser nombres d’auxiliaires : fenouil, carotte sauvage, achillée millefeuille, bleuet, vesce, sarrasin, tanaisie, millepertuis. Pour les espèces arbustives et arborescentes : noisetier, saule.
Colza et insectes : les ravageurs ont le champ libre sans régulation naturelle
Dans l’Yonne et les départements limitrophes, on assiste à de véritables pullulations d’insectes ravageurs du colza et notamment de l’altise d’hiver. Quand la chimie montre ses limites pour endiguer le phénomène, on aimerait pouvoir compter sur les régulations naturelles. Elles sont pratiquement inexistantes dans la zone, c’est ce que démontre une étude conduite par Terres Inovia sur les plateaux de Bourgogne, levant le voile sur une situation préoccupante.
La régulation naturelle des ravageurs, un service gratuit et efficace
Tout comme les méligèthes et les charançons, les altises sont principalement régulées par certaines espèces de micro-hyménoptères parasitoïdes. Quand ils sont présents en quantité suffisantes dans l’environnement agricole et que les pratiques leurs sont favorables, ces minuscules insectes, de la taille de moucherons sont très efficaces dans la régulation des coléoptères ravageurs du colza.
Véritables missiles à tête chercheuse ils détectent les larves de ravageurs, même lorsqu’elles sont dans les tiges et pondent leurs œufs en surface ou à l’intérieur de leur hôte, entrainant à terme sa mort.
De petites tailles et relativement discrets, ces insectes sont souvent méconnus et leur rôle sous-estimé. En effet, tout comme les syrphes ou encore les carabes, ils offrent gratuitement un service aux agriculteurs, celui de réguler sur le long terme les populations de ravageurs ; une action sans laquelle les pratiques de lutte chimique seraient insuffisantes.
Cette larve d’altise est condamnée, elle présente une tâche noire, signe de parasitisme par une micro-guêpe parasitoïde
La situation sur les plateaux de bourgogne
En 2018, une étude conduite sur les plateaux de Bourgogne dans le cadre du projet R2D2* révèle une situation préoccupante : sur 13 parcelles de colza parmi les 14 étudiées par Terres Inovia et ses partenaires**, les larves d’altises prélevées ne présentaient aucun signe de parasitisme par leurs principaux ennemis naturels alors que dans des situations favorables, ce parasitisme peut concerner plus de 60% des larves analysées. Pour les méligèthes, les résultats obtenus à partir des données recueillies sur 5 parcelles de colza dans l’Yonne étaient assez semblables avec des valeurs de taux de parasitisme oscillant entre 0.4 et 4.8%. En situation favorable, les taux de parasitisme de méligèthes peuvent atteindre plus de 90%.
Il est nécessaire de réagir rapidement
Prenons un peu de hauteur et voyons ce que révèlent les analyses de taux de parasitisme réalisées à partir de 12 échantillons de larves d’altises prélevés dans d’autres départements Français : le Lot et Garonne, la Haute-Garonne, les Charentes et Charentes Maritimes, L’Eure, l’Aube, le Gers, la Côte d’Or et la Somme. A noter que deux lots seulement ont révélé des niveaux de parasitismes significatifs avec des valeurs de 25% (Charentes) et de 48% (Gers). Cette photo ne peut prétendre représenter l’ensemble des situations françaises et ne prend pas en compte la dynamique temporelle des processus de régulation. Elle suggère cependant la nécessité de réagir rapidement : les hyménoptères parasitoïdes sont les principaux agents régulateurs des coléoptères ravageurs du colza, il parait illusoire de parvenir à rétablir des niveaux de pression de ravageurs acceptables sans mobiliser les régulations naturelles.
Résultat du parasitisme mesuré à partir d’élevage de larves en laboratoire. En abscisse, chaque barre correspond à un échantillon d’une centaine de larves.
Des infestations de punaises possibles localement en phase d’installation des colzas
Lorsque la campagne démarre dans des conditions chaudes et sèches, les risques d’attaques de punaises sur les jeunes colzas sont plus élevés. Vigilance si les mois de juillet, août et septembre s’inscrivent dans ce schéma climatique.
Certaines années, comme ce fut le cas en 2016 et 2019, des parcelles de colza tout juste levées ont été envahies par de petits insectes de quelques millimètres appartenant au groupe des punaises. Les conditions précises de ce phénomène restent à étudier. Toutefois, ces pullulations s’observent particulièrement les années où les conditions climatiques en juillet, août et septembre sont chaudes et sèches.
Les punaises sont polyphages et cherchent alors des sources de nourriture et s’attaquent non seulement au colza (repousses ou colzas en cours de levée) mais également à d’autres espèces végétales comme des céréales, des légumineuses... En 2019, dans certains départements, les punaises affamées ont également envahi des habitations situées à proximité de parcelles agricoles.
Localisation des attaques de punaises sur colza en 2019 et 2020 (situations non exhaustives)
Dégâts sur colza
Les attaques sur colza commencent par les bords de champs et progressent vers l’intérieur des parcelles si les conditions favorables persistent. Le phénomène est impressionnant : les plantules de colza flétrissent sans aucun autre symptôme apparent. Ces dernières, vulnérables à cause de la sécheresse, ne peuvent résister face à ces milliers d’individus ponctionnant la sève jusqu’à leur dessèchement complet.
L’observation de cet insecte, peu fréquent habituellement, reste toutefois très localisé.
A gauche : plantule de colza desséchée suite aux piqûres des larves de Nysius, à droite : parcelle de colza colonisée par les larves au cours de l’automne. Le végétal est détruit (sol nu) sur les premiers mètres (4 à 5 mètres sur le cliché et 25 à 30 mètres entre le jalon et le chemin, situé derrière la photographe)
Espèces impliquées
Les punaises colonisent les parcelles au stade larvaire. A ce stade, elles sont incapables de voler (absence d’ailes). Il n’est pas possible d’identifier précisément les larves, c’est pourquoi l’étude des adultes est incontournable pour connaître l’identité du ravageur. En 2019 et 2020, plusieurs espèces ont été identifiées par le laboratoire d’Eco-Entomologie à partir d’échantillons fournis par Terres Inovia et ses partenaires (GDA45 et AGRIAL) :
Nysius cymoides communément appelé fausse punaise des céréales.
Cette espèce a également été identifiée en 2009, 2016 en France. Elle semble être impliquée dans la majorité des attaques. Elle est considérée comme nuisible au colza en Iran mais peut également s’attaquer à une très grande diversité d’espèces végétales cultivées (choux, chou-fleur, soja, tomate, olivier, luzerne, tournesol, vigne…) ou non (chénopode, trèfle, moutarde des champs, armoise…).
Illustration de différents stades de l’espèce Nysius cymoides - a) Larve stade III (1,0 mm) ; b) Larve stade IV (1,5 mm) ; c) Larve stade V (2,2 mm) ; d) Adulte mâle (2,5 mm). La taille correspond à la mesure entre l’extrémité de la tête et l’extrémité de l’abdomen (photos : laboratoire d’Eco-Entomologie – J.-D. Chapelin-Viscardi).
Emblethis sp.
Les espèces impliquées n’ont pas pu être identifiées (identification uniquement possible sur adultes). Cependant, les espèces appartenant à ce genre sont souvent des insectes granivores polyphages.
Il n’est pas exclu que d’autres espèces de punaises adoptent ce comportement. Par exemple, des pullulations de Nysius thymi ont été signalées en Italie.
Beosus maritimus
Cette espèce a été détectée en 2020 en Charente-Maritime. Elle est principalement granivore et s’attaque à de nombreuses espèces végétales.
Gestion des infestations
Aucune spécialité n'est homologuée contre cet insecte, qui n’est pas classé « officiellement » en France parmi les ravageurs du colza. Les traitements testés semblent peu efficaces quelle que soit la famille insecticide choisie. Seule l'irrigation ou le retour de pluies calment le phénomène en permettant la dispersion des larves.
Seule une meilleure connaissance de la biologie des espèces impliquées permettra de trouver des stratégies de gestion durable adaptée si le problème se développe dans les années à venir.
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Afin de suivre l’évolution du phénomène au fil des années et mieux connaître les espèces impliquées, si vous observez des attaques sur colza, il est important de la signaler dans l’enquête mise en ligne par Terres Inovia. |
Source :
Chapelin-Viscardi J.-D., Tourton E. & Matocq A., 2017. – Pullulations de Nysius cymoides (Spinola, 1837) dans des parcelles de Colza de l’Ouest de la France (Heteroptera Lygaeidae Orsillinae). L’Entomologiste, 73 (3) : 205-210.
Chapelin-Viscardi J.-D. – le point sur les pullulations de la punaise des céréales - RTR de Niort – 28/11/19
Définition de nouvelles règles de décision pour gérer les charançons du bourgeon terminal et les larves d’altises intégrant un risque agronomique
Combiner les leviers pour limiter la nuisibilité des ravageurs !
Afin de réussir son colza, la clé est de combiner les leviers. Pour gérer les insectes d’automne (altises d’hiver et charançons du bourgeon terminal, les références acquises dans les essais montrent que c’est bien l’association des leviers agronomiques et insecticides qui donnent les meilleurs résultats. Pour chaque levier mis en place, le rendement est augmenté sans impact négatif sur la marge.
Pour chaque levier mis en place, le rendement est augmenté sans impact négatif sur la marge.
L’indicateur utilisé sur la figure (b) est ici la différence de marge semi-nette correspondant à l’écart entre la marge partielle de la modalité considérée et la marge partielle de la modalité témoin (colza sans association, ni fertilisation au semis, ni traitement insecticide contre les larves d’altises et le charançon du bourgeon terminal). La marge partielle est égale au produit brut moins les seules charges opérationnelles et de mécanisation variant entre les modalités (poste fertilisation, association avec des légumineuses, insecticides).
Les hypothèses de calculs sont :
- Insecticides : prix insecticide + coût de passage (9€/ha).
- Fertilisation: 1€/U + coût de passage (3.99€/ha).
- Couverts: Semences féverole (20€/ha) + cout semis 18€90 (semoir double caisse).
- Prix de vente du colza : 350€/tonne
Rendement aux normes (a) et différence de marge semi-nette avec le témoin (b), dans le témoin colza seul (CO), dans les modalités colza fertilisé (CO-F), colza associé à de la féverole (CO-Fev), colza associé à de la féverole et fertilisé (CO-Fev-F), colza associé à de la féverole, fertilisé et traité (CO-Fev-F-T), colza seul traité (CO-T). Les groupes de significativité sont issus d’un test de Tukey à 5%. Les essais présentaient une biomasse des légumineuses en entrée d’hiver > 200 g/m2.
(a)
(b)
Limiter les attaques et la nuisibilité des ravageurs du colza via le levier variétal et les associations avec des légumineuses gélives
Plusieurs stratégies à anticiper dès la préparation de la campagne ont démontré leur efficacité pour gérer les attaques de ravageurs qui pourraient intervenir tout au long du cycle de la culture.
Associer son colza avec des légumineuses gélives pour limiter les attaques et la nuisibilité de l’altise d’hiver et du charançon du bourgeon terminal.
Charançon du bourgeon terminal et altise
Associer son colza avec des légumineuses gélives présente de nombreux avantages. Cette technique permet un meilleur fonctionnement de la plante, une meilleure absorption de l’azote et du phosphore. Le colza est alors plus robuste et à même de faire face à davantage de stress (notamment aux attaques des larves d’altises d’hiver et de charançon du bourgeon terminal).
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Utiliser des variétés à résistance partielle au virus de la jaunisse du navet transmise par le puceron vert
Les variétés de colza à résistance partiellle au virus de la jaunisse du navet (TuYV) constituent le principal moyen de lutter contre cette virose du colza transmise principalement par le puceron vert Myzus persicae.
Pucerons verts dans colza
En présence de puceron vert, si la variété de colza est à résistance partielle au virus de la jaunisse du navet (TuYV) ou si le colza a dépassé le stade 6 feuilles à l’arrivée des pucerons, le risque de jaunisse est faible et la protection insecticide (TEPPEKI®) dans nos essais n’est pratiquement jamais rentable économiquement.
Consultez la liste des variétés à résistances partielle au virus de la jaunisse du navet dans la rubrique “choisir” de notre site consacré au choix variétal myvar.fr.
| La résistance au virus TuYV est un plus mais ne doit pas être le premier critère de choix variétal. Les autres critères comme le potentiel de rendement, la vigueur, la résistance à la verse, à l’élongation, aux maladies et ravageurs sont à prendre en compte. Une étude de Terres Inovia montre que résistance partielle au TuYV et rendement ne sont pas liés. |
Etude de la performance des variétés selon la présence du virus TuYV
Associer son colza avec une variété précoce pour limiter la pression en méligèthe
Méligèthes dans colza
Les méligèthes sont attirés par les odeurs émises par ses plantes hôtes et par la couleur jaune. Au choix, ces insectes se porteront ainsi préférentiellement vers les fleurs que vers les boutons.
Dans les situations où les attaques de méligèthes sont modérées, l’association d’une variété haute et très précoce à floraison en mélange à 5-10% avec la variété d’intérêt peut permettre de rester en deçà des seuils d’intervention.
L’efficacité de la stratégie repose sur l’écart de stade à floraison entre les deux variétés en association : la variété piège doit être en fleur avant la variété à protéger, alors au stade bouton.
Plusieurs associations sont aujourd’hui possibles :
- ES ALICIA, DK EXAVANCE et ATRAKT peuvent être associées avec n’importe quelle variété. Ces 3 variétés sont les plus précoces à l’heure actuelle.
- RGT WINDOZZ, RGT GINFIZZ, KWS MIRANOS présentent un intérêt uniquement si mélangées avec une variété mi-tardive ou tardive à floraison.
Tableaux des variétés très précoces et précoces éligibles aux mélanges (CEPP) - par ordre de précocité à floraison.
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Variété d’intérêt |
Variété précoce |
Précocité à floraison |
Ecart de floraison par rapport à ES ALICIA* |
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Mélange possible avec toutes les variétés |
DK EXAVANCE |
Très précoce |
-3/-5 jours |
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ES ALICIA** |
Très précoce |
0 |
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ATRAKT |
Très précoce |
0 |
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Liste de couples possibles disponibles ici
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KWS MIRANOS |
Précoce |
+3/+5 jours |
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RGT GINFIZZ |
Précoce |
+3/+5 jours |
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RGT WINDOZZ |
Précoce |
+3/+5 jours |
** ES ALICIA est une lignée qui présente une fragilité plus prononcée que les autres variétés en conditions défavorables à la culture (stress climatique, attaques de larves d’altises ou CBT…). Dans de telles situations, la mise à fleurs peut-être retardée, au risque de compromettre l’effet piège à méligèthes escompté.
Limaces : mettre en œuvre des mesures agronomiques préventives
Il est possible de mettre en oeuvre plusieurs mesures agronomiques préventives permettent de limiter les attaques et la nuisibilité des limaces.
Limace grise, de 4 à 5cm
Les limaces apprécient particulièrement les sols creux et motteux et contenant des résidus de récolte non dégradés, qui leur offrent abris et nourriture.
Dès la récolte du précédent, observer la présence de limaces dans les parcelles afin d’adapter éventuellement le travail du sol avant le semis du tournesol, qui est une culture très appétente et particulièrement sensible aux attaques de ce mollusque.
Tout travail du sol (labour et déchaumage, surtout en conditions sèches) permet de limiter les populations de limaces. En cas de situation à risque, si possible, réaliser un premier travail du sol rapidement après la récolte du précédent et réintervenir à proximité du semis (la veille ou le jour du semis pour ne pas assécher le sol).
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