Colza et insectes : les ravageurs ont le champ libre sans régulation naturelle
Dans l’Yonne et les départements limitrophes, on assiste à de véritables pullulations d’insectes ravageurs du colza et notamment de l’altise d’hiver. Quand la chimie montre ses limites pour endiguer le phénomène, on aimerait pouvoir compter sur les régulations naturelles. Elles sont pratiquement inexistantes dans la zone, c’est ce que démontre une étude conduite par Terres Inovia sur les plateaux de Bourgogne, levant le voile sur une situation préoccupante.
La régulation naturelle des ravageurs, un service gratuit et efficace
Tout comme les méligèthes et les charançons, les altises sont principalement régulées par certaines espèces de micro-hyménoptères parasitoïdes. Quand ils sont présents en quantité suffisantes dans l’environnement agricole et que les pratiques leurs sont favorables, ces minuscules insectes, de la taille de moucherons sont très efficaces dans la régulation des coléoptères ravageurs du colza.
Véritables missiles à tête chercheuse ils détectent les larves de ravageurs, même lorsqu’elles sont dans les tiges et pondent leurs œufs en surface ou à l’intérieur de leur hôte, entrainant à terme sa mort.
De petites tailles et relativement discrets, ces insectes sont souvent méconnus et leur rôle sous-estimé. En effet, tout comme les syrphes ou encore les carabes, ils offrent gratuitement un service aux agriculteurs, celui de réguler sur le long terme les populations de ravageurs ; une action sans laquelle les pratiques de lutte chimique seraient insuffisantes.
Cette larve d’altise est condamnée, elle présente une tâche noire, signe de parasitisme par une micro-guêpe parasitoïde
La situation sur les plateaux de bourgogne
En 2018, une étude conduite sur les plateaux de Bourgogne dans le cadre du projet R2D2* révèle une situation préoccupante : sur 13 parcelles de colza parmi les 14 étudiées par Terres Inovia et ses partenaires**, les larves d’altises prélevées ne présentaient aucun signe de parasitisme par leurs principaux ennemis naturels alors que dans des situations favorables, ce parasitisme peut concerner plus de 60% des larves analysées. Pour les méligèthes, les résultats obtenus à partir des données recueillies sur 5 parcelles de colza dans l’Yonne étaient assez semblables avec des valeurs de taux de parasitisme oscillant entre 0.4 et 4.8%. En situation favorable, les taux de parasitisme de méligèthes peuvent atteindre plus de 90%.
Il est nécessaire de réagir rapidement
Prenons un peu de hauteur et voyons ce que révèlent les analyses de taux de parasitisme réalisées à partir de 12 échantillons de larves d’altises prélevés dans d’autres départements Français : le Lot et Garonne, la Haute-Garonne, les Charentes et Charentes Maritimes, L’Eure, l’Aube, le Gers, la Côte d’Or et la Somme. A noter que deux lots seulement ont révélé des niveaux de parasitismes significatifs avec des valeurs de 25% (Charentes) et de 48% (Gers). Cette photo ne peut prétendre représenter l’ensemble des situations françaises et ne prend pas en compte la dynamique temporelle des processus de régulation. Elle suggère cependant la nécessité de réagir rapidement : les hyménoptères parasitoïdes sont les principaux agents régulateurs des coléoptères ravageurs du colza, il parait illusoire de parvenir à rétablir des niveaux de pression de ravageurs acceptables sans mobiliser les régulations naturelles.
Résultat du parasitisme mesuré à partir d’élevage de larves en laboratoire. En abscisse, chaque barre correspond à un échantillon d’une centaine de larves.
Identifier la présence de larves de charançons de la tige et de méligèthes
Biologie
Les larves de charançon de la tige du colza et du chou ne présentent pas de pattes. La larve de charançon de la tige du colza est d’abord blanche à tête noirâtre et devient progressivement jaune à tête jaunâtre. Celle du charançon de la tige du chou est blanche avec une tête de couleur jaune clair. La différenciation des larves de ces deux espèces se fait cependant principalement par leur taille. Les larves de charançon de la tige du colza sont en effet beaucoup plus grosses que celles de charançon de la tige du chou lorsqu’elles sont à un stade de développement identique. En fin de vie larvaire, la larve de charançon de la tige du colza mesure 7-8 mm tandis que celle du charançon de la tige du chou mesure 4-6 mm. Les différences entre les larves de ces deux charançons restent tout de même minimes et sont plus faciles à mettre en évidence lorsque les deux espèces cohabitent et qu’il est possible de les comparer.
Larve de charançon de la tige du colza
Nuisible ou non ?
Les larves de ces deux espèces ne sont pas nuisibles. Lors de la floraison, on peut trouver des larves dans la partie médullaire des tiges mais les plantes peuvent supporter un grand nombre de larves. Des pertes de productions n’ont été identifiés que dans des cultures très denses (> 100 plantes/m2) où les larves ont attaqué les vaisseaux libéro-ligneux sur des tiges de très faible diamètre.
Pour rappel, la nuisibilité liée au charançon de la tige du colza est liée à la ponte qui engendre une réaction des tissus de la plante. Les tiges peuvent se renfler se déforment, voire éclater longitudinalement. Les pertes de rendement sont particulièrement aggravées en conditions sèches.
Biologie des larves de méligèthes
Larve de méligèthe en début de floraison du colza
Les larves de méligèthes sont mobiles, mesurent 4 mm maximum, disposent de 3 paires de pattes thoraciques noires et d’une tête noire. Certaines années, de nombreuses larves de méligèthes sont observées sur les siliques. Elles sont en situation difficile car elles ne disposent plus des boutons ou des fleurs pour achever leur développement. Ces infestations larvaires ne conduisent pas à des pertes d’organes fructifères significatives.
Il est possible de repérer facilement si certaines larves de méligèthes sont parasitées ! Elles présentent un point noir visible par transparence.
Petit guide pratique
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Conçus pour être glissés dans la poche, les petits guides pratiques proposent des fiches pour reconnaître insectes et maladies des cultures et leurs dégâts.
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Charançons : identification de l'espèce au stade larvaire
Analyse d’un fragment spécifique d’ADN afin d’identifier les différentes espèces de charançons ravageurs du colza.
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Surveillance et lutte contre le méligèthe
Un ravageur visible mais peu nuisible en général
Le méligèthe est un petit coléoptère de 1.5 à 2.5 mm, son corps de forme aplatie est noir brillant avec des reflets métalliques parfois verts. Ses antennes et ses pattes sont noires ; ses antennes sont en forme de massue.
Les méligèthes se nourrissent de pollen : lorsque les fleurs sont encore au stade boutons, ils les perforent pour atteindre les étamines, ce qui peut endommager le pistil et conduire à leur avortement. Le risque de pertes est d’autant plus important que les boutons sont petits ; mais dès que les fleurs sont ouvertes, le pollen est libre d’accès et la nuisibilité devient généralement nulle et le traitement inutile. Les femelles pondent pendant la floraison dans les boutons mais cela n’endommage pas la plante.
1et 2. Méligèthe adulte sur boutons - 3. Boutons avortés suite attaque de méligèthes
Stratégie de lutte : maintenir la population à un niveau tolérable
La stratégie de lutte vis-à-vis des méligèthes a pour objectif de maintenir la population à un niveau tolérable (et non à l'éradiquer) pour que la floraison puisse s’engager sans retard important et que les compensations puissent s'exprimer au maximum. Le colza dispose d’importantes capacités de compensation. Lorsque la culture est vigoureuse, elle peut faire face à des attaques de méligèthes même fortes.
Visiter ses parcelles pour évaluer l’état des colzas et le niveau de présence du méligèthe
Plus la culture est vigoureuse et saine, plus elle peut supporter la présence de méligèthes, même abondante. Au contraire, plus la culture est chétive, stressée ou en situation contrainte, plus elle sera sensible aux attaques. L'observation de l'état du colza est donc aussi primordiale que l'observation du ravageur
- Ne pas intervenir trop rapidement, mais essayer de faire "le plein" avant l'application d'un insecticide. Traiter 5 à 7 jours après que le seuil d'intervention a été atteint. Si une nouvelle intervention s'avère nécessaire, attendre une semaine.
- Toute intervention est à éviter à partir de l’apparition des premières fleurs dans la végétation sauf si la pleine floraison ne se produit pas une semaine après l’apparition des premières fleurs. La ponte des adultes et les larves n’engendrent pas de dégâts à la culture.
| Stade sensible | Du stade boutons accolés D1 ou BBCH 50 au stade boutons séparés E ou BBCH 59 |
| Piégeage | Cuvette jaune uniquement indicateur de présence. Dénombrement sur plante nécessaire. |
| Condition de vol | Températures >14° C |
| Seuils d'intervention en fonction de l'état du colza et de son stade | ||
| Colza au stade D1 | Colza au stade E | |
| Colza vigoureux | Pas d'intervention |
6 à 9 méligèthes par plante** Région sud : 4 à 6 méligèthes par plante |
| Colza peu vigoureux | 50% de plantes infestées ou 1 méligèthe par plante** | 65 à 75% de plantes infestées ou 2 à 3 méligèthes par plante** |
*ou conditions peu favorables aux compensations (températures faibles, plantes stressées en eau à floraison, dégâts parasitaires antérieurs…)
**Les comptages en bordure ou sur les plantes les plus hautes ne sont pas représentatifs de la situation. Il est conseillé de compter sur 5 x 5 plantes consécutives ; puis de calculer une moyenne ou un % par plante à rapprocher des seuils mentionnés dans le tableau. De plus il faut tenir compte des capacités de compensation des cultures.
Innover avec l'utilisation de plantes piègesDans les situations où les attaques de méligèthes sont généralement modérées l’association d’une variété haute et très précoce à floraison (ex ES Alicia, Troubadour …) en mélange à 5-10% avec la variété d’intérêt peut permettre de rester en deçà des seuils d’intervention. Cette variété haute et très précoce sera en effet plus attractive pour les méligèthes, protégeant ainsi les plantes de la variété d’intérêt. |
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