Les effets bénéfiques des légumineuses pour des pratiques agricoles durables

Terres Inovia a partagé les résultats de travaux dans le cadre du projet européen Climate Farm Demo, confirmant les atouts des légumineuses pour des pratiques agricoles durables. Un webinaire à destination des conseillers techniques a même été organisé le 30 avril dernier.

Lancé en 2022, Climate Farm Demo est un projet européen visant à accélérer l'adoption de pratiques agricoles vertueuses pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Coordonné par l’Idele, il réunit 81 partenaires (dont Terres Inovia) dans 28 pays.

 

Dans le cadre de ce projet, un webinaire destiné aux conseillers techniques a été organisé, le 30 avril dernier, pour mettre en avant les effets bénéfiques des légumineuses pour des pratiques agricoles durables. Objectif : accompagner la transition climatique des agriculteurs européens, en particulier les 1500 producteurs qui sont partenaire du projet.

 

Visualisez le webinaire

 

Ces résultats portent principalement sur les effets bénéfiques des légumineuses en matière de fixation de l’azote, d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de rendement des cultures suivantes. Ils sont issus d’essais réalisés par Terres Inovia, Arvalis,l’INRAE et l’ADAS.

Une fixation symbiotique de l’azote par les légumineuses

Ces cultures permettent une fixation symbiotique de l’azote et peuvent donc être cultivées sans qu’il soit nécessaire de recourir aux engrais azotés.  Selon les espèces de légumineuses, la fixation représente de 40 à 90% de l’azote présent dans ces cultures.

Une réduction des gaz à effet de serre (GES)

Les cultures de légumineuses émettent 70 à 80 % en moins de GES que les cultures à fort intrant azoté (blé, maïs, colza). L’empreinte carbone moyenne est inférieure à 1000 kg éqCO₂/ha par exemple pour le pois, la féverole et le soja. Les émissions de GES sont également réduites sur la culture suivante grâce à la baisse des apports d'engrais (-230 kg éqCO₂/ha pour un blé suivant pois par exemple).

Les effets positifs sur le rendement des cultures suivantes

•    En agriculture conventionnelle
Le blé après une légumineuse augmente son rendement de +0,3 à +1,2 t/ha comparé à un blé après céréale. Les pratiques de fertilisation sont peu différenciées entre les précédents culturaux alors qu’il y a un potentiel de réduction de la dose d’engrais après une culture légumineuse.


•    En agriculture biologique

​​​​​​​Le gain de rendement est de +1,0 à +2,2 t/ha.

 

En résumé

Les résultats présentés dans le cadre du projet Climate Farm Demo confirment que l’intégration de légumineuses dans les rotations culturales :
•    Réduit fortement les émissions de GES (directes et indirectes)
•    Améliore le rendement des cultures suivantes
•    Diminue les besoins en fertilisation azotée
•    Participe à une meilleure durabilité agronomique des systèmes de culture.

 

En savoir plus sur le projet Climate Farm Demo

 

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Colza en Normandie et Ouest Ile-de-France : biomasse et azote absorbé en sortie hiver 2025

Les biomasses fraîches atteignent 1 à 1.25 kg/m² en février 2025, contre 1.10 à 1.40 kg/m² en novembre 2024. Une moyenne qui masque de fortes variabilités. Les records de pluies en janvier ont pu fragiliser les plantes. Le temps frais depuis 2 mois réfrène le redémarrage de la culture.

Sur un échantillon de 300 parcelles ayant fait l’objet de pesées au champ, les biomasses moyennes en sortie hiver affichent des valeurs proches de la tendance des 10 dernières années en Normandie (moy = 1.25 kg/m²), et des valeurs en moyenne inférieures de 10 % dans les départements 95, 78 et 91 (moy = 1.01 kg/m²).

  • ​​​​​​​​​​​​Environ 30 % des parcelles ont conservé voire dépassé 1.5 kg/m2 de poids vert avant le 20 février en Normandie. A peine plus de 10 % des situations mesurées étaient dans ce cas en Ile-de-France. Ces chiffres demeurent malgré tout corrects au vu des conditions de l’année.
  • L’hiver a provoqué des pertes de 5 à 35 % de poids verts entre décembre et début février. Les régions de littoral du Calvados notamment sont beaucoup moins affectées que les secteurs continentaux froids et humides de l’Eure par exemple.
  • Les quantités d’azote absorbé mesurées en sortie hiver 2025 dépassent légèrement la moyenne décennale en Haute-Normandie et Basse-Normandie avec des valeurs moyennes respectives de 85 et 95 kg N/ha pour ces deux régions. En Ile-de-France, la culture a pompé en moyenne 65 kg N/ha, soit 10 à 15 points de moins qu’à l’accoutumée.

Pour plus de détail sur ce bilan (graphiques, commentaires…), lisez la note qui situe la campagne en cours, par rapport aux données pluriannuelles.

Nous remercions vivement les acteurs régionaux qui ont permis la collecte et l’exploitation de ces informations.


​​​​​Pour mémoire, les « gros colzas » nécessitent moins d’apports d’engrais minéraux.

Dans les parcelles suffisamment portantes, les premiers apports d’engrais ont déjà été effectués. A la mi-février, le stade C1 (reprise sans décollement de la tige) était majoritaire dans la plaine, c’est une année plutôt tardive, à l’opposé de 2024.

Il est conseillé d’essayer de se rapprocher au possible des conseils habituels de fractionnement de la dose totale qui s’appuient sur la valeur de la dose à apporter, le stade et les éventuels problèmes sanitaires : hydromorphie / asphyxies racinaires, maladies (hernie des crucifères …), dégâts larvaires (altises, charançons, mouches du chou).
 

Jean Lieven - j.lieven@terresinovia.fr - Normandie, Ile-de-France Ouest

Sortie hiver Normandie et Ouest Ile-de-France Fertilité et gestion durable des sols Colza Jean Lieven

Hauts-de-France - Colza : Adapter la fertilisation azotée et soufrée à l’année

Début février est le bon moment pour affiner sa stratégie d’apport d’engrais azoté et soufré. La dose d’azote doit être ajustée à l’état des colzas en sortie d’hiver. Les apports d’azote et de soufre doivent être apportés lorsque les plantes ont la capacité de les valoriser.

Ajuster la dose d’azote avec la biomasse sortie d’hiver


Si ce n’est pas déjà fait, il est temps d’estimer la biomasse des colzas en sortie d’hiver et d’intégrer cette information dans le calcul de la dose d’azote (www.regletteazotecolza.fr). Le poids vert exprimé en kg/m² permet d’estimer la quantité d’azote déjà absorbé par la culture à l’ouverture du bilan. C’est autant d’azote qu’il n’y aura pas besoin d’apporter sous forme d’engrais. A titre d’exemple, un colza de 0.6 kg/m² en sortie d’hiver a absorbé environ 40 uN, tandis qu’’un colza de 2 kg/m² a déjà absorbé 130 uN. La croissance des colzas peut fortement varier selon les situations. C’est pourquoi, il est conseillé de l’estimer par des pesées ou par des services d’imagerie satellite qui offrent une meilleure vision de l’hétérogénéité intra parcellaire. 

 

Ajuster l’objectif de rendement en fonction des éventuels facteurs limitants

La reprise de végétation est également un moment où il est judicieux de réévaluer l’objectif de rendement de la parcelle pour ajuster la dose d’azote si nécessaire. Une série de questions mérite d’être posée : Le peuplement est-il limitant ? L’enherbement est-il maitrisé ? Il y a-t-il une forte pression parasitaire (larves de charançon du bourgeon terminal et ou de grosse altise) ?... Au regard des problèmes de structure à l’implantation et des cumuls de pluie enregistrés cet automne et cet hiver, il est également judicieux de regarder l’état des racines des cultures. L’enracinement est-il satisfaisant ? Les racines sont-elles nécrosées ? Réviser à la baisse votre objectif de rendement si ces éléments sont impactés négativement.

 

Quand débuter les apports d’azote ?

La fertilisation azotée est un poste de charge important : autant se donner les moyens pour que l’engrais soit le plus efficace possible en synchronisant les besoins de la plante et la disponibilité en éléments minéraux. Il est inutile d’apporter des engrais sur des cultures en repos végétatif. On visera également un apport avant une pluie annoncée.
Les apports les plus précoces sont à positionner sur les petits colzas lorsque les températures vont se réchauffer et que la végétation va reprendre (stade C1-C2, émission de nouvelles feuilles, début d’élongation de la tige). La dose d’azote pour le premier apport précoce sur les petits colzas doit rester modéré car, même s’ils ont besoin d’azote pour la reprise de croissance faute de réserve, leur capacité d’absorption initiale est faible (indice foliaire faible limitant la croissance, système racinaire limité). Pour les colzas moyens à gros, leurs réserves stockées dans les feuilles et les racines sont suffisantes pour la reprise de croissance (voir tableau stratégies de fractionnement).

Stratégies de fractionnement des apports d’azote

Dose totale à apporter (kgN/ha)

Reprise de végétation
(C1-C2)
Début montaison
(C2-D1)
Boutons accolés
(D1-D2)
Boutons séparés
(E)

 < 100

    < 100  
100 à 170   60 à 80 40 à 90
> 170 40 à 60  50 et + 40 à 60

 

Pas d’impasse en soufre au début de la montaison


Les besoins en soufre du colza sont élevés et une carence peut coûter très cher (perte de 10 à 20 q/ha). Il est recommandé d’apporter 75 unités, sous forme assimilable sulfate, dès le début de la montaison (stade C2, entre-nœuds visibles).


En cas d’utilisation d’engrais azoté soufré, attention de ne pas apporter trop d’azote au premier apport ou inversement d’être trop faible en soufre. Il est préférable d’ajuster avec des engrais spécifiques (ammonitrate ou kieserite).

Dans le contexte de l’année avec des précipitations localement très importantes qui ont pu lessiver le soufre et une reprise de la minéralisation potentiellement plus tardive au regard des températures du sol, le risque de carence en soufre est plus important en particulier dans les sols superficiels et filtrants. Une impasse en soufre peut se révéler préjudiciable y compris en situation d’apport régulier de matière organique (modulation possible sans descendre en dessous de 50 uN SO3).

 

 

Au-delà de 350 mm cumulés de novembre à février, on considère que le risque de lessivage du soufre est élevé. Les tableaux ci-dessous présentent les cumuls de pluies sur quelques stations météo régionales.

Cumuls de pluie sur quelques stations météorologiques régionales (source Météo France)

Station météo Cumul de pluie du 01/11/2024 au 31/01/2025 Cumul de pluie du 01/02 au 28/02
(Moyenne 2015- 2024)
Estimation du cumul de pluie de novembre à février
Mons en Chaussée (80) 234 mm 52 mm 286 mm
Abbeville (80) 296 mm 57 mm 352 mm
Beauvais – Tille (60) 240 mm 42 mm 283 mm
Fresnoy la rivière (60) 247 mm 47 mm 294 mm
Blesmes (02) 225 mm 50 mm 276 mm
Laon (02) 211 mm 53 mm 265 mm
Cambrai (62) 218 mm 46 mm 264 mm
Humières (62) 315 mm 66 mm 381 mm

 

Pause hivernale Sortie hiver Hauts-de-France Fertilité et gestion durable des sols Colza Aurore Baillet - a.baillet@terresinovia.fr

Champagne-Ardenne/Seine-et-Marne - Colza : Adapter la fertilisation azotée et soufrée à l’année

Début février est le bon moment pour affiner sa stratégie d’apport d’engrais azoté et soufré. La dose d’azote doit être ajustée à l’état des colzas en sortie d’hiver. Les apports d’azote et de soufre doivent être apportés lorsque les plantes ont la capacité de les valoriser.

Ajuster la dose d’azote avec la biomasse sortie d’hiver


Si ce n’est pas déjà fait, il est temps d’estimer la biomasse des colzas en sortie d’hiver et d’intégrer cette information dans le calcul de la dose d’azote (www.regletteazotecolza.fr). Le poids vert exprimé en kg/m² permet d’estimer la quantité d’azote déjà absorbé par la culture à l’ouverture du bilan. C’est autant d’azote qu’il n’y aura pas besoin d’apporter sous forme d’engrais. A titre d’exemple, un colza de 0.6 kg/m² en sortie d’hiver a absorbé environ 40 uN, tandis qu’’un colza de 2 kg/m² a déjà absorbé 130 uN. La croissance des colzas peut fortement varier selon les situations. C’est pourquoi, il est conseillé de l’estimer par des pesées ou par des services d’imagerie satellite qui offrent une meilleure vision de l’hétérogénéité intra parcellaire. 

 

Ajuster l’objectif de rendement en fonction des éventuels facteurs limitants

La reprise de végétation est également un moment où il est judicieux de réévaluer l’objectif de rendement de la parcelle pour ajuster la dose d’azote si nécessaire. Une série de questions mérite d’être posée : Le peuplement est-il limitant ? L’enherbement est-il maitrisé ? Il y a-t-il une forte pression parasitaire (larves de charançon du bourgeon terminal et ou de grosse altise) ?... Au regard des problèmes de structure à l’implantation et des cumuls de pluie enregistrés cet automne et cet hiver, il est également judicieux de regarder l’état des racines des cultures. L’enracinement est-il satisfaisant ? Les racines sont-elles nécrosées ? Réviser à la baisse votre objectif de rendement si ces éléments sont impactés négativement.

 

Quand débuter les apports d’azote ?

La fertilisation azotée est un poste de charge important : autant se donner les moyens pour que l’engrais soit le plus efficace possible en synchronisant les besoins de la plante et la disponibilité en éléments minéraux. Il est inutile d’apporter des engrais sur des cultures en repos végétatif. On visera également un apport avant une pluie annoncée.
Les apports les plus précoces sont à positionner sur les petits colzas lorsque les températures vont se réchauffer et que la végétation va reprendre (stade C1-C2, émission de nouvelles feuilles, début d’élongation de la tige). La dose d’azote pour le premier apport précoce sur les petits colzas doit rester modéré car, même s’ils ont besoin d’azote pour la reprise de croissance faute de réserve, leur capacité d’absorption initiale est faible (indice foliaire faible limitant la croissance, système racinaire limité). Pour les colzas moyens à gros, leurs réserves stockées dans les feuilles et les racines sont suffisantes pour la reprise de croissance (voir tableau stratégies de fractionnement).

Stratégies de fractionnement des apports d’azote

Dose totale à apporter (kgN/ha)

Reprise de végétation
(C1-C2)
Début montaison
(C2-D1)
Boutons accolés
(D1-D2)
Boutons séparés
(E)

 < 100

    < 100  
100 à 170   60 à 80 40 à 90
> 170 40 à 60  50 et + 40 à 60

 

Pas d’impasse en soufre au début de la montaison


Les besoins en soufre du colza sont élevés et une carence peut coûter très cher (perte de 10 à 20 q/ha). Il est recommandé d’apporter 75 unités, sous forme assimilable sulfate, dès le début de la montaison (stade C2, entre-nœuds visibles).


En cas d’utilisation d’engrais azoté soufré, attention de ne pas apporter trop d’azote au premier apport ou inversement d’être trop faible en soufre. Il est préférable d’ajuster avec des engrais spécifiques (ammonitrate ou kieserite).

Dans le contexte de l’année avec des précipitations localement très importantes qui ont pu lessiver le soufre et une reprise de la minéralisation potentiellement plus tardive au regard des températures du sol, le risque de carence en soufre est plus important en particulier dans les sols superficiels et filtrants. Une impasse en soufre peut se révéler préjudiciable y compris en situation d’apport régulier de matière organique (modulation possible sans descendre en dessous de 50 uN SO3).

 

 

Au-delà de 350 mm cumulés de novembre à février, on considère que le risque de lessivage du soufre est élevé. Les tableaux ci-dessous présentent les cumuls de pluies sur quelques stations météo régionales.

Cumuls de pluie sur quelques stations météorologiques régionales (source Météo France)
Station météo Cumul de pluie du 01/11/2024 au 31/01/2025  Cumul de pluie du 01/02 au 28/02
(Moyenne 2015- 2024)
Estimation du cumul de pluie de novembre à février
La Chesne (08)
 
333 mm  88 mm 421 mm
Vatry (51)
 
208 mm 45 mm 253 mm

Prunay (51)

172 mm 43 mm 215 mm
Troyes (10) 169 mm 45 mm 214 mm
Romilly/Seine (10) 227 mm 48 mm 275 mm
Bourdons/Rognons (52) 294 mm 75 mm 369 mm
Saint Dizier (52) 192 mm 58 mm 250 mm
Pause hivernale Sortie hiver Grand Est Fertilité et gestion durable des sols Colza Aurore Baillet - a.baillet@terresinovia.fr

Les autres services rendus par les sols

Du fait de leur localisation à l’interface avec l’eau et l’air, les sols assurent de nombreux services essentiels à la vie : production agricole, atténuation du réchauffement climatique, rétention et filtration de l’eau, habitat d’une immense biodiversité, etc.

La gestion durable de cette ressource fragile, non renouvelable à l’échelle humaine, est un enjeu fort dans un contexte de population mondiale croissante et d’aléas climatiques qui accentuent les pressions exercées sur les sols. L’agriculture doit contribuer à assurer la multifonctionnalité de cette ressource semi-vivante pour la productivité agricole mais également pour les autres services rendus par les sols agricoles à la société.

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Fig 1. Les sols fournissent des services écosystémiques essentiels à la vie sur terre (d’après Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2015)

Atténuer le réchauffement climatique en stockant du C dans les sols

Augmenter les teneurs en carbone organique dans les sols contribue à l’atténuation du réchauffement climatique. Le processus de photosynthèse qui permet de produire de la biomasse végétale (des matières organiques) consomme du CO2 atmosphérique (principal gaz à effet de serre). Lors de la restitution de ces matières organiques au sol une partie du carbone est stabilisée à l’échelle de plusieurs dizaines à centaines d’années.

​​​​​​​Dégradation et transformation des matières organiques et du carbone organique

Dans les systèmes agricoles, le carbone organique arrivant au sol provient des apports de matières organiques par la biomasse aérienne des végétaux (litière, résidus de culture) et souterraine (racines mortes, exsudats racinaires) et des apports de produits résiduaires organiques (PRO) (effluents d’élevage, boue de station d’épuration, composts, etc.). Une fois restituées au sol, les matières organiques, subissent une cascade de transformations biochimiques et physiques sous l’action d’une diversité d’organismes vivants (processus de biotransformations) (Pellerin et al., 2020). L’existence de trois grands types de molécules organiques plus ou moins récalcitrantes de types humines, acides humiques et acides fulviques a été démentie par les méthodes d’analyse modernes. Les matières organiques du sol constituent plutôt un continuum de composés organiques à différents stades de biotransformation, depuis les matières organiques particulaires (e.g. cellulose, lignine) jusqu’à des molécules organiques simples (par exemple des acides aminés). Les résidus organiques sont notamment biodégradés progressivement vers des formes plus simples sous l’action d’enzymes extracellulaires, le plus souvent produites par des microorganismes. À partir d’une certaine taille, les composés organiques peuvent être assimilés par les microorganismes. Le carbone des matières organiques est alors émis sous forme de CO2 (minéralisation) ou bien immobilisé temporairement dans les microorganismes (vivants et morts).

Fig 2. Représentation schématique du devenir d’un apport de matières organiques
(Source : Chenu Claire. Webinaire Comifer - Les matières organiques dans les sols agricoles, 7 avril 2021. )

La persistance des matières organiques (et donc du carbone organique) dans le sol serait davantage liée aux propriétés physico-chimiques et biologiques de l’environnement (qui influencent leur vitesse de dégradation) qu’à leurs propres caractéristiques, comme précédemment supposé. Les interactions organo-minérales, en particulier, constituent un facteur majeur influençant la stabilisation des matières organiques du sol (Lehmann and Kleber, 2015). Les microorganismes représentent une des grandes sources voire la principale source du carbone stabilisé à long terme dans les sols grâce à leur forte interaction avec les minéraux du sol (Chenu, 2021).

Outils de simulation de l’évolution du carbone organique dans les sols

Les variations de stocks de carbone organique sont lentes et leur mesure est difficile. Les spécialistes estiment qu’il faut environ 10 ans pour mesurer une variation significative de stock de carbone après des changements de systèmes de cultures en milieu tempéré.

Le modèle AMG (Andriulo et al., 1999 ; Clivot H. et al., 2019) permet de simuler l'évolution des stocks et teneurs en matières organiques à pas de temps annuel sur la base des connaissances scientifiques actuelles et de mesures rigoureuses sur des essais de longue durée en milieu tempéré, notamment en France. Terres Inovia contribue à son amélioration depuis 2016.
SIMEOS-AMG est un outil de simulation fondé sur le modèle AMG. Cet outil permet de simuler l’évolution des stocks et des teneurs en carbone organique sur la couche 0-30cm du sol.

Fig 3. Dynamiques du carbone organique du sol à la parcelle telles que simulées par le modèle AMG développé par Andriulo et al. (1999)
(figure modifiée d’après Perrin, 2019, Perspectives Agricoles 466).

AMG considère trois compartiments de matière organique (MO) : la MO fraîche provenant de résidus de culture (aériens et racinaires) ou d'amendements organiques qui peuvent être décomposés ou humifiés, et la MO du sol qui est divisée en pools de C actif (Ca) et stable (C stable à l'échelle de plusieurs 10ènes à 100ènes d'années). Le taux de minéralisation k du pool de C actif dépend des conditions climatiques et des caractéristiques du sol et est calculé à l'aide de fonctions environnementales. L’effet du travail du sol est considéré comme quasi nul en milieu tempéré d’après l’état des connaissance actuelles.

Article Perspectives Agricoles  n°466 - Statut Organique des sols

Description du modèle AMG

AMG et SIMEOS-AMG

Outil Simeos-AMG en ligne

A savoir :

Déterminer précisément les stocks de C des sols d’une parcelle agricole nécessite de réaliser un échantillonnage très laborieux, avec de nombreuses répétitions, et pour un coût élevé. C’est pourquoi la méthodologie du Label Bas Carbone Grandes Culture  se base sur des simulations par de modèles reconnus scientifiquement. De plus cette méthodologie considère la différence de stockage de carbone entre systèmes de culture et non la valeur réelle des stocks.

Fig 4. Simulation des variations temporelle des stocks et des teneurs en carbone organique dans des sols pour différents systèmes de culture (simulations réalisées avec Simeos-AMG). La teneur initiale en carbone organique influence le niveau de stockage de C mais pas la différence de stockage entre les systèmes de culture.
Source : Mouny C. (AgroTransfert-RT) et Perrin A.-S. (Terres Inovia) Webinaire Comifer - Les matières organiques dans les sols agricoles - Entrées et sorties de carbone dans les sols agricoles : quels ordres de grandeur ? 7 avril 2021.

​​​​​​​ Label Bas Carbone Grandes Culture 

Label bas carbone (site ecologie.gouv.fr)

 

Facteurs déterminants les niveaux de stockage de carbone organique dans les sols

L'évolution des stocks de carbone organique dans les sols dépend des flux d’entrées et des flux de sorties de carbone.
Dans les sols de grandes cultures (sans apport de produits résiduaires organiques), la fourniture en C humifié (les entrées de C) dépendent 1) des biomasses restituées et de leurs teneurs en carbone et 2) du taux d’humification des résidus de culture (lié au teneurs C/N de ces résidus).

 

Les sorties de carbone des sols correspondent à la minéralisation annuelle des matières organiques par les microorganismes. Le taux de minéralisation varie selon les types de sol (selon leur texture, leur pH et le rapport C/N des matières organiques du sol) et le climat (température et précipitations)


     
Fig 4. Simulation des entrées et sorties annuelles de C humifié dans des sols pour différents types de grandes cultures et couverts (simulations réalisées avec Simeos-AMG).
Source : Mouny C. (AgroTransfert-RT) et Perrin A.-S. (Terres Inovia) Webinaire Comifer - Les matières organiques dans les sols agricoles - Entrées et sorties de carbone dans les sols agricoles : quels ordres de grandeur ? 7 avril 2021

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Comment améliorer la fertilité des sols

Le sol est un pilier des stratégies agroécologiques en systèmes de grande culture. L’évaluation de leur fertilité est pourtant peu ou mal intégrée aux démarches de conception pas à pas en ferme, du fait du manque de transfert de connaissances et d’outils opérationnels accessibles aux conseillers agricoles et agriculteurs.

L’atteinte des services attendus de la fertilité des sols (fourniture en nutriments, alimentation hydrique des cultures, faible sensibilité à la battance, à l’érosion ou au tassement, etc.) est au centre des préoccupations de nombre d’agriculteurs qui cherchent à améliorer la robustesse et la résilience de leurs cultures, l’autonomie par rapport aux intrants de leurs systèmes de culture, et plus globalement la durabilité de leurs productions.
Terres Inovia s’investit depuis plusieurs années dans les méthodologies d’accompagnement des agriculteurs (Projet Outillage, animation de plusieurs réseaux d’agriculteurs).
Le projet TaDeBo’Sols, piloté par Terres Inovia pour la période 2022-2023 et en partenariat avec Arvalis, a pour finalité de formaliser les connaissances sur les différents services attendus de la fertilité, et de concevoir des tableaux de bord, facilement transférables et adaptables par les conseillers et agriculteurs.
Le projet Transi’Sols, qui a débuté fin 2022 pour 3 ans et demi et qui est également piloté par Terres Inovia, est le prolongement de TaDeBo’Sols. L’objectif général de ce projet est de co-concevoir et mettre en œuvre des tableaux de bord opérationnels. Ce projet permet à plusieurs réseaux d’agriculteurs, accompagnés par leur conseiller, de tester de nouvelles stratégies, de les évaluer et de les adapter en continu pour qu’elles répondent aux attentes. Ces tableaux de bord appliqués aux services attendus de la fertilité des sols intégreront des méthodes d’observations et de mesures adaptées aux agriculteurs et conseillers agricoles. Ces outils d’accompagnement, conçus pour suivre et prendre en compte l’évolution des composantes de la fertilité des sols dans la situation spécifique des agriculteurs (contextes et attentes), leurs permettront d’innover par eux-mêmes et de mieux anticiper les risques d’échecs des transitions agroécologiques.

Carte des sols dominants de France et localisation des réseaux d’agriculteurs impliqués dans le projet

1) réseau Haut de France 2) GIEE Magellan 3) réseau Syppre Berry 4) : réseau d’Agrod’Oc 5) réseau Syppre Lauragais et 6) GIEE Agro réseau 64.

Ces travaux, menés en interaction avec 6 groupes d’agriculteurs et conseillers dans différentes situations culturales et pédoclimatiques ont pour objectifs spécifiques :

  • de formaliser des tableaux de bord basés sur les attentes des agriculteurs concernant les services attendus de la fertilité, l’élicitation d’états clés des sols à atteindre et les pratiques clés à mettre en œuvre pour obtenir ces services, reliés entre eux par des relations de cause à effet,
  • de valider les indicateurs (observations ou mesures) alimentant ces tableaux de bords et permettant d’évaluer qualitativement ou quantitativement des niveaux d’atteinte des états clé des sols,
  • de piloter l’évolution pas à pas de systèmes en s’appuyant sur les analyses faites à partir de ces tableaux de bord, et d’en tirer des enseignements afin d’améliorer la démarche mise en œuvre.

Ces travaux favoriseront la montée en compétences des acteurs de terrain et une meilleure prise en compte de l’évolution du fonctionnement des sols dans la conception pas à pas de systèmes de culture.

En savoir plus sur :

Le projet TaDeBo'Sols

Le projet Transi'Sols

 

Webinaire RTTI : "Fertilité des sols : la favoriser, la mesurer, la piloter" - octobre 2022

France entière Fertilité et gestion durable des sols Anne-Sophie PERRIN (as.perrin@terresinovia.fr)

La fertilité des sols : comment la mesurer ?

Connaître les caractéristiques générales des sols de ses parcelles (leur qualité) permet de ne pas surestimer leurs potentiels et d’adapter les systèmes de cultures aux caractéristiques du milieu. Cette caractérisation, nécessitant un investissement financier modeste, sera mobilisable ensuite durant plusieurs générations. Le suivi du statut acido-basique et chimique des sols, qui permet d’adapter les apports au plus près des besoins des cultures, requiert des analyses de terre plus régulières. Le transfert récent de bioindicateurs vers les laboratoires de routine devrait permettre d’optimiser la gestion des apports de matières organiques. Enfin, des indicateurs permettent d’évaluer le fonctionnement / la santé des sols en toute autonomie.

Mesurer les principales qualités de son sol

Quelques paramètres exercent une forte influence sur les propriétés agronomiques et les processus physiques, biologiques et chimiques intervenant dans les sols. La profondeur des sols (qui va fortement influencer le réservoir utilisable en eau), la texture, le pH et le taux de calcaire sont à connaitre impérativement :

 

La texture du sol 

C’est la proportion d’argiles, limons et sables de la fraction minérale du sol. Plus un sol est argileux plus il a tendance à se tasser et moins la vitesse d’infiltration est élevée. L’argile et les limons permettent de retenir plus de nutriments et d’oligoéléments. Au contraire plus un sol est sableux, moins il retient l’eau et les nutriments, moins les organismes du sols (notamment vers de terre) y sont actifs et moins le sol est capable d’assurer l’ancrage des racines des plantes. Les parcelles agricoles de grandes tailles présentent parfois des différences significatives de texture ; caractériser ces différences peut permettre d’adapter certaines pratiques en intra-parcellaires.

 

Figure 1 - Classement des textures de Jamagne (1967) selon leur sensibilité au tassement et en fonction de leur classe texturale (d’après Rémy et Mathieu, 1972)

 

La profondeur du sol et la profondeur d’enracinement des cultures

Pour connaitre la profondeur de son sol, il faut effectuer un sondage à l’aide d’une tarière ou réaliser des fosses pédologiques dans ses parcelles. A défaut, observer la profondeur d’apparition de la roche-mère dans un fossé en bord de route peut également être informatif.

Figure 2 - En France métropolitaine, la profondeur du sol varie surtout en fonction des roches à partir desquelles le sol s’est développé. (https://www.gissol.fr/donnees/cartes/la-profondeur-des-sols-en-france-metropolitaine-1493)  Carte issue du rapport sur l’état des sols de France. (RQ: les cartes existantes ne sont pas suffisamment précises à l’échelle parcellaire).

 

Il est possible d’estimer le réservoir en eau utilisable par une/des cultures, à partir de la profondeur de prospection des racines de la/des cultures d’intérêt et de la texture de son sol.

Figure 3 - Estimation de l’eau retenue pour différentes classes de textures de sol. Valeurs en millimètre d’eau par centimètre de sol pour la couche 0-30 cm du sol et pour les couches >30 cm de profondeur (en gris italique surligné).

ALO : argiles lourdes S : sableux
AL : argilo-limoneux SL : sablo-limoneux
A : argileux LS : limono-sableux
AS : argilo-sableux LMS : limons moyens sableux
SA : sablo-argileux LM : limons moyens
LSA : limono-sablo-argileux LLS : limons légers sableux
LA : limono argileux LL : limons légers

(triangle de texture de l’Aisne, Jamagne)

Exemple : Pour un sol argilo-sableux (AS) prospecté par les racines sur une profondeur de 70cm le réservoir utilisable du sol est de 87 mm (30cm x 1.58 + 40cm x 0.99)
D’après les données de Bruand et al. (2004), Al Majou et al. (2008) et Dobarco et al. (2019)


Pour savoir comment estimer plus rigoureusement le réservoir utilisable en eau du sol, vous pouvez consulter "Le guide d'estimation du Réservoir en eau du sol utilisable par les cultures".

La teneur en calcaire et le pH

Le statut acido-basique d’un sol, qu’il est possible de définir en mesurant le pH de la solution de sol (mesure réalisée en routine par les laboratoires d’analyses de sol), indique la quantité d’acidité (de protons H+) présente dans le sol. Dans un sol calcaire les protons sont neutralisés par les ions carbonates (CO3-).

Figure 4 - Dans les sols acides (non calcaires), le chaulage permet l’apport d’ions calciums (Ca2+) (et/ou magnésium Mg2+ si l’amendement se fait sous forme de dolomie) liés à des carbonates (CO3-). 

 

Le Ca2+ et le Mg2+ prennent alors la place des protons H+ adsorbés sur les particules fines du sol qui forment le complexe organo-minéral (anciennement appelé complexe argilo-humique). 

Un pH trop acide peut entrainer des problèmes ( « comment favoriser la fertilité des sols") de structure du sol, de vie du sol ou encore rendre certains éléments moins disponibles pour les plantes (comme le phosphore ou certains oligo-éléments). Un pH >6 est recommandé en grande culture.

Brochure chaulage du Comifer

Arvalis - Le chaulage en grandes cultures et prairies

Outil CYCAS

Le GIS SOL : un portail unique rassemblant les données nationales sur les sols

Il existe pour la France de nombreuses cartographies de paramètres de la qualité des sols. Ces données sont regroupées au sein de la plateforme du Groupement d’intérêt Scientifique SOL. L’outil Refersols permet d’identifier les études cartographiques de sols recensées sur un territoire.

Les Référentiels Régionaux Pédologiques (RRP) couvrent tout le territoire national.

Basée sur les RRP, une typologie agronomique des sols, les TypTerres est en cours de construction. Les TypTerrres, doivent permettre d'établir des typologies de sols partagées par tous (organismes de développement, organismes économiques, chambres d'agriculture, instituts techniques, laboratoires ...) sur l'ensemble du territoire national.

Terres Inovia est partenaire du projet IDTypterres (Casdar 2021-2024) qui vise à faciliter l’identification des types de sols, leurs qualité et paramètres agronomiques (Typterres) via des outils nomades et des données harmonisées. Cet outil permettra d’obtenir des valeurs d’estimations de paramètres ou propriétés des sols à partir de données de géolocalisation. L’échelle de résolution des RRP et des TypTerres n’est toutefois pas assez précise pour un usage à l’échelle parcellaire. Réaliser un diagnostic simple au champ permettra de vérifier l’adéquation entre un type de sol issu de RRP ou un TypTerres et la réalité au champ.

L’outil Geosol permet d’obtenir un ordre de grandeur de certains paramètres de la qualité des sols (échelle du canton ou de la petite région agricole). Ces valeurs se basent sur les données d’analyses des laboratoires de routine (le nombre de données disponibles varie selon les zones).

Liens utiles

Carte des différents types de sols de France : https://www.gissol.fr/donnees/carte-sur-le-geoportail-4789

Démarches TypTerres : https://sols-et-territoires.org/fileadmin/user_upload/documents/projets_lies/Typterres/fichiers_pdf/aes_vol9_n2_22_sauter-et-al.pdf

 

Mesurer les stocks de nutriments pour adapter les apports au plus près des besoins

L’azote fourni par le sol provient presque exclusivement des végétaux. Le phosphore, le potassium, le calcium et le magnésium par exemple peuvent présenter une seconde origine : le matériau parental (la roche-mère). Le stock d’éléments fourni par la roche, parfois très élevé au regard des besoins des cultures, est inclus dans des minéraux peu à très peu solubles à court terme. Les racines adsorbent les éléments présents dans la phase liquide du sol, qui fournit la seule fraction biodisponible.

Tableau 1 : Comparaison des grands traits de la dynamique des éléments P, K et Mg (NB : toutes les quantités sont exprimées en P, K et Mg et non P2O5, K2O ou MgO (1 P <=> 2.29 P2O5 ; 1K <=> 1.20 K2O ; 1 Mg <=> 1.66 MgO). Extrait de la brochure Comifer La fertilisation P – K – Mg (2019), page 13.
https://comifer.asso.fr/wp-content/uploads/2015/03/COMIFER_RAPPORT_fertilisation_15102019.pdf

 

Les sols n’ont pas tous la même capacité à fournir, mais également à retenir, les éléments minéraux. 

Mesurer la capacité d’un sol à retenir les cations (la capacité d’échange cationique ou CEC (voir figure 4)), ou encore les teneurs en nutriments ou en oligoéléments dans le sol implique de réaliser des analyses de terre en laboratoires. Ces mesures normées sont effectuées sur de la terre au préalable séchée et tamisée à 2 mm par les laboratoires. La vitesse de variation des mesures varie selon le type de paramètre du sol considéré : plusieurs dizaines d’années pour la CEC à moins d’un an pour le nitrate et l’ammonium qui sont très rapidement lessivés par les pluies.

 

CEC: capacité d’échange cationique; MO: matières organiques ; NH4+ : ammonium; NO3-: nitrates; SO42-: sulfates; CaCO3: carbonates de calcium (calcaire)

 

Comment et où faire analyser sa terre ? 

1)    Prélevez un échantillon de terre à l’aide d’une tarière ou d’une bêche en suivant les recommandations et le protocole fourni par les laboratoires (les laboratoires agréés par le ministère de l’Agriculture en fournissent sur demande) 

2)    Bien inscrire sur le sac de prélèvement : les références de l’échantillon (lieu, pratique évaluée etc.), la profondeur de sol échantillonnée ainsi que la date de prélèvement

3)    Envoyez l’échantillon de terre accompagné de la fiche de renseignement (fournie par le laboratoire sur demande) précisant notamment ses coordonnées et les analyses souhaitées. 

A savoir : l’analyse de la texture est aussi appelée analyse de la granulométrie 5 fractions. 
Tarifs approximatifs : analyse de la texture ~20 euros par échantillon, pH eau ~5 euros, teneur en calcaire ~10 euros, CEC ~10 euros, teneurs en nitrates et ammonium (reliquat azoté) ~10 euros, teneur en K, Ca, Mg, P entre 5 et 10 euros chacun, teneur en oligo-éléments entre 5 et 15 euros.

Liste de laboratoires agréés par le ministère de l’agriculture (carte du GEMAS) ​​​​​​​

http://www.gemas.asso.fr/?documentation=publications

 

La fertilisation doit tenir compte des exigences des cultures qui ne sont pas les mêmes en fonction de l’élément considéré.

Niveau d'exigeance en potassium Cultures Pertes moyennes de rendement en régime d'impasse dans les essais, et conséquence sur les conseils
Forte exigence Betterave sucrière, Pomme de terre 20 à 40%
Conseils d'impasse annuelle très limités, en sol à teneur très élevé
Moyenne exigence Colza, Maïs fourrage, Maïs grain, Pois protéagineux, Luzerne, cultures fourragères  9 à 20%
Faible exigence Blé tendre, Blé dur, Orges, Tournesol 3 à 8%
Conseils d'impasse annuelle plus fréquents, selon la teneur du sol

Tableau 2 - Exigence des cultures en potassium et enjeux sur le rendement basé sur l’expertise d’Arvalis, ITB &Terres Inovia (Source : Interprétation de l’analyse de terre pour les grandes cultures et les prairies temporaires. Guide pratique. Arvalis 2020).

Niveau d'exigence en phosphore Cultures Pertes moyennes de rendement en régime d'impasse dans les essais, et conséquence sur les conseils
Forte exigence Betteraves sucrière 15 à 30%
Conseils d'impasse annuelle très limités, en sol à teneur très élevé
Colza
Luzerne
Pomme de terre
Moyenne exigence Blé dur, Blé de blé, Orges 10 à 15%
Maïs fourrage
Pois protéagineux
Graminées fourragères
Faible exigence Maïs grain, Blé tendre 5 à 10%
Conseils d'impasse annuelle plus fréquents, selon la teneur du sol
Tournesol

Tableau 3 - Exigence des cultures en phosphore et enjeux sur le rendement basé sur l’expertise d’Arvalis, ITB &Terres Inovia (Source : Interprétation de l’analyse de terre pour les grandes cultures et les prairies temporaires. Guide pratique. Arvalis 2020).

 

Lors des récoltes, une grande quantité de nutriments est exportée. La source de nutriments que représente le sol doit, pour les systèmes en grandes cultures pures, être complétée par des apports d’engrais minéraux et/ou organiques. La fertilisation est à adapter en fonction des précédents culturaux, des cultures de rente à venir et du rendement visé. Il est possible de piloter les apports au plus près des besoins en tenant compte des teneurs en nutriments disponibles dans le sol. 

Pour cela, il est recommandé de réaliser régulièrement des analyses de terre et de s’appuyer sur les brochures éditées par le Comifer qui sont issues de groupes de travail nationaux sur la fertilisation. Des teneurs seuils par élément et type de sol sont proposées par Arvalis dans la brochure Comifer (La fertilisation P – K – Mg 2019, page 24). Tous ces paramètres sont pris en compte dans le raisonnement COMIFER de la fertilisation.

Phosphore, potassium et magnésium sont des éléments dont la dynamique se raisonne sur plusieurs années, en prenant en compte l’évolution progressive des stocks minéraux et organiques du sol.

Figure 5 - Représentation schématique du raisonnement COMIFER de la fertilisation P K. 
PRO : Produits Résiduaires organiques - Qté : masse de PRO apportée - [P] : concentration de P dans le PRO - [K] : concentration de K dans le PRO – Keq : coefficient équivalent engrais du P (celui du K
est considéré égal à 1), Report = éventuelle quantité excédentaire de fertilisant apportée les années précédentes. Extrait de la brochure Comifer La fertilisation P – K – Mg, 2019, page 16).

https://comifer.asso.fr/wp-content/uploads/2015/03/COMIFER_RAPPORT_fertilisation_15102019.pdf

 

L’outil CYCAS, développé par Terres Inovia, permet d’adapter les besoins en fonction du système de culture. 

Outil CYCAS.  https://www.facebook.com/GIEEMagellan/posts/1891405141033373/

 

Mieux piloter le fonctionnement de son sol avec des indicateurs mesurables au champ

Des mesures au champ à réaliser en autonomie

Utiliser des indicateurs de l’état des composantes physiques, chimiques ou biologiques du sol de manière isolée, sans approche fonctionnelle, n’est pas suffisant pour refléter la nature complexe du sol. Prenons par exemple la stabilité des agrégats de sol qui va jouer un rôle majeur sur la capacité d’infiltration, la porosité du sol et la prospection racinaire etc.. Elle dépend à la fois de la texture du sol, de la quantité et de la qualité des matières organiques, de la diversité des bactéries et champignons, de la présence d’ingénieurs du sol (vers de terres, insectes) etc. La mesure individuelle de l’ensemble de ces composantes ne nous renseigne pas sur le niveau de stabilité de ces agrégats car celle-ci est essentiellement une résultante du niveau d’interaction entre la composante biotique (c’est à dire d’origine biologique) et abiotique (ex. origine minérale) (Kibblewhite et al., 2008).

C’est pourquoi les approches fonctionnelles se développent. Elles visent à mesurer les améliorations des principales fonctions des sols agricoles, assurées par les assemblages biologiques. 

Pour mieux approcher les dynamiques de la fertilité du sol d’une parcelle agricole, notamment suite à un changement de pratiques, il est possible d’évaluer relativement simplement l’évolution du fonctionnement et de la santé des sols avec des indicateurs mesurables au champ. 

Le set d’indicateurs Biofunctool développé par l’IRD et le CIRAD depuis 2016 s’attache à évaluer la santé des sols à partir d’indicateurs sélectionnés pour leur pertinence à caractériser les trois principales fonctions des sols agricoles ; la transformation des matières organiques, le recyclage des nutriments et le maintien de la structure du sol. Ce set d’indicateurs rassemble des indicateurs low tech, facilement répétables à moindre coûts et qui peuvent être mesurés en autonomie.

Terres Inovia évalue Biofunctool depuis 2019 et participe à l’amélioration de l’opérationnalité de ce set d’indicateurs.

Poster Biofunctool à télécharger en fin d'article.

Article Brauman A. et Thoumazeau A., 2020 - Biofunctool® : un outil de terrain pour évaluer la santé des sols, basé sur la mesure de fonctions issues de l'activité des organismes du sol, Etude et Gestion des Sols, 27, 289-303. https://www.afes.fr/wp-content/uploads/2020/07/EGS_2020_27_Brauman_289-304.pdf

Webinaire "Fertilité des sols : la favoriser, la mesurer, la piloter" - octobre 2022

 

Mieux piloter les apports de matières organiques avec des bioindicateurs de laboratoire

Les systèmes en grandes cultures doivent être adaptés afin d’optimiser les pratiques permettant à la fois i) de stocker du carbone dans le sol sur le long terme et ii) d’augmenter la fourniture de nutriments aux cultures. 

Ces deux fonctions sont fortement liées au mode de gestion des matières organiques restituées au sol. Cependant les conseils basés sur l’analyse de terre, en lien avec l’utilisation des couverts végétaux, l’apports de produits résiduaires organiques (PRO) ou encore le travail du sol sont trop rares du fait du manque de références en lien avec les fonctions du sol. Le projet Microbioterre (2017-2021) piloté par Arvalis et auquel Terres Inovia a activement contribué a permis des réelles avancées pour faire évoluer les conseils.  Il a évalué la pertinence d’un large panel d’analyses en lien avec les matières organiques et la microbiologique des sols impliqués dans les cycles du carbone et de l’azote.

Le fonctionnement biologique des sols est intimement lié aux quantités et à la qualité des matières organiques. Le compartiment microbiologique évolue cependant plus rapidement. La teneur en matière organique est un indicateur global obtenu à partir de la mesure du carbone organique. Cette teneur est déjà utilisée en routine par les laboratoires. Cependant, elle ne réagit que très lentement à des changements de pratiques culturales. D’autres indicateurs physico-chimiques évoluent plus rapidement, comme par exemple le fractionnement granulométrique de la matière organique ou la mesure du carbone labile au permanganate de potassium (KMnO4). Par ailleurs, un large panel d’indicateurs microbiologiques a également été évalué dans le projet. Ces analyses sont utilisées par les laboratoires de recherche en écologie depuis plusieurs décennies, et techniquement au point pour être transférées aux laboratoires de routine. 

Microbioterre a évalué comment ces bioindicateurs répondent à différents modes de gestion des matières organiques en grandes cultures et en polyculture-élevage à partir de mesures dans des essais de moyenne-longue durée, dans des systèmes de production diversifiés. D’autres critères de sélection des bioindicateurs ont porté sur leur coût et leur faisabilité technique en laboratoire de routine.

Figure 6 - Bioindicateurs retenus dans le projet Microbioterre pour améliorer le conseil en lien avec la gestion des matières organiques. (Source : Perrin Anne-Sophie, Journée PNDAR/CASDAR 2023 – Comprendre, Protéger, Valoriser les sols agricoles – 2 février 2023 Paris).

 

Des analyses bibliographiques poussées ont également permis d’approfondir les relations entre ces indicateurs et, d’une part les fonctions des sols et, d’autre part les pratiques culturales étudiées.

Un guide pratique sur ces bioindicateurs et leur interprétation pour le diagnostic est disponible, à destination des conseillers agricoles et agriculteurs, ainsi que différents modules de formation. Le guide rassemble toutes les étapes nécessaires à l’utilisation de ces indicateurs : du prélèvement de terre jusqu’à un premier niveau d’interprétation pour le conseil.

 

Guide d'interprétation à l'analyse des bioindicateurs
MICROBIOTERRE

A destination des conseillers agricoles, agriculteurs et laboratoires.

Voir le guide

 

Différents livrables du projet : https://urlz.fr/mfw0

France entière Fertilité et gestion durable des sols Anne-Sophie PERRIN (as.perrin@terresinovia.fr)

Comment favoriser la fertilité des sols agricoles ?

La fertilité des sols met en jeu des processus qui peuvent apparaître complexes en raison des nombreuses interactions existant entre les composantes des sols. Pour ne pas se perdre, il est conseillé de s’appuyer sur les connaissances solides.

L’état structural du sol

Le fonctionnement optimal des interactions entre le sol et la plante est permis grâce à un bon état structural. Nous rappelons ici quelques fondamentaux.

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Figure 1 - Colza sur zone non tassée (à gauche) : le pivot est droit, la plante est robuste et pas impactée par les dégâts d’insectes. Colza sur zone tassée (à droite) : le pivot est coudé, la plante est buissonnante et nanifiée en raison de dégâts d’insectes (crédit photo : Terres Inovia)

 

Règle 1 : éviter les tassements


Tout d’abord, pour éviter les tassements, il ne faut pas d’interventions en conditions de sols humides.
Il est également recommandé d’augmenter la surface de contact sol-pneu pour limiter les tassements de surface et de limiter les charges par essieu pour éviter les tassements profonds.
Eviter le tassement des sols réduit également le risque d’érosion en favorisant l’infiltration de l’eau en profondeur.

Figure 2 - Plus le taux d’humidité d’un sol augmente plus le risque de tassement par les passages de roues augmente (couche 0-25cm, sol limoneux Boizard et al., 2002, http://www.agro-transfert-rt.org/wp-content/uploads/2019/01/Facteurs-d%C3%A9terminants-le-tassement_1-1-1.pdf)

 

Figure 3 - Comparaison des contraintes moyennes au sol pour différents chantiers (Source Agro-Transfert Ressources et Territoires - Facteurs déterminants le tassement http://www.agro-transfert-rt.org/wp-content/uploads/2019/01/Facteurs-d%C3%A9terminants-le-tassement_1-1-1.pdf)

 

Règle 2 : maintenir la structure du sol

Afin de maintenir la structure de surface du sol, il est conseiller de couvrir le sol avec des végétaux ou des résidus végétaux qui le protège contre l'impact des gouttes de pluie. 

Utilisez dès que possible des couverts d’interculture et favoriser l’activité biologique des racines et des organismes du sol.

Crédit photos : Terres Inovia
Figure 4 - Mottes de terre montrant des agrégats arrondis formés par les activités des organismes du sol (à gauche), mottes fissurées par les racines d’un couvert d’avoine rude, phacélie, tournesol, féverole et trèfle d’Alexandrie (à droite)

 

Les apports de matières organiques (végétaux ou produits résiduaires organiques) influencent de manière positive la stabilité structurale des sols et limitent la battance, le ruissellement et l’érosion des sols.

Figure 5 - Action des différentes formes de matières organiques apportées au sol sur la stabilité structurale (d’après AgroTransfert RT et Monnier 1965)

 

Règle 3 : corriger mécaniquement l’état structural si le sol est tassé

La régénération d’un sol tassé est lente en l’absence de travail du sol. Il est parfois conseillé d’utiliser ponctuellement des outils de décompaction ou de fissuration. Cette correction d’un état structural dégradé permet aux organismes vivants (racines, vers de terre) de se développer et d’assurer ensuite leur service d’entretien de la structure du sol sur du plus long terme. Un travail du sol trop fréquent et trop “énergique” entrainant la pulvérisation des mottes de terre et des agrégats de sol a un effet négatif sur l’état structural du sol sur du moyen-long termes. La porosité induite par les activités biologiques est plus stable que celle qui est créée à l’aide d’outils agricoles.

Crédit photo : Terres Inovia
Outil de diagnostic Test bêche TI - Exemple travail du sol colza (point technique colza robuste Terres Inovia)
Guides du projet SolDPhy

 

La fourniture en nutriments par le sol

Règle 1. Limiter l’acidité du sol.

Le pH souhaitable en grandes cultures est compris entre 6.0 et 6.5. Une acidité trop forte (pH<6) peut avoir des impacts négatifs sur les différentes composantes de la fertilité, aussi il est recommandé d’apporter régulièrement des amendements calco-magnésiens dans les sols à tendance acide, d’autant plus dans un contexte de réduction de la profondeur de travail du sol ou de semis direct. En effet, les amendements apportés en surface du sol migrent très lentement en profondeur, de sorte que des gradients d’acidification peuvent se produire.

Figure 6 - Source : webinaire COMIFER 28 octobre 2022
Brochure chaulage : https://comifer.asso.fr/wp-content/uploads/2015/03/brochure_chaulage-maj-2012_chaulage-lt.pdf

 

Règle 2. Prévenir les carences les plus fréquentes et les plus impactantes que ce soit en éléments majeurs ou en oligo-éléments.

Figure 7 - (Source : Interprétation de l’analyse de terre pour les grandes cultures et les prairies temporaires. Guide pratique. Arvalis 2020)

 

Règle 3. S’assurer de la disponibilité des principaux éléments quand la plante en a besoin

Figure 8 - Les besoins du colza en phosphore à l’automne sont importants. Un apport sous forme minérale ou organique est inévitable.

 

La fertilisation est à adapter en fonction des précédents culturaux, des cultures de rente à venir et du rendement visé. Il est possible de piloter les apports au plus près des besoins en tenant compte des stocks de nutriments disponibles dans le sol. Pour cela, il est recommandé de réaliser régulièrement des analyses de terre et de s’appuyer sur les brochures éditées par le Comifer qui sont issues de groupes de travail nationaux sur la fertilisation. « Mesurer les stocks de nutriments pour adapter les apports au plus près des besoins »).

Brochures du Comifer

Fertilisation des cultures

 

La décomposition des matières organiques

Règle 1. Restituer un maximum de matières organiques

Restituer aux sols un maximum de résidus de culture, de couverts ou de produits résiduaires organiques permet d’augmenter les teneurs en matières organiques du sol. La biodégradation puis la minéralisation des matières organiques par les organismes vivants (de la macrofaune au microorganismes) permettent d’améliorer la fourniture progressive de nutriments par les sols.

Figure 9 - Augmenter les teneurs en matières organiques du sol permet d’améliorer la fourniture de nutriments par les sols (Source Alain Bouthier Arvalis)

 

La vitesse de minéralisation des matières organiques des sols, qui libère les nutriments, dépend des teneurs en matières organiques mais également des types de sol. Sous un climat comparable, les sols ayant un pH compris entre 6 et 8 libèrent beaucoup plus rapidement l’azote des matières organiques que les sols calcaires (pH>8) et les sols acides (pH<6).

 

Figure 10 - Représentation de la vitesse de minéralisation de l’azote des matières organiques du sol en fonction du pH (en haut à gauche), de la teneur en calcaire (CaCO3) et en argile (Clay) (en haut à droite) et du rapport des teneurs en C/teneurs en N de la terre. Extrait de Clivot et al. (2019) : publication sur un modèle prédictif basé sur 65 expériences sur le terrain en France métropolitaine.

 

Webinaire "Fertilité des sols : la favoriser, la mesurer, la piloter" - RTTI octobre 2022

 

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France entière Fertilité et gestion durable des sols Anne-Sophie PERRIN (as.perrin@terresinovia.fr)

La fertilité des sols, de quoi s’agit-il ?

Définition

Il n’y a pas de définition consensuelle du terme fertilité des sols. Nous la définissons comme la capacité d’un sol, sous un climat donné, à répondre aux besoins physiques, chimiques et biologiques nécessaires à la croissance des plantes, assurant leur productivité et leur qualité. 
La fertilité d’un sol agricole est liée à certaines caractéristiques propres non modifiables (sa profondeur, sa texture, sa pierrosité, etc.) qui déterminent son potentiel de production.

Elle est également liée au bon fonctionnement des processus naturels intervenant dans le sol comme la minéralisation des matières organiques par les microorganismes du sol, ou encore l’activité de bioturbation par les vers de terre qui répartit les matières organiques dans le sol, améliore l’état structural du sol et l’aération du milieu. Certains paramètres des sols sont modifiables, à plus ou moins longs termes, par le biais de pratiques agricoles, comme l’acidité du sol (cas des sols non calcaires), sa teneur en nutriments (N, P, K, etc.), sa porosité ou encore sa teneur en carbone et matières organiques. L’état structural des sols impacte très significativement la réussite de l’implantation des cultures mais aussi la capacité d’infiltration de l’eau, le réservoir en eau du sol utilisable par les cultures ou encore les abondances et activités biologiques.

Figure 1 - Les trois composantes de la fertilité des sols sont fortement imbriquées ; la matière organique joue un rôle central. Les sols ont 4 fonctions essentielles à la production agricole, assurées par les organismes vivants (d’après Perrin et al. Perspectives agricoles n°486)

 

Le fonctionnement des sols agricoles

Le fonctionnement ou la santé des sols correspondent au fonctionnement réel du sol relatif à son potentiel (Kibblewhite et al., 2008 ; Brauman et Thoumazeau, 2020). Le terme fonctionnement des sols apporte une vision plus dynamique de la fertilité des sols, qu’il est possible d’évaluer après un changement de pratiques.  Le bon fonctionnement des sols agricoles (pour la production agricole et les autres services rendus à la société) repose sur le maintien de quatre fonctions majeures : les transformations du carbone, le recyclage des nutriments, le maintien de la structure des sols, et la régulation des ravageurs et des maladies (Kibblewhite et al., 2008).

Les sols contribuent à la production agricole en servant de support aux cultures, en fournissant un habitat pour les organismes du sol (qui décomposent les matières organiques et régulent les maladies et ravageurs), en retenant et fournissant les nutriments et l’eau ou encore en atténuant les effets du climat. La décomposition de la matière organique n'est pas seulement une fonction clé de l'écosystème sol en soi, mais c’est aussi la principale source d'énergie pour piloter les autres fonctions.

Le terme de fonctionnement ou santé du sol, plus large que la fertilité, est la capacité du sol à répondre à une intervention agricole, de sorte qu'il continue à soutenir à la fois la production agricole et la fourniture d'autres services (ex. stockage de carbone, infiltration de l’eau, biodiversité fonctionnelle, etc). On parle ici de multifonctionnalité des sols.

 

 

Les principaux facteurs de dégradation de la fertilité des sols

En lien avec le contexte pédoclimatique, la fertilité des sols est sujette à différents types de dégradation comme le tassement, l’érosion, l’acidification, ou encore l’appauvrissement des teneurs en matières organiques ou en nutriments notamment le phosphore.

 

Figure 2 - Carte représentant le risque de tassement des sols correspondant à un pourcentage d’années pour lesquelles un tassement sévère pourrait avoir lieu lors de la récolte du maïs, calculé sur une période de 30 ans. Les simulations considèrent que tous les sols sont cultivés en maïs (source : Gis Sol, thèse de M.-P. Levebvre, 2010)

 

Figure 3 - Carte représentant l’aléa d’érosion par petite région agricole estimée à l’aide du modèle Mesales développé par l’INRAE. Il combine plusieurs caractéristiques du sol (sensibilité à la battance et à l’érodibilité), du terrain (type d’occupation du sol, pente) et climatiques (intensité et hauteur des précipitations). L’aléa est représenté par 5 classes de probabilité qu’une érosion se produise (Source Gis Sol-INRAE-SOeS, 2011, https://www.gissol.fr/donnees/cartes/lalea-derosion-des-sols-par-petite-region-agricole-1133)

Figure 4 - Carte des pH des sols métropolitains https://www.gissol.fr/donnees/cartes/le-pheau-des-horizons-de-surface-0-30-cm-des-sols-de-france-2421)
 

Dans les zones de sols non calcaires, le risque d’acidification des sols est réel. L’entretien régulier du pH par le chaulage des sols est important pour ne pas atteindre des niveaux d’acidité néfastes aux productions agricoles (un pH>6 est recommandé en grandes cultures).

 

Figure 5 - Cartes des teneurs en carbone organique (nombre d’analyses précisé sur la carte en haut à  droite) et de leur évolution entre 2000-2004 et 2010-2014 d’après la Base de Données d’Analyses de Terre (https://www.gissol.fr/le-gis/programmes/base-de-donnees-danalyses-des-terres-bdat-62) sur une profondeur approximative de 30cm.
 

L'évolution générale des teneurs en matières organiques dans les sols agricoles semble liée aux contextes de productions agricoles. Les résultats de la deuxième campagne de mesure (2016-2027) menée par le Réseau de la Mesure de la Qualité des sols (https://www.gissol.fr/le-gis/programmes/rmqs-34), permettront d’avoir une photographie objective de l’évolution de l’état des sols français, notamment de l’évolution de leurs stocks de carbone organique.

 

Figure 6 - Carte de distribution des teneurs en phosphore assimilable par les plantes dans les sols de France. Cette carte montre très clairement des effets régionaux. Les régions d’élevage intensif, comme la Bretagne, sont très largement excédentaires. Il s’agit de phosphore essentiellement d’origine organique, lié aux épandages d’effluents. Sur une large partie du territoire, les teneurs sont faibles.

 

France entière Fertilité et gestion durable des sols Anne-Sophie PERRIN (as.perrin@terresinovia.fr)