Stratégie fongicide féverole : prendre en compte la réglementation
Les récents retraits des spécialités à base de chlorothalonil (fin d’utilisation 20 mai 2020) modifient les programmes historiques de gestion du botrytis et de la rouille de la féverole. C’est plus de la moitié de la gamme de protection qui disparaît et la lutte contre ces maladies se recentre autour de l’azoxystrobine, le Prosaro et le Scala*.
*Attention, suite à la publication de l'arrêté Abeilles du 20 novembre 2021, en période de floraison, sur culture attractive, les applications de produits fongicides doivent être réalisés dans le créneau horaire suivant : dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui suivent le coucher du soleil (plus d'informations sur le site internet de Terres Inovia).
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Surveiller l’apparition des symptômes d’ascochytose et de botrytis dès le stade 6-8 feuilles de la féverole
L’ascochytose
L’ascochytose (anciennement appelée anthracnose) est causée par un champignon, Ascochyta fabae. Les premiers symptômes sont des taches plus ou moins diffuses, de couleur brun-cendré et peu nombreuses par feuille.
Ascochyose sur feuilles de féverole.
Elles évoluent le plus souvent en ‘coulures’ au pourtour brun-noir. Le centre de ces taches devient rapidement clair avec de nombreuses ponctuations noires (les pycnides, organes de fructification). Ce centre clair se nécrose allant parfois jusqu’à trouer les feuilles. Sur les tiges, des lésions du même type mais plus allongées peuvent se développer et provoquer des cassures. La maladie apparait le plus souvent sous forme de foyers dans la parcelle. Elle est favorisée par une humidité élevée et des températures fraiches (10-15°C). La plupart du temps, les symptômes observés en sortie hiver évoluent peu et ne sont pas retrouvés à floraison. Cependant, en cas de forte attaque, l’ascochytose peut entraîner jusqu’à 10 q/ha de perte de rendement). Cette maladie aérienne peu fréquente est surtout observée dans le sud de la France ou en agriculture biologique.
Intervenir dès l’apparition des premières taches.
Ne pas confondre les symptômes d’ascochytose avec des symptômes de botrytis ou de cercosporiose.
Dans le cas de l’ascochytose, il y a rarement plus de 2 à 3 taches sur une feuille. Celles-ci ont un centre clair pourvu de pycnides (points noirs).
Dans le cas du botrytis, le feuillage est couvert de petites taches beaucoup plus nombreuses qui en se regroupant vont faire de grandes plages nécrotiques dépourvues de pycnides.
Enfin dans le cas de la cercosporiose (Cercospora zonata), les taches sont relativement grosses avec une zonation concentrique et sont dépourvues de pycnides.
Le botrytis
Le botrytis est une maladie aérienne, provoquée par un champignon, Botrytis fabae. Les plantes atteintes présentent de très nombreuses petites taches brun-chocolat de 2 à 3 mm de diamètre qui s’accroissent pour former des taches rondes ovales bien délimitées, entourées d’un halo foncé.
Botrytis sur feuilles de féverole.
Ces taches évoluent, deviennent coalescentes et peuvent nécroser entièrement les feuilles, entrainant leur chute prématurée. Sur tige, des symptômes du même type mais plus allongés apparaissent. Des températures douces à l’automne et en hiver associées à une forte humidité lui sont favorables.
Cette maladie est très fréquente. Elle est observée dans tous les bassins de production. La nuisibilité peut-être très élevée en cas de forte attaque précoce.
La protection fongicide n’est pas curative. En présence de symptômes, la première application peut débuter dès le 15 mars. La lutte est souvent difficile en féverole d’hiver.
Cercosporiose
Cercorporiose sur feuilles de féverole.
La cercosporiose provoque des lésions sombres avec une zonation concentrique sans ponctuations noires. Elles apparaissent précocement et évoluent peu. Cette maladie est peu fréquente et peu nuisible.
Optimiser l’implantation de la féverole d'hiver pour diminuer les risques de maladies
La qualité de l’implantation est essentielle. Une féverole bien enracinée est en effet moins vulnérable face aux maladies, notamment racinaires.
Botrytis sur feuille de féverole
Il est également indispensable de respecter les dates et les densités de semis préconisées. Un semis trop précoce et un couvert trop dense sont des facteurs de risque importants pour les maladies aériennes comme le botrytis (Botrytis fabae) ou l’ascochytose (Ascochyta fabae).
Lutter préventivement contre les maladies grâce au traitement de semences
L’ascochytose causée par Ascochyta fabae est une maladie qui peut être transmise par des semences contaminées. Pour limiter le développement d’un inoculum primaire, l’utilisation de lots de semences saines et le traitement de ces semences sont primordiaux. Un produit est homologué : Wakil XL à 0,1 kg/q.
Ascochytose sur feuille de féverole.
Ce produit est également efficace contre les fontes de semis et les nécroses racinaires précoces (Fusarium sp, Phoma sp, Rhizoctonia sp, Pythium sp).
La protection contre le mildiou (Peronospora viciae) est également assurée par le traitement de semences Wakil XL à 0,1 kg/q. Il n’existe aucun traitement efficace en végétation.
Place de la féverole dans la rotation vis-à-vis des maladies
Un délai de 6 ans minimum est préconisé entre deux féveroles afin de limiter les risques sanitaires. Il est recommandé d’éviter les couverts de féverole lorsque cette espèce est déjà présente en culture de rente dans la parcelle. Un couvert de féverole ne doit pas jamais précéder une féverole.
La féverole est une légumineuse très résistante à l’aphanomyces (Aphanomyces euteiches) et elle ne multiplie pas le pathogène dans le sol. Alterner pois et féverole dans les parcelles saines ou faiblement contaminées permet de préserver l’état sanitaire du sol. Lorsque la parcelle est fortement contaminée, la féverole peut remplacer le pois.
Semis de féverole d’hiver
Le semis de féveroles d’hiver ne doit être ni trop précoce, ni trop tardif. Il faut donc respecter les périodes conseillées.
Une levée précoce peut sensibiliser les jeunes plantules au gel en cas de températures négatives précoces. La féverole doit être levée bien avant les gels hivernaux. Pour limiter ces risques, un semis plus profond (6 à 8 centimètres de profondeur) est préférable.
L’implantation de féverole d’hiver est conseillée dans la partie ouest, du nord au sud et océanique du pays. Compte tenu des risques de fortes gelées dans les régions plus à l’est, il faut privilégier une variété de féverole d’hiver résistante au froid.
Les dates de semis de la féverole d’hiver vont donc se situer dans le mois de novembre selon la situation géographique, cette date pouvant être repoussée jusqu’à mi-décembre dans les régions sud.
Un peuplement à la levée de 20 à 25 plantes par mètre carré est suffisant en semis à faible écartement (15 plantes en semis à fort écartement).
Pour cela il est nécessaire de semer 25 à 30 graines par mètre carré.
Le semis se fait à vitesse assez réduite, 7 à 8 kilomètres par heure pour assurer le bon positionnement de la graine.
Date de semis optimale de la féverole d'hiver bio
Préparation du sol pour la féverole d’hiver
L’enracinement des légumineuses est très sensible aux accidents de structure du sol.
Travail du sol
Pour que les nodosités puissent se développer rapidement et en nombre suffisant, le sol doit être aéré et non compacté dès les premiers centimètres et plus profondément.
Il convient donc de travailler le sol en profondeur pour le fragmenter et éviter les ruptures de porosité qui limitent l’aération, ralentissent la progression verticale des racines ainsi que la circulation de l’eau.
Un travail avec un outil à dents de 10 à 15 centimètres de profondeur selon le type de sol est conseillé. Le lit de semence n’a pas besoin d’être très fin. Le sol doit être bien ressuyé au moment du semis, il est donc préférable de décaler la date de semis pour intervenir au moment le plus opportun. En cas d’application de produit de désherbage de pré-levée, le lit de semence ne doit pas être trop motteux pour éviter de nuire à l’efficacité du produit.
Dans les situations très bien structurées, l’absence de travail est envisageable. Toutefois, il est conseillé de prendre connaissance de l’état structural de la couche labourable pour prendre cette décision. Pour cela, un test bèche ou l’utilisation d’un pénétromètre donneront l’information nécessaire à la prise de décision.
Absence de travail du sol
Un semoir de semis direct à dents ou disques est bien adapté, sous condition de bien positionner la graine à la profondeur choisie.
L‘utilisation du strip-till est également envisageable. Le fractionnement de la ligne de semis est très favorable à la croissance du pivot et des racines. Il est souhaitable d’être attentif au positionnement de la graine qui doit être assez profond (au moins 5 centimètres).
Il convient d’être très attentif à l’état hydrique de surface et de n’intervenir qu’en situation bien ressuyée.
Qualité des graines de féverole 2024
Terres Univia confie chaque année à Terres Inovia la réalisation d’une enquête sur la qualité des graines de féverole à la collecte, avec la collaboration d’organismes collecteurs qui fournissent des échantillons.
Les surfaces de féverole en France en 2024 sont du même niveau qu’en 2023, de l’ordre de 80 000 ha. Le rendement moyen national, estimé en décembre 2024, est également proche de celui de l’an dernier (26,9 q/ha contre 27,5 q/ha). Il pourrait cependant évoluer à la hausse compte tenu des bons rendements enregistrés dans plusieurs zones de culture. Il en résulte une production chiffrée à 215 000 t contre 220 000 t en 2023 qui pourrait être aussi revue à la hausse.
Teneur en protéines : 28,3%
Teneur en eau : 13,7%
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En période de mi-floraison, la féverole a besoin d’eau !
A partir de la fin de la floraison jusqu’à la maturité physiologique, la féverole a besoin de 180 mm d’eau (contre 150 mm pour le pois).
Si l’irrigation est possible, la féverole valorise bien l’eau apportée. Les besoins en eau de la féverole de printemps sont de 300 mm environ pour un rendement de 60-70 q/ha. Elle est sensible au déficit hydrique
En effet, la période de floraison et de formation des graines est relativement longue : de fin mai à mi-juillet suivant les secteurs géographiques. Le gain de rendement permis par l’irrigation est comparable à celui obtenu avec le pois : 4,5 à 6 q/ha pour 30 mm apportés.
Néanmoins, il ne faut pas irriguer avant la mi-floraison (sauf sécheresse très précoce), cela favoriserait un développement de végétation excessif, qui pénaliserait la formation des gousses par la suite. Il faut poursuivre les apports d’eau jusqu’au stade fin floraison + 20 jours.
Consommation en eau de la féverole et du pois (en mm)
| Période | Féverole | Pois |
| 7 feuilles à début floraison | 40 | 70 |
| Début à fin floraison | 80 | 80 |
| Fin floraison à maturité | 180 | 150 |
| Total (7 feuilles à maturité) | 300 | 300 |
En début de cycle, la féverole n’est pas exigeante en eau
Féverole et pois ont les mêmes besoins totaux en eau durant leur cycle. Cependant, des différences existent entre les deux espèces selon les phases. En début de cycle, la féverole n’est pas très exigeante en eau, alors qu’après la fin de la floraison (voir l'article) et jusqu’à maturité physiologique, elle nécessite 180 mm d’eau (contre 150 mm pour le pois).
Consommation en eau de la féverole et du pois (en mm)
| Période | Féverole | Pois |
| 7 feuilles à début floraison | 40 | 70 |
| Début à fin floraison | 80 | 80 |
| Fin floraison à maturité | 180 | 150 |
| Total (7 feuilles à maturité) | 300 | 300 |