Chanvre : c’est le débouché qui dicte le mode de récolte
Le chanvre est cultivé sous contrat avec un industriel chargé de la première transformation. Ce contrat peut fixer les modalités de récolte, en fonction des spécificités de l’outil industriel et des débouchés visés. Selon que l’on cherche à valoriser la paille — et en particulier le type de fibre — ou la graine, les pratiques de récolte diffèrent.
Débouché textile
Pour un usage textile, le chanvre est récolté à pleine ou fin de floraison, dès la libération du pollen par les fleurs mâles (90 à 100 jours après semis). Une récolte trop tardive entraîne la formation de fibres secondaires, moins adaptées aux exigences du textile.
Le type de fibre visé détermine le matériel utilisé :
- Fibres longues : La récolte doit permettre de paralléliser les pailles, et ne doivent pas excéder 1 m de long pour s’adapter aux outils de transformation du lin. La machine Hyler Sativa 200A a été développée pour cela. Les pailles étant sectionnées en 2, lors du pressage, les balles de têtes et de pieds doivent être séparées pour un teillage différencié. Ces fibres permettent de produire des vêtements 100 % chanvre.
- Fibres courtes : Récoltées avec une faucheuse à section (type Sauerburger), puis andainées et pressées (balles rondes ou carrées), la paille est ensuite acheminée vers une ligne de transformation dédiée à la production de fibres courtes. Elles sont utilisées en mélange avec du coton pour produire du fil cotonisé.
Débouché graine
Les graines mûrissent 4 à 6 semaines après la floraison. Toutefois, cette maturité n’est pas uniforme au sein d’une même inflorescence : alors que certaines graines sont déjà tombées, d’autres, situées plus haut, peuvent encore être vertes.
Une récolte trop précoce donne trop de grains verts ; trop tardive, elle provoque des pertes par déhiscence. Le stade optimal de récolte peut se résumer ainsi :
- Les enveloppes des graines situées à la base de l’inflorescence commencent à se détacher.
- Les graines situées au sommet sont encore au stade pâteux.
- Les tiges sont presque entièrement défoliées.
- Moins de 10 % des graines restent vertes (ce que l’on peut évaluer en battant des inflorescences à la main).
À ce stade, la paille est également mûre.
Bon stade de récolte du chènevis (moins de 10% de grains verts) - Crédit photo : Louis-Marie Allard Terres Inovia
Deux méthodes de récolte sont possibles :
- Récolte de la graine et de la paille en un seul passage :
Les chanvrières peuvent être équipées de moissonneuses-batteuses spécifiques, de type BAFA. On utilise généralement des becs Kemper d’ensileuse adaptés, et le rotor coupe la paille en segments de 50 à 60 centimètres.
L’ensemble des brins de paille passe dans le batteur et les secoueurs, ce qui permet d’assurer le battage complet de toutes les têtes, même en cas d’hétérogénéité de hauteur sur la parcelle.
Matériel de récolte équipé d’un bec Kemper type BAFA - Crédit photo : Louis-Marie Allard Terres Inovia
- Récolte en deux passages : d’abord la graine puis la paille :
Dans un premier temps, la graine est récoltée avec une moissonneuse-batteuse classique, à condition d’y apporter quelques adaptations simples pour éviter que les fibres de chanvre ne s’enroulent autour des éléments de la machine.
Les principales modifications à prévoir sont :
- L’ajout de tôles de protection sous la machine pour empêcher les fibres d’atteindre et de s’enrouler autour des organes hydrauliques et également de réduire l’usure du matériel liée à l’abrasivité des pailles,
- L’installation de diviseurs à l’avant pour limiter l’écrasement des plantes par les roues.
D’autres équipements peuvent aussi être utiles, comme un système de type col-de-cygne placé entre la barre de coupe et le convoyeur. Ce dispositif permet de relever la hauteur de coupe à plus de 2 mètres, afin de ne récolter que la partie haute des plantes, là où se trouvent les graines. Cela réduit considérablement l’entrée de tiges dans la machine et donc les risques d’enroulement, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Une fois la graine récoltée, différentes étapes restent nécessaires pour récupérer et valoriser les tiges. Juste derrière la moissonneuse-batteuse, elles sont coupées au plus près du sol avec une faucheuse à section type Busatis. Elles vont alors sécher et rouir. Sous l’action des conditions climatiques (rosée, pluie, soleil) et des micro-organismes, le rouissage a pour objectif de faciliter la séparation des fibres du bois de la tige. Un à plusieurs passages de faneuse s’avèrent nécessaires pour la réussite de l’opération. Les tiges de chanvre sont alors andainées puis pressées. En attendant d’être acheminées vers les outils industriels, les balles rondes ou carrées seront obligatoirement mises à l’abri.
Séchage rapide : une étape clé pour préserver la qualité de la graine
La graine de chanvre est souvent récoltée avec un taux d’humidité élevé, généralement entre 18 et 20 %, voire davantage. Or, pour pouvoir être stockée en toute sécurité, elle doit être rapidement nettoyée puis séchée dans les 6 à 12 heures suivant la récolte, jusqu’à atteindre une humidité inférieure à 9 %. On évitera ainsi une dégradation de la graine pouvant compromettre sa qualité, en particulier pour un usage alimentaire.
Pour limiter ces risques dès la récolte, il est fortement recommandé de ventiler les bennes de transport à l’aide de souffleries, gaines ou ventilateurs. Cette aération préventive empêche les graines de chauffer et assure une meilleure conservation en attendant le séchage.
Conclusion
La récolte du chanvre ne s’improvise pas : elle doit être rigoureusement adaptée au débouché visé, qu’il s’agisse de fibre ou de graine. Chaque filière impose ses propres exigences en termes de stade de récolte, de matériel et d’organisation, conditionnant directement la qualité des produits obtenus.
La diversité des pratiques – récolte en un ou deux passages, fibre longue ou courte, paille ou chènevis – reflète la richesse des débouchés, mais suppose une bonne coordination entre agriculteurs, industriels et équipementiers.
Zoom sur Séléopro : accompagner la recherche semencière
Ce dispositif de soutien à la recherche semencière est un levier stratégique pour développer des variétés plus performantes pour le colza et le tournesol. Au moment où Séléopro publie son rapport d’activité, coup de projecteur sur le rôle central de Terres Inovia, avec Martine Leflon, responsable du département génétique et protection des cultures de Terres Inovia.
Lors du Carrefour tournesol de Séléopro, organisé à Auzeville (31), les 10 et 11 février 2025
Séléopro vient de publier son rapport d’activité. Pouvez-vous nous dire quel est l’objectif de ce dispositif ?
Sa vocation est d’orienter et de soutenir les travaux des équipes de recherche sur des thématiques d’importance pour le colza et le tournesol pour favoriser l’innovation variétale et permettre à ces deux cultures d’être plus compétitives.
Comment, concrètement, ce dispositif est un levier stratégique pour soutenir la recherche semencière ?
Le dispositif finance et oriente les actions de recherche, par le biais de ses appels à projets et de son comité scientifique. L’objectif est d’apporter des connaissances et des outils pour améliorer les variétés ou les méthodes de sélection. Financé par Sofiproteol pour le compte du Fonds d’Actions Stratégiques des Oléagineux et Protéagineux (FASO), Terres Univia, Terres Inovia et l’Union Française des Semenciers, c’est un lieu d’échanges entre les acteurs de la filière, la recherche publique et les entreprises privées comme les semenciers. Ce dispositif permet de créer ce lien précieux pour faire avancer la recherche sur les variétés. Cette synergie, c’est la force de Séléopro, et c’est ça qui permet de rendre nos cultures plus compétitives grâce à la recherche.
Quel est le rôle de Terres Inovia ?
En plus d’être co-financeur du dispositif, Terres Inovia participe au comité scientifique, qui sélectionne les projets dans le cadre de ses appels à projets. Mais surtout, notre rôle est d’encourager les échanges entre les équipes de recherche publique et les sélectionneurs pour créer des communautés de recherche sur ces deux cultures : nous animons au sein de Séléopro une commission colza et une commission tournesol, auxquelles ne participent que des volontaires, privés ou publics, pour partager des visions sur les travaux à mener ou des informations sur des actions en cours. Nous organisons chaque année les carrefours de la sélection (colza et tournesol) qui permettent via du partage d’informations et des échanges informels, de créer et de maintenir une réelle communauté de recherche sur ces cultures, avec à la clé de nouvelles idées et de nouvelles collaborations.
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Les débouchés de la cameline
La cameline est une culture oléagineuse dont les graines se caractérisent par un profil en acide gras original ainsi qu’une forte teneur en protéine. Ses propriétés lui confèrent un potentiel de valorisation dans différentes filières.
La cameline est une culture oléagineuse dont les graines se caractérisent par un profil en acide gras original ainsi qu’une forte teneur en protéine. Ses propriétés lui confèrent un potentiel de valorisation dans différentes filières.
À ce jour, ses principaux usages concernent la production d’huile pour l’alimentation humaine et la valorisation des tourteaux en alimentation animale. Cependant, elle suscite un intérêt croissant pour des applications dans les domaines de la cosmétique, de la chimie verte et de la formulation de spécialités techniques. De plus, une filière française se structure actuellement autour de la cameline cultivée en interculture, spécifiquement orientée vers la production de carburants d’aviation durables.
| Teneur en huile (%MS) | 28-49% |
| Dont a-linoléniques (précurseur ω-3) | 28-50% |
| Dont linoléiques (précurseur ω-6) | 15-23% |
| Rapport ω-3/ω-6 | 1.3-2.6 |
| Protéine (% MS) | 24.1-35.7% |
Une nouvelle filière pour la production de carburants d’aviation durables
Une particularité de la cameline est son cycle court – le cycle de la cameline peut être réalisé en 3 mois environ – ce qui lui permet d’être cultivée en interculture.
Par ailleurs, pour décarboner le secteur de l’aviation dans le cadre de la mise en œuvre de la loi européenne sur le climat, l’Union Européenne a adopté en 2024 le règlement RefuelEU Aviation. Ce règlement fixe des objectifs important d’incorporation de biocarburants à l’horizon 2050.
De plus, l’évolution récente de la Renewable Energy Directive II (RED II) a classé les matières premières produites en interculture dans la catégorie « biocarburants avancés » (annexe 9A de la RED II), les rendant ainsi éligibles pour la production de biocarburant pour l’aviation.
Ainsi, les cultures produites en interculture, telles que la cameline, représentent l’une des voies pour atteindre les objectifs d’intégration de biocarburant dans l’aviation, ce qui laisse envisager une importante demande pour celle-ci dans les années à venir.
De plus, les faibles besoins en intrant de la cameline permettent d’adopter un itinéraire technique à faible émission de Gaz à Effet de Serre, une nécessité pour la valorisation en biocarburant. Saipol, filiale du groupe Avril, travaille ainsi au développement d’une filière cameline produite en interculture.
Alimentation humaine
L’huile de cameline appartient à la famille des huiles riches en acide gras oméga 3, derrière le lin mais devant le chanvre, la noix et le colza. Du fait de sa forte teneur en oméga 3 et de son rapport ω-3/ω-6 optimal, elle présente des qualités nutritionnelles intéressantes pour rééquilibrer nos régimes alimentaires actuellement trop riches en oméga 6 par rapport aux oméga 3.
De plus, sa richesse en anti-oxydant tels la vitamine E lui assure une bonne stabilité et limite son oxydation, par rapport aux autres huiles riches en oméga 3. Elle est principalement consommée pour l’assaisonnement, mais peut également être utilisée pour la formulation de compléments alimentaires (autorisé en 2019 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes – DGCCRF).
Figure 2. Compositions en acides gras des huiles de lin et de chanvre comparées à celles d’autres huiles végétales de la famille alpha-linolénique (cameline, noix, colza et soja). Morin et al. 2015, OCL
Le marché de l’alimentation humaine concerne actuellement essentiellement la cameline produite en agriculture biologique, et reste un marché relativement peu développé.
Cosmétique
L’huile de cameline est également utilisée dans la formulation de produits cosmétiques, notamment du fait de sa forte teneur en anti-oxydants.
Autres débouchés
La recherche et l’industrie explorent une diversité d’applications pour l’huile et le tourteau de cameline, tels que la formulation de bioplastique, d’agents adhésifs, de biopesticides, de bioherbicide, de biostimulants… Le projet Carina explore par exemple la valorisation de cameline et moutarde d’Abyssinie (brassicata carinata) pour la formulation de biopesticide et biostimulant.
Alimentation animale
Le tourteau de cameline présente une teneur élevée en protéines, d’environ 45 %, ce qui en fait un ingrédient intéressant à intégrer dans les rations d’aliments pour animaux.
Les outils pour la cameline
Enquêtes de surveillance
Enquête
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Zoom sur Séléopro : accompagner la recherche semencière
Arsène : accompagner le développement de la filière lupin
Le projet Arsène, qui a démarré en 2024, ambitionne de développer la filière de lupin blanc. Focus sur cette légumineuse à graines riches en protéines et sur le rôle de Terres Inovia dans ce projet.
Dans un contexte de transition agroécologique et alimentaire favorable à l’émergence d’une nouvelle filière protéique, la culture du lupin est pleine de promesses. Fixatrice d’azote atmosphérique, sa graine est, en outre, riche en protéines.
- Retrouvez nos conseils techniques sur le lupin d'hiver et le lupin de printemps
Objectif : 25 000 ha de surfaces
Mais, avec 5 000 hectares de surface, cette espèce est encore très minoritaire dans les assolements. Pour la rendre plus attractive auprès des agriculteurs, un projet, Arsène, a vu le jour en 2024.
Piloté par Cérience, et impliquant notamment le groupe Terrena, ancré dans le Grand Ouest de la France, Arsène ambitionne d’atteindre 25 000 ha de surfaces, soit 75 000 tonnes produites annuellement, avec un objectif de rendement moyen de 30 q/ha.
Pour cela, le projet s’attachera à faire progresser la création variétale, les connaissances en conduite agronomique, et à accompagner la possibilité d’atteindre trois grands marchés rémunérateurs innovants : la nutrition animale, l’alimentation humaine et la cosmétique.
Des leviers agronomiques travaillés par Terres Inovia
Ce projet, qui va de l’amont à l’aval de la production, mobilise Terres Inovia. « Nos travaux vont se concentrer sur les leviers agronomiques pour améliorer la productivité de lupin et, surtout stabiliser son rendement, en visant 30q/ha », explique Agathe Penant, ingénieure de développement de Terres Inovia.
Comment ? « En construisant des itinéraires techniques pour rendre le lupin moins sensible aux bioagresseurs, et en communiquant largement sur les leviers de robustesse accessibles via des formations, des animations de terrain… », répond-elle.
Parmi les leviers possibles, le travail initié sur l’optimisation de la densité de semis va permettre « d’équilibrer les risques entre un excès de végétation favorisant les maladies et un sol trop exposé laissant place aux adventices », renchérit Agathe Penant.
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