Nutrition : peser les colzas pour optimiser les apports au printemps
La fertilisation azotée est l’un des plus gros postes de charges opérationnelles sur l’oléagineux. Cependant, l’azote est aussi l’un des premiers facteurs qui limite le rendement de cette culture. En calculer la dose avec le plus de précision s’impose.
La fertilisation azotée de printemps du colza se prévoit dès novembre. Crédit : Terres Inovia.
Chaque année, les agriculteurs français appliquent en moyenne 170 unités d’azote (uN) minéral sur leurs colzas, soit un coût d’environ 200 €/ha. Or, la variabilité des situations dans lesquelles sont implantés les colzas nécessiterait des doses plus ajustées. Le calcul prévisionnel de la dose d’azote à apporter, avec l’outil Réglette azote colza, tient compte des conditions de l’année et de la parcelle pour raisonner la fertilisation et ainsi optimiser les charges d’engrais azotés. L’outil simplifie la méthode du bilan (figure 1) et l’adapte aux spécificités du colza, pour estimer rapidement et précisément la dose d’azote à apporter au printemps.
Une absorption importante à l’automne
Le colza absorbe l’azote en grandes quantités avant l’hiver et le remobilise au printemps pour répondre à ses besoins pour l’élaboration du rendement. Pour réaliser une bonne estimation de la dose d’engrais à apporter au printemps, il faut connaître la quantité déjà absorbée par la culture en sortie d’hiver, laquelle peut varier d’une année sur l’autre et d’une parcelle à l’autre.
A cela, s’ajoute la minéralisation issue des feuilles tombées au sol durant l’hiver. Dans les régions où les gelées hivernales causent des pertes de feuilles vertes importantes durant l’hiver, la quantité d’azote perdue peut atteindre, voire dépasser, 50 kg N/ha. Or près de la moitié de l’azote présent dans les feuilles tombées au sol sera réabsorbé par le colza pendant le printemps à la suite de leur minéralisation. C’est autant d’azote en moins à apporter par la fertilisation. Il est important dans ces situations de connaître les quantités d’azote absorbées par le colza en entrée et en sortie d’hiver, afin de calculer la quantité d’azote fournie par la minéralisation de ces feuilles.
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Une dose inférieure à 170 uN dans 75 % des cas Les références de Terres Inovia montrent que les colzas peuvent absorber de 25 à 250 kg d’N/ha en sortie d’hiver. Ces « réserves » permettent de réduire significativement la dose d’azote à apporter au printemps. Comme le montre la figure 1, les différents postes de fourniture d’azote (entrées) peuvent se compenser pour répondre aux besoins du colza. Dans les essais menés entre 2016 et 2023, la dose à apporter au printemps pour atteindre le rendement maximum varie de 0 à 300 uN. Dans ces essais, 75 % des situations nécessitaient une dose inférieure à 170 uN. En moyenne, cette même dose aurait conduit à une sur-fertilisation de l’ordre de 32 uN, soit environ 40 €/ha de pertes économiques. Ainsi, pour les gros colzas en sortie d’hiver qui ont déjà absorbé de grandes quantités d’azote, la dose d’engrais à apporter pour atteindre le rendement maximum peut être réduite par rapport aux petits colzas, qui ont absorbé peu d’azote. |
Une méthode et un outil opérationnels
Pour estimer ces quantités d’azote absorbées par le colza, les pesées de matière fraîche des parties aériennes du colza sont une méthode simple et fiable (1). Prélevez les plantes sur au moins 2 m² par parcelle, répartis en 2 placettes distinctes, en évitant les bordures. Coupez les plantes au ras du sol et pesez-les précisément. Divisez le poids obtenu par la surface prélevée pour exprimer le résultat en kg/m². Réalisez ces pesées à l’entrée et à la sortie de l’hiver afin de connaître (i) la quantité d’azote présente dans le colza à la reprise de végétation et (ii) celle qui sera minéralisée au printemps à partir des feuilles gelées, tombées pendant l’hiver.
Une fois les poids du colza en entrée et sortie d’hiver connus (et le reliquat sortie d’hiver si possible), renseignez ces informations sur le site internet de la Réglette azote colza et ajoutez les informations sur le contexte de la parcelle. L’outil calcule la dose totale à apporter et indique comment fractionner l’apport (tableau 1). Par exemple, sur des parcelles avec de gros colzas et donc une dose à apporter assez faible, il est possible de retarder le premier apport jusqu’au début de la montaison. La remobilisation des réserves accumulées dans la plante suffira à assurer une bonne reprise de végétation.
Enfin, pour maximiser l’absorption de l’engrais par la plante, réalisez les apports seulement quand la vitesse de croissance de la plante est forte (lorsque les besoins en azote du colza sont élevés). Des apports réalisés trop tôt, avec des températures très basses (voire sur sol gelé), ne seront que très peu valorisés, les besoins du colza étants faibles à ces périodes. Visez des conditions suffisamment humides (pluie récente ou dans les jours à venir) pour assurer une rapide mise à disposition de l’engrais aux racines et ainsi éviter un excès de volatilisation de l’azote. Chaque unité mal valorisée est perdue pour la plante et le rendement… et pollue l’environnement.
(1) D’autres méthodes d’estimation de la quantité d’azote absorbée par le colza existent. Elles utilisent une analyse d’image, obtenue via drone, satellite, smartphone ou appareil spécialisé. Plusieurs produits font l’objet d’un accord de partenariat avec Terres Inovia, et intègrent tout ou partie de la méthode de calcul de la Réglette azote colza.
Contact : Emile Lerebour, e.lerebour@terresinovia.fr
Lire l'article dans le n° de décembre d'Arvalis & Terres Inovia infos : ici.
Gestion des ravageurs : obtenir un colza robuste grâce à un apport d’azote
Depuis l’automne 2024, il est possible de fertiliser la crucifère en début de cycle, principalement pour lutter contre les larves d’altises. Terres Inovia a mené des essais pour justifier un tel apport.
Selon l’institut, les apports d’azote minéral au semis ou
en végétation sont très bien valorisés. Crédit : Terres Inovia.
Les infestations de larves d’altises à l’automne sur colza sont souvent critiques en raison de l’extension de la résistance de ces populations aux traitements insecticides, lesquels voient leur nombre de solutions diminuer. Il s’avère donc nécessaire de recourir à des techniques de protection intégrée afin que la crucifère soit plus tolérante à ces attaques.
L’apport d’azote minéral au semis ou en végétation à l’automne constitue un des leviers pour produire un colza robuste, bien implanté, avec une croissance continue tout au long de l’automne et une reprise la plus précoce et dynamique possible au printemps.
Cette pratique est possible depuis l’automne 2024 dans le cadre du 7e programme d’actions national « nitrates » (PAN7). Le PAN7 prévoit une réévaluation de cette autorisation en 2027 et exige la preuve que cette pratique n’engendre pas une augmentation significative du risque de lixiviation de l’azote. Ainsi, Terres Inovia et ses partenaires ont conduit, sur les quatre dernières campagnes (2021 à 2024), un réseau national de 104 essais dans les principales régions de production de colza en France (voir les modalités en encadré).
Un intérêt réel et bénéfique
Les résultats concernant la croissance et l’absorption d’azote par les plantes, ainsi que la quantité d’azote minéral dans le sol, montrent qu’en moyenne :
- les apports d’azote minéral au semis ou en végétation sont très bien valorisés et atteignent des niveaux équivalents à l’entrée de l’hiver par rapport aux résultats obtenus sur la modalité témoin. Le gain moyen de biomasse fraîche aérienne est d’environ 500 g/m² pour l’ensemble du jeu de données ;
- les dynamiques de croissance sont quant à elles différentes : la croissance est plus active en fin d’automne (à partir d’octobre) à la suite de l’apport en végétation par rapport à l’apport au semis, en particulier lorsque la croissance plafonne pendant cette période sur le témoin sans apport ;
- les gains de biomasse fraîche aérienne enregistrés à l’entrée et à la sortie de l’hiver, à la suite des apports de 30 unités d’azote au semis ou en végétation, permettent de réduire la dose à apporter au printemps d’une vingtaine d’unités en moyenne. La dose totale d’azote minéral apportée sur la culture pendant l’ensemble de son cycle est donc peu modifiée par rapport à la situation sans apport d’azote minéral au semis ou en végétation à l’automne ;
- les quantités d’azote minéral présentes dans le sol à l’entrée de l’hiver pour les modalités fertilisées en végétation ou au semis sont équivalentes, en moyenne, à celles obtenues pour la modalité non fertilisée. Ces essais illustrent que les risques de perte d’azote par lixiviation à l’automne semblent limités, que l’apport ait lieu au semis ou en végétation. En parallèle, les plantes en profitent davantage, comme l’illustrent les mesures de biomasse fraîche. L’intérêt de fertiliser les colzas à l’automne semble donc réel et bénéfique.
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Protocole des essais : quatre modalités possibles Deux configurations étaient présentes dans tous les essais. D’une part, le témoin, sans apport d’azote ni au semis ni plus tard. D’autre part, un apport de 30 U en végétation à l’automne (souvent en octobre). La troisième modalité, facultative, concerne un apport de 30 U au semis. Enfin, la quatrième modalité, facultative également, requiert 60 U (30 U au semis suivies de 30 U en végétation à l’automne). Tous ces apports concernent de l’engrais minéral. Les principales mesures réalisées portent sur la biomasse aérienne fraîche et la quantité d’azote absorbée par la culture. La quantité d’azote minéral dans le sol (au semis et à l’entrée de l’hiver), le nombre de larves de grosse altise par plante (à l’entrée et à la sortie de l’hiver) ainsi que le pourcentage de plantes avec un port buissonnant et/ou déformées au printemps ont également été étudiés. |
Contacts : Luc Champolivier, l.champolivier@terresinovia.fr - Emile Lerebour, e.lerebour@terresinovia.fr
Lire l'article dans le n° de septembre d'Arvalis & Terres Inovia infos : ici.
Water pollution: the measures of the new decree of the national action program
Retour sur l'évènement : L’azote cette ressource précieuse, comment gagner en autonomie et quelles perspectives pour les systèmes de culture ?
Nitrogen autonomy: the PEI-Partage project presents its results
PEI-PARTAGE : des journées techniques en ferme organisées
Privilégier une fertilisation azotée en végétation plutôt qu'au semis du tournesol
En zones vulnérables, se référer aux arrêtés préfectoraux
Dans tous les cas, respecter strictement les réglementations en vigueur, notamment les arrêtés préfectoraux en zones vulnérables*. Les arrêtés préfectoraux diffèrent d'une région à une autre, dans les méthodes de calcul et les grilles de références.
* Liste des communes en zone vulnérable : voir le site de votre Chambre d'agriculture, DREAL ou DRAAF.
Raisonner la fertilisation azotée du tournesol
Les besoins en azote du tournesol sont modérés. Ils sont proportionnels au rendement à raison de 4,5 kg d'azote absorbé par quintal. Au delà de 150 kg d'azote absorbés/ha, l'azote n'est plus limitant.
Bien enraciné, le tournesol mobilise l’azote minéral des couches les plus profondes du sol qui lui fournit alors une grande partie de ses besoins, voire la totalité. La fertilisation azotée vise à compléter les fournitures du sol, si nécessaire, afin de satisfaire les besoins de la plante.
Pour déterminer la dose d'azote à apporter, il existe deux méthodes :
- l'estimation des besoins à partir des reliquats et de l'objectif de rendement (méthode du bilan)
Privilégier une fertilisation azotée en végétation plutôt qu'au semis
Un apport d'azote en végétation est souvent mieux valorisé qu'un apport au semis car il est mieux synchronisé avec la période de besoin maximum de la culture.
Pour apporter l’azote en végétation sans risque, utiliser une forme solide (ammonitrate ou urée), par temps sec, avant le stade 14 feuilles.
L’application de solution azotée est déconseillée ; elle n’est possible qu’en équipant le pulvérisateur de pendillards. Cet équipement évite de brûler les boutons dans le cas du report de l'intervention au delà du stade "14 feuilles'' (en raison par exemple de contraintes de temps de travail ou météorologiques).
Eviter les excès d'azote
- ils favorisent l'exubérance de la végétation, le développement des maladies (sclérotinia, phomopsis, botrytis) et la verse, ce qui pénalise le rendement ;
- ils abaissent la teneur en huile des graines d'un demi point pour 50 unités en trop, ce qui pénalise la qualité de la récolte. La teneur en acide oléique n'est pas affectée.
En revanche, quand on n'apporte pas d'engrais, ou trop peu là où il aurait fallu en fournir plus, on perd du rendement à cause des carences en azote (nombre de graines réduit et déficience photosynthétique)
Estimation des besoins à partir des reliquats et de l'objectif de rendement
En zone vulnérable vis à vis de la teneur en nitrate des eaux, respecter les arrêtés préfectoraux établissant les référentiels régionaux de mise en œuvre de l'équilibre de fertilisation azotée.
| Dose d'azote à apporter | |||
| Objectif de rendement | |||
| 25 q/ha (sol superficiel) (1) | 35 q/ha (sol profond) (2) | ||
| Reliquat d'azote minéral dans le sol au semis | faible (30 u) | 40 à 80 u | 80 à 100 u |
| moyen (60 u) | moins de 40 u | 40 à 80 u | |
| elevé (90 u) | 0 u | moins de 40 u | |
(1) argilo-calcaire superficiel, sol sableux, cranette
(2) limon, limon argileux, argile limoneuse, craie.
Si la minéralisation est forte, choisir la valeur basse de la fourchette et inversement. Les reliquats d'azote au semis se mesurent en prélevant des échantillons de sol à différentes profondeurs, par exemple par couche de 30 cm d'épaisseur jusqu'à 90 cm, voire 120 cm pour les sols les plus profonds. Ils peuvent être estimés à partir des résultats mesurés chaque année sur des réseaux de parcelles de référence ou calculés grâce à des logiciels de fertilisation azotée.
La fertilisation pour le pois chiche
Phosphore et potassium
Le pois chiche est une espèce considérée comme moyennement exigeant concernant les éléments phosphore et potassium. Le raisonnement vis-à-vis des apports P et K est réalisé à l’échelle de la rotation, en fonction des analyses de sols. Pour un rendement de 20-30q/ha, le pois chiche exporte 15 à 20 unités de P2O5 et 15 à 20 unités de K2O.
Azote
Si l’on observe des nodosités huit semaines après la levée c’est que la symbiose s’est mise en place. Aucun apport d’azote n’est alors nécessaire.
En l’absence constatée de nodosité, un apport d’azote est envisageable. Cet apport doit pallier un échec non prévisible en amont de la campagne. Avant toute intervention, il est indispensable de vérifier si la règlementation régionale encadre cette pratique (date, dose, fractionnement, etc.). L’objectif de rendement initial devra être revu à la baisse.
A ce jour, Terres Inovia n’a pas de position technique sur la dose à apporter et la période idéale pour sa valorisation. Respecter la législation en vigueur, éviter un apport trop précoce dans le cycle qui favoriserait la production de biomasse (feuille) et fractionner la dose retenue si nécessaire.
Oligo-éléments
A ce jour, aucuns travaux n’ont été menés sur cette thématique. Il semblerait que le pois chiche soit sensible à la présence d’oligo-éléments suivants : bore, fer, molybdène. Ces éléments sont généralement apportés en foliaire, durant la phase végétative ou au stade début floraison.
La fertilisation azotée du chanvre
Eviter les excès d'azote par une dose bien ajustée
Les besoins de la culture sont estimés à 13-15 unités N/tonne de matière sèche lorsque les ressources en eau ne sont pas limitantes. Le besoin total d’azote se situe donc autour de 120 U/ha pour un objectif de rendement paille de 8 t/ha, duquel il faut soustraire les reliquats du sol et la minéralisation pour calculer la dose d'azote minéral à apporter.
La méthode du bilan peut être appliquée. En excès, l’azote favorise une végétation exubérante, induit précocement la verse et maintient une humidité excessive des graines (et des feuilles). Les pailles restent plus vertes. On observe également plus de pieds morts.
En conséquence, la récolte est retardée, le temps de séchage de la plante est plus important et le défibrage à l’usine devient plus difficile.
Bien enraciné, le chanvre mobilise l’azote minéral des couches les plus profondes. C’est pourquoi la réponse à l’azote apporté est variable selon l’année, le sol et les conditions climatiques. Elle est donc à adapter en fonction du type et de la profondeur du sol, ainsi que des reliquats effectués par analyses à différentes profondeurs (0 à 30 cm, 30 à 60 cm, 60 à 90 cm pour les sols les plus profonds).
Favoriser un apport fractionné
La fertilisation azotée vise à compléter les fournitures d’azote du sol. Le chanvre absorbe de l’azote principalement entre le stade 3 paires de feuilles (50 cm) et la fin de la floraison. Généralement la totalité des apports se fait au semis. Toutefois, il faut noter qu’un apport d’azote fractionné et tardif (2/3 au semis + 1/3 stade 50 cm c’est-à-dire au stade 5-6 paires de feuilles) a un impact positif sur le rendement en graines. Ce deuxième apport doit se faire impérativement sur une végétation sèche et sous forme solide uniquement.
Le bénéfice de la fertilisation localisée
Des expérimentations menées par Terres Inovia ont permis de mettre en évidence des gains de rendements en graines obtenus avec un premier apport réalisé en localisé (100 kg/ha de 18-46) le complément de la fertilisation ayant été apporté après le semis en plein. Pour ceux qui ne sont pas équipé pour faire cette application en localisée, des études sont en cours afin de d’évaluer le mélange semence et engrais.
A savoirDans les zones vulnérables, le raisonnement de la fertilisation azotée doit être conforme aux arrêtés préfectoraux de votre région. |
Fertilisation et inoculation de la lentille
Comme les autres légumineuses, la lentille a la capacité de fixer l’azote atmosphérique grâce à une symbiose avec une bactérie du genre Rhizobium (Rhizobium leguminosarum), présente naturellement dans les sols français. Il n’est donc pas nécessaire d’inoculer la lentille.
La lentille est peu exigeante : elle exporte 1,6 u/q de phosphore et 6 u/q de potassium.
Ainsi, pour un rendement de 15 à 25 q/ha, apporter 30 à 50 unités de P2O5, 60 à 80 unités de K2O et 20 à 25 unités de Mg.
Ces apports sont à raisonner et à adapter en fonction de l’analyse de sol.
Article co-rédigé avec
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