Chassons les idées reçues sur la lentille

Le saviez-vous ?

« La viande du pauvre » : avec 9g de protéines pour 100g de lentilles cuites, cette légumineuse est prisée pour sa teneur en protéines végétales et se retrouve à la base de nombreux régimes alimentaires à travers le monde (dahl en Inde, mesir wat en Éthiopie…). Toutefois, ces protéines n’apportent pas tous les acides aminés essentiels à l’organisme, il est conseillé de la combiner avec des produits céréaliers pour avoir un apport en protéines complètes.

Le lentillon de la Champagne : Variété spécifique de la Champagne, le lentillon est la seule variété de lentille de France qui se sème à l'automne car elle ne craint pas le gel ! D’une riche couleur ocre-brun, ses cotylédons sont rosés et sa chair fine ; il est toujours cultivé avec une céréale tuteur : le seigle. Aussi nommé "Lentille à la Reine", il était très apprécié par l'épouse de Louis XV, Marie Leszczynska mais n’est plus que très peu produit de nos jours.

Bien vu ! : Preuve de la grande popularité de la lentille cultivée, la lentille « plante » a donné son nom aux lentilles de verre que l’on trouve dans les instruments d’optique et donc… aux lentilles de contact !

 

L’itinéraire technique en trois points

1) Soigner l’implantation
La lentille valorisera des types de sols variés (argilo-calcaires superficiels, sols volcaniques…). Attention aux sols hydromorphes ou aux sols très séchants en raison de la sensibilité de la culture aux excès d’eau et au stress hydrique en fin de cycle. Choisir une parcelle propre, et semer à 4cm de profondeur maximum, dans un sol réchauffé et ressuyé afin de favoriser une levée et une croissance rapide de la lentille. 

2) Ne pas se laisser envahir par les adventices
Le désherbage est une étape clé de la réussite de la culture. Du fait d’une gamme de solutions chimiques réduite et des difficultés de réalisation de désherbage mécanique dans les parcelles, le désherbage chimique de prélevée reste pivot dans la gestion du salissement des parcelles et ne doit pas être négligé.

3) Anticiper les problématiques de maladies telluriques
Un point d’attention particulier doit être porté sur le retour de la lentille dans les parcelles. Cette culture est sensible à Aphanomycès euteiches, et autres pathogènes telluriques (fusarium, pythium) qui conduisent à la mort des plantes par destruction du système racinaire (nécroses des racines). Un délai de retour d’au moins 5 ans doit être observé entre deux lentilles. En cas de présence d’autres cultures sensibles à ces pathogènes dans la rotation (pois, luzerne, gesse…), un délai de 5 ans entre ces cultures est préconisé. Il est possible de réaliser un test de potentiel infectieux pour déterminer la présence d’aphanomycès dans les parcelles.

 

Testez vos connaissances sur la lentille

  • VRAI ! Avec un port végétatif peu développé lors de la première phase du cycle, les adventices peuvent rapidement prendre le dessus. Le choix d’une parcelle la plus propre possible et une intervention de désherbage de prélevée est indispensable pour maintenir un niveau de salissement tolérable. Attention, la gamme de solutions de désherbage en postlevée est réduite.
  • FAUX ! Ces dernières années plusieurs variétés, qu’elles soient vertes, corail ou blondes, ont été inscrites et multipliées.
  • VRAI et FAUX ! La lentille a tendance à verser en fin de cycle en culture pure mais, une adaptation de la vitesse de chantier, l’utilisation de doigts releveurs ou d’une couple flex et un sens de récolte « à rebrousse-poil » permettent de palier à cette caractéristique.
  • VRAI et FAUX ! il existe une forte demande en lentille française. Néanmoins, comme toute culture de niche, il faut contractualiser la récolte avant d’implanter, afin d’être certain que votre collecteur puisse stocker vos lentilles.
  • VRAI et FAUX ! Au champ, aucune solution efficace n’est disponible à ce jour. La lutte contre la bruche de la lentille s’effectue lors du stockage tant par des solutions physiques (surgélation, inertage) que par des solutions chimiques (insecticide de contact, fumigation).
France entière Légumineuses à graines Lentille Anne Schneider (a.schneider@terresinovia.fr)

Chassons les idées reçues sur la féverole

Le saviez-vous ?

Semer tôt la féverole de printemps, c’est possible et intéressant : Il est possible de semer tôt la féverole de printemps, sur sol gelé superficiellement, à condition de bien enfouir la graine. Pour les semis précoces de début février, semer à 6-7 cm de profondeur pour limiter le risque de gel en cours de germination. À partir du 20/02, semer à 5 cm de profondeur. Cela permet d’échapper en partie aux dégâts d’oiseaux et d’assurer une bonne sélectivité des herbicides de prélevée. Les semis précoces permettent en général d’atteindre de meilleurs rendements. En féverole d’hiver, pour les secteurs les plus froids du Centre et de l'Est, il est également nécessaire de semer profond (au moins 8 cm). Et surtout de ne pas semer trop tôt !

 

L’itinéraire technique en trois points

Privilégier une parcelle profonde pour la féverole : La féverole peut être cultivée dans des sols contaminés par Aphanomyces euteiches, car elle est très résistante à ce pathogène. Elle apprécie les sols profonds, aérés, non battants mais craint les sols légers, hydromorphes ou asphyxiants. Son système racinaire doit pouvoir s’installer sans rencontrer d’obstacles. Lors de la phase fin floraison-maturité, la féverole a des besoins en eau importants et craint les fortes températures (≥ 25°C). Il faut choisir un sol plutôt profond à bonne réserve en eau.

Ne pas semer la féverole trop dense : Sachant que la féverole d’hiver ramifie, il est inutile de semer plus dense que ce qui est préconisé car cela accroît les risques de verse et de maladies foliaires et peut nuire au rendement. Les densités préconisées en féverole d’hiver permettant d’être à l’optimum économique (20-25 graines/m² en sols limoneux et 30 graines/m² en sols argileux ou caillouteux) sont également moins importantes qu’en féverole de printemps (40 à 50 graines/m² dans l’ensemble de la zone de production française).

Le désherbage, un poste bien gérable en féverole : La féverole supporte bien les grands écartements et le désherbage mécanique (binage). Il est également possible de combiner un désherbage chimique en prélevée (à doses modulées) avec un ou deux passages de herse étrille entre 2 et 7 feuilles. Cela permet d’obtenir une efficacité proche de 100 %. En année climatique normale, l’efficacité obtenue est comparable à celle du désherbage chimique de prélevée seule à pleine dose. En année sèche, le passage d’outil compense bien l’efficacité moyenne du désherbage chimique de prélevée. Ainsi, la complémentarité chimique - mécanique permet d’être moins dépendant des conditions climatiques.

 

Testez vos connaissances sur la féverole

  • VRAI ! Cependant, on essaie de trouver des pistes : piégeage de masse avec attractifs, recherche de variétés résistantes, tests de solutions chimiques et de produits de biocontrôle. Une lutte au stockage est par ailleurs possible (insecticide, fumigation et thermo-désinsectisation).
  • FAUX ! Ces dernières années, le rendement moyen des féveroles, qu’elles soient d’hiver ou de printemps, s’est stabilisé autours de 35-40q/ha. S’il est loin des records historiques, il permet néanmoins de couvrir les charges en lien avec cette culture peu exigeante, et ainsi d’en faire une culture rentable.
  • FAUX ! Il faut éviter le retour trop fréquent de la féverole (minimum de 6 ans entre 2 féveroles) pour limiter les risques sanitaires. Il faut aussi raisonner les systèmes de culture (pas trop de féverole en couvert ou associée à une autre culture comme le colza) car cela augmente les risques de maladies si la féverole est cultivée ensuite en culture principale. Des variétés résistantes sont recherchées. Pour la rouille, il existe des produits efficaces mais il faut les appliquer dès la présence des premières pustules.
  • FAUX ! En alimentation animale, des débouchés existent, avec une exigence moindre par rapport au taux de graines bruchées. De nouveaux débouchés sont par ailleurs recherchés en alimentation humaine, qui pourraient nécessiter également moins d’exigence sur le taux de graines bruchées.
    En effet, la bruche peut poser un problème uniquement pour la qualité visuelle nécessaire aux débouchés qui utilisent la graine entière comme les exports pour l’alimentation humaine, par exemple vers l’Egypte. En France, l’agroalimentaire recherche de plus en plus des protéines végétales : comme pour les pâtes à tartiner style Tartimouss dans la Somme, ou pour des ingrédients protéiques plus ou moins concentrés (pour des aliments sportifs ou seniors). Par ailleurs, les éleveurs ou fabricants d’aliments du bétail n’ont jamais assez de sources de protéines végétales nationales pour nourrir leurs animaux ! Ils doivent recourir aux tourteaux de soja (largement importés !). Actuellement, de nombreuses coopératives s’intéressent à nouveau à la féverole. Progressons collectivement vers la souveraineté nationale en protéines végétales ! https://www.terresinovia.fr/cap-proteines
France entière Légumineuses à graines Féverole d'hiver Féverole de printemps Anne Schneider (a.schneider@terresinovia.fr)

Quels sont les services rendus par les agrosystèmes incluant les légumineuses ?

La fourniture d’azote et la réduction associée des intrants azotés, est la constante au sein du bouquet des services rendus par les systèmes intégrant les légumineuses. En culture monospécifique ou en association avec d’autres familles botaniques, récoltée pour des produits riches en protéines ou utilisée en couvert végétal, la légumineuse facilite un gain de productivité pour les cultures suivantes, l’augmentation des ressources pour les insectes et elle contribue aussi à la fertilité des sols, à la qualité de l’air et à l’atténuation du changement climatique.

L’approche systémique pour comprendre l’intérêt de la légumineuse

C’est bien à l’échelle pluriannuelle du système de culture ou à l’échelle de l’assolement (qui reflète en grande partie la succession culturale) que la présence de légumineuses révèle toute sa valeur ajoutée, à la condition que tout soit mis en œuvre pour des conditions favorables à l’expression des bénéfices potentiels. D’où l’importance de mieux préciser, selon les bénéfices recherchés, les conditions optimales de l’expression des services que peuvent rendre les cultures de légumineuses au système de production agricole d’une part mais également au maintien de la qualité des milieux et par ricochet de la société.

Tout part de deux éléments clés :

  1. la diversification botanique et fonctionnelle qu’apportent les légumineuses dans les successions culturales dominées par les graminées et les crucifères
  2. la capacité à faire entrer de l’azote renouvelable dans l’agrosystème grâce à la fixation symbiotique, la fonction écologique unique de ces plantes.

De plus, les effets liés à la culture de légumineuses se répercutent également d’une part à l’échelle du système de production animale et d’autre part du produit agroalimentaire, car la production primaire des matières premières agricoles sont prépondérantes dans les impacts des élevages et significatives dans les impacts de l’agroalimentaire.

L’agriculture des autres continents que l’Europe intègre les cultures de légumineuses sur 10 à 25% de leur SAU, avec par exemple : le soja en Amérique du Sud, le haricot en Amérique du Sud, l’arachide ou le niébé en Afrique, le pois chiche et la lentille et une multitude d’autres espèces en Inde, etc. En revanche, vu la part à moins de 3% des légumineuses dans les assolements de grandes cultures en France et en Europe, implanter davantage de légumineuses est une option centrale pour bénéficier de réductions d’intrants et d’effets systèmes pour les productions végétales, de fourniture de protéines végétales pour les animaux et les hommes, de fourniture d’aménités pour l’environnement et la société.​​​​

La fixation symbiotique des légumineuses, une fonction écologique centrale pour une palette de services rendus et donc de bénéfices agronomiques, environnementaux et économiques, pour peu qu’on apprenne à mieux l’appréhender.

 

Multi-services pour l’agriculteur et pour le citoyen

Le soja, le pois, la féverole, le lupin, la lentille et le pois chiche sont des légumineuses récoltées majoritairement pour leurs graines, la luzerne, le trèfle et la vesce sont valorisées pour leur biomasse. Toutes peuvent être utilisées comme couverts végétaux non récoltés.

L’association symbiotique de ces plantes légumineuses avec des bactéries abritées dans des nodosités présentes sur leurs racines. Cette fonction écologique unique liée à l’azote est à l’origine d’une série d’atouts environnementaux des légumineuses, essentiels à mettre en avant dans la protection de l’environnement et l’atténuation du changement climatique.

Grâce à la fixation symbiotique de l’azote, et quels que soient les espèces et les modes d’insertion considérés, les légumineuses ont globalement un effet positif sur le bilan environnemental. En effet, leurs besoins réduits en fertilisation azotée agissent, d’une part, sur l’économie d’énergie réalisée suite à la réduction de la fabrication d’engrais azoté et de carburant pour le transport de celui-ci et, d’autre part, sur la réduction certaine des émissions de protoxyde d’azote au champ au cours de la campagne suite à la réduction de l’utilisation d’engrais azoté (sur la légumineuse et sur le reste du système). La réduction des émissions de GES est drastique lors de la culture de légumineuse annuelle récoltée (d’autant plus si elle laisse peu de résidus laissés au sol) et de façon complémentaire lors de l’adaptation des pratiques sur le reste de la rotation (dont une moindre dose d’azote apportée). Les couverts incluant des légumineuses (les mélanges sont préconisés sur le plan agronomique) participent au retour de biomasse au sol favorable au stockage de carbone (fonction de « puits » de GES).

La qualité de l’air, des sols et de l’eau s’en trouve également améliorés : la réduction de l’utilisation d’engrais azoté entraîne une diminution de l’ammoniac volatilisé au moment de l’épandage des engrais, ce qui réduit la création de particules fines dans l’air et l’acidification des milieux naturels (dont sols et eaux). 

Les légumineuses contribuent également à la biodiversité des zones cultivées, en apportant de la diversité dans les agrosystèmes dominés par les graminées et les crucifères et favorisant ainsi une faune et une flore sauvage plus diversifiées. Elles sont sources d’alimentation pour de nombreux insectes, dont des auxiliaires des cultures et des pollinisateurs, à la fois par le pollen et par le nectar (floral et aussi extra-floral dans le cas de la féverole) et les pluriannuelles favorisent les refuges pour la petite faune. 

Abeille dans une fleur de féverole - Adobe Stock©

Les légumineuses contribuent à la régulation des bio-agresseurs des cultures (adventices, insectes et maladies) par la diversification des cultures, ce qui augmente par ailleurs la qualité sanitaire des collectes de céréales (moins de mycotoxines). Leurs caractéristiques participent aussi au maintien ou à l’amélioration des composantes de la fertilité du sol (en restructurant le sol, en recyclant et en fournissant des éléments nutritifs et en favorisant/entretenant la vie du sol comme les microorganismes par la biomasse microbienne et l’instauration de plusieurs niveaux trophiques).

En fonction de leurs modes d’insertion dans les systèmes de culture, les légumineuses fournissent des services de types et niveaux différents. Lorsqu’elles sont récoltées en culture pure dans une base céréales-oléagineux (féverole puis blé, soja puis maïs, pois puis colza), elles contribuent à limiter la pression parasitaire (pathogènes et adventices) sur les cultures suivantes et ainsi à réduire l’usage des phytosanitaires. Cultivées en association avec d’autres espèces non légumineuses (pois-blé, lupin-triticale, pois-avoine), elles engendrent une teneur en protéine plus élevée des céréales. En couverts (non récoltés) à base de légumineuses sous une autre culture récoltée (colza-légumineuses gélives, carotte avec féverole), cultures intermédiaires (mélanges d’espèces de légumineuses) ou couvert semi-permanent (légumineuses fourragères), elles contribuent à couvrir le sol (moins d’érodibilité des sols ou de lixiviation de nitrate), à alimenter l’activité biologique des sols et la matière organique du sol, favorable au stockage de carbone.

Azote symbiotique, l’as de l’azote ?

Vu le rôle central de la fonction écologique de la fixation symbiotique, la première condition pour bénéficier de l’azote des légumineuses est d’assurer une bonne nutrition de la plante. Pour cela, bien connaître les spécificités de la nutrition azotée de la légumineuse est crucial : bien gérer la complémentarité entre fixation symbiotique de l’azote et l’absorption racinaire est donc centrale.

Avec une culture de légumineuse réussie, présentant un rendement élevé et une bonne teneur en protéines des graines, l’agriculteur bénéficiera ensuite d’un effet du précédent cultural plus intéressant pour les cultures suivantes, à condition de bien concevoir la succession culturale et les pratiques associées afin d’éviter les pertes par lixiviation et de synchroniser les restitutions d’azote avec les besoins de la culture suivante. En bonus, pour tous, une meilleure qualité de l’air et moins de gaz à effet de serre (GES).

Insérer davantage de légumineuses dans la succession culturale permet de :

  • capter l’azote de l’air et donc d’assurer une entrée de l’azote renouvelable dans le système de production
  • apporter aucun engrais azoté sur la surface emblavée en pois à apporter sur une campagne agricole
  • récolter des graines particulièrement riches en protéines
  • pouvoir réduire les doses à apporter sur cette surface au cours des campagnes suivantes
  • contribuer à une meilleure robustesse et une meilleure durabilité du système cultivé
  • etc.
Cultivons l’agilité pour bénéficier des services des légumineuses dans les systèmes de production ! Terres Inovia collabore avec les partenaires volontaires pour travailler en ce sens au sein de projet territoriaux.

 

 

France entière Légumineuses à graines Anne SCHNEIDER (a.schneider@terresinovia.fr)

Qu’est-ce que les légumineuses à graines ?

Du soja au pois chiche en passant par le pois ou le lupin, les espèces en couverts d’interculture ou en association avec une culture de rente comme le colza : la palette des légumineuses est une richesse pour répondre aux différents objectifs des territoires et acteurs. Si l’on a comme préoccupation le potentiel de développement de production de filières ou de protéines végétales, alors le focus se fait sur les légumineuses à graines.

Les légumineuses à graines regroupent toutes les cultures annuelles (parfois dérobées) de légumineuses qui sont récoltées principalement pour leurs graines (à maturité avec 14 à 18 % d’humidité) riches en protéines pour une utilisation en alimentation humaine ou animale, en général en complément des céréales. Les espèces concernées sont : le pois, le soja, la féverole, le lupin, la lentille, le pois chiche, le haricot sec. 

Ces cultures dont on récolte les graines quasi sèches se distinguent radicalement du cas des légumineuses immatures comme les petits pois et les haricots verts dont les gousses sont récoltées avant la maturité physiologique des graines, et alors affectées au segment « frais » des produits de consommation, et dont les techniques culturales sont assez différentes.  ​​​​​​

Qu’est-ce qu’une légumineuse à graines ?

Champ un pois protéagineux en floraison

La légumineuse à graine est une culture de rente et une composante des successions culturales. Elle est cultivée soit seule, c’est-à-dire en culture « pure » (peuplement monospécifique), soit dans une association de cultures (peuplement plurispécifique). Elle est soit vendue (organisme stockeur ou vente plus directe à un industriel, négociant ou distributeur), soit utilisée sur place en intrants d’un autre atelier de l’exploitation agricole (fourrage ou pâture ou graines ensilées pour l’atelier animal en général). La finalité première d’une culture de rente est un service « d’approvisionnement » (alimentation), même si la plante peut aussi apporter des services « de support » et « de régulation » par ailleurs, alors que la plante non récoltée apporte uniquement des services de support et de régulation. Elle fait alors partie de l’itinéraire technique d’une autre culture de rente.

Des graines appréciées sur tous les continents

Les légumineuses sont connues depuis la plus haute antiquité pour leurs valeurs nutritionnelles, leurs effets positifs sur la santé et leurs qualités gustatives. Au niveau mondial, elles jouent un rôle de premier ordre pour l’alimentation humaine dans de nombreux pays, notamment en Asie, en Amérique latine et en Afrique (protéines végétales moins chères que la viande), avec une diversité d’espèces bien plus large que la gamme française.

En Europe et en France, la plupart sont des espèces d’origine méditerranéenne, sauf le soja, légumineuse tropicale, originaire d’Extrême-Orient, et le haricot, originaire du continent américain. Les principales espèces sont le pois (Pisum sativum), les féveroles (Vicia faba) et les lentilles (Lens culinaris) de la tribu botanique Fabeae (ou Vicieae), le soja (Glycine max) et le haricot commun (Phaseolus spp.) de la tribu Phaseoleae, ainsi que les lupins (Lupinus spp.) de la tribu des Genisteae et les pois chiches (Cicer arietinum) des Cicereae. La domestication a sélectionné des formes annuelles, à grosses graines peu dormantes, à gousses indéhiscentes. La sélection a favorisé les variétés et populations dépourvues de facteurs antinutritionnels (mis à part le soja), à tiges plus courtes et moins sensibles à la verse que les formes sauvages. Les poids de mille grains (PMG) des légumineuses peuvent aller jusqu’à 800 à 2 000 g dans le cas des fèves et du haricot de Lima.

 

Spécificités des légumineuses à graines

Même si elles présentent de nombreux points communs, les légumineuses à graines ont aussi des spécificités qu’il faut respecter si l’on veut les introduire au mieux dans les assolements.

Tout d’abord, elles ne nécessitent pas d’apport d’engrais azotés puisqu’elles mettent en place des nodosités avec des bactéries du genre Rhizobium qui leur permettent d’utiliser l’azote de l’air (N2) pour la majeure partie de leur nutrition azotée, en complément (plus ou moins nécessaire selon les espèces) de l’absorption racinaire de l’azote minéral présent dans le sol. Pour que la fixation symbiotique fonctionne bien, l’implantation est primordiale. Il faut en effet semer en sol bien ressuyé pour éviter de tasser les sols. Par ailleurs, dans les sols hydromorphes et limons battants, les racines et nodosités, privées d’oxygène peuvent dépérir.

Les maladies et ravageurs sont spécifiques (champignons et insectes inféodés à chacune des espèces) mais les modes d’action sont souvent identiques et les molécules chimiques utilisées sont souvent les mêmes. Le retrait de certaines d’entre elles peut donc concerner l’ensemble de ces espèces. Ces maladies et ravageurs constituent un frein à leur développement car ils peuvent entraîner la remise en cause de la culture (Aphanomyces pour pois et lentille, anthracnose pour pois chiche, bruche pour féverole, lentille et pois). Le retour trop fréquent d’une même légumineuse sur la même parcelle contribue à l’augmentation de la pression de ces maladies et ravageurs. Ainsi, le retour du pois et de la lentille (parfois tous les 2 ans au lieu de 5) a contribué à l’émergence d’Aphanomyces. Il est donc dangereux de revenir trop souvent avec la même espèce de légumineuse d’où la stratégie d’en cultiver plusieurs si cela est possible pour éviter les problèmes sanitaires et permettant la durabilité de leur introduction dans les systèmes.

Semis et développement des légumineuses à graines

Concernant les aspects développement, elles se caractérisent toutes par le fait qu’elles sont plus ou moins déterminées, c’est-à-dire qu’il y a chevauchement de la phase reproductrice (mise en place des graines) et du développement végétatif. Pour le pois et le soja, le cycle est bien connu et il existe de nombreuses références bibliographiques. Ainsi, la notion de stade limite d’avortement (SLA) (pois, soja, lupin, féverole) a permis de mieux délimiter les phases d’élaboration des composantes du rendement (nombre de graines et PMG). L’impact des facteurs limitants d’origine climatique est également bien documenté, avec des seuils bien identifiés. En féverole, pois chiche, lupin et lentille, de nombreuses références sont encore à acquérir. Les outils disponibles en pois et en soja pourraient être adaptés.

Enfin, chacune de ces légumineuses est implantée à des dates de semis très différentes : à partir de fin février-début mars pour le pois, la féverole et le lupin de printemps, courant mars pour la lentille, mars-avril pour le pois chiche, avril-mai pour le soja, septembre pour le lupin d’hiver et enfin fin octobre-début novembre pour le pois et la féverole d’hiver. Cette palette de légumineuses présente donc des cycles positionnés à des périodes décalées dans le temps et exposés à des facteurs limitants d’origine climatique variables. Ainsi, un stress climatique pourra affecter l’une d’elles mais moins les autres voire pas du tout. Sur une exploitation agricole ou un bassin de production donné, il est judicieux de les répartir au mieux pour qu’elles puissent toutes atteindre ou approcher leur potentiel de production ou alors apporter des bénéfices même avec une « performance dégradée » soit pour répondre à un problème technique du système de culture soit pour apporter des aménités d’intérêt pour les acteurs du territoire ou pour la société.

Schneider et Huyghe (2015) Schneider A., Huyghe C. (2015). Les légumineuses pour des systèmes agricoles et alimentaires durables. Éditions Quæ, Versailles, 473 pages.

France entière Légumineuses à graines Anne SCHNEIDER (a.schneider@terresinovia.fr); Huyghe C.

Quel est le processus de la fixation azotée symbiotique ?

La fixation azotée symbiotique est le processus biologique vital qui permet de convertir l’azote de l’air ambiant (N2) en azote minéral intermédiaire (azote ammoniacal, NH3) qui est alors assimilable par les organismes vivants pour constituer les molécules organiques et notamment les protéines.

Une fonction écologique d’échange de bons procédés

Les légumineuses sont les seules plantes capables de symbiose fixatrice d’azote. 

L’association symbiotique s’effectue entre les légumineuses et certaines bactéries présentes dans le sol. Les bactéries étant en général présentes dans tous les sols français, l’inoculation est inutile sauf pour le cas du soja, où elle est quasi systématique, et elle peut s’avérer nécessaire dans des conditions spécifiques pour certaines espèces comme dans le cas du lupin en sols basiques ou la luzerne et le pois chiche en sols acides.

Photo de nodosités sur des racines de féverole. La souche de rhizobium et la taille des nodosités sont différentes selon les espèces de légumineuses. La couleur rosée des nodosités, bien visible lorsqu’on les coupe en deux, est un signe de bon fonctionnement (présence de leghémoglobine). © A. Schneider

 

Tout part d’un dialogue moléculaire entre la plante hôte qui sécrète des flavonoïdes et des bactéries du sol, du genre Rhizobium (ou parfois Bradyrhizobium), dont les facteurs Nod sont reconnus par la plante, ce qui déclenche le processus d’infection et la formation de petites excroissances sur les racines : les nodosités (photo). Puis la symbiose se traduit par des bénéfices pour les deux partenaires avec des échanges réciproques de nutriments entre la plante et le rhizobium hébergé et transformé en bactéroïde dans la nodosité : la plante apporte sucres et énergie nécessaires à la synthèse des nodosités et à leur fonctionnement : en retour, le bactéroïde fournit à la plante l’azote minéral (NH4) produit par fixation de l’azote ambiant (N2) grâce à une enzyme spécifique (la nitrogénase).

La fixation symbiotique de N2 est un processus biologique, étroitement régulé par la plante en fonction de la teneur en azote minéral du sol. Le taux de fixation est la part d’azoté fixée par symbiose au sein du prélèvement total d’azote par la plante. En effet, la légumineuse utilise les deux voies de nutrition : l’absorption de l’azote minéral présent dans le sol (et la fixation symbiotique de l’azote de l’air (N2) présent dans le sol. Le taux de fixation est fortement réduit si la disponibilité en nitrate du sol est élevée. En effet, les légumineuses prélèvent en premier lieu l’azote minéral du sol disponible et la fixation symbiotique prend le relais quand l’azote minéral se raréfie. Les légumineuses ont donc une grande adaptabilité pour combiner les deux voies de nutrition selon les sources d’azote disponibles.

De cette fonction écologique unique, la fixation symbiotique, découle un service de support crucial : l’entrée d’azote renouvelable dans l’agrosystème !

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Figure 1 - La symbiose : des échanges réciproques de nutriments entre la plante et le rhizobium hébergé et transformé en bactéroïde dans le nodule.

Complémentarité des deux voies de nutrition azotée pour les légumineuses

La relation entre fixation symbiotique et disponibilité en azote minéral du sol est linéaire pour les légumineuses annuelles à graines et plus variable pour les légumineuses fourragères, en particulier lorsqu’elles sont cultivées en association, les espèces non fixatrices associées modifiant rapidement la teneur en azote minéral du sol. Dans le cas de la présence d’animaux en pâturage, les légumineuses prairiales ont un moindre taux d’azote fixé symbiotiquement du fait des déjections, en particulier urinaires, qui augmentent la disponibilité en azote minéral dans le milieu.

Le processus de fixation consomme de l’énergie : ainsi produire des protéines mobilise davantage de ressources énergétiques pour la plante que produire de l’amidon. Or le rendement en protéines du pois et d’autres légumineuses à graines est plus élevé que celui d’un blé ou d’autres céréales fertilisées. Ainsi, le potentiel de rendement en matière sèche atteignable par les légumineuses à graines est en théorie inférieur à celui des céréales. Il existe cependant une marge de progrès certaine pour augmenter conjointement les rendements et la teneur en protéines des protéagineux européens, car leur sélection variétale est plus récente que celle des céréales.

Un pilotage de la nutrition azotée des légumineuses à bichonner !

Par rapport à l’assimilation du nitrate, le processus de fixation biologique est plus sensible aux conditions rencontrées selon la combinaison du climat ou des pratiques agricoles. Les campagnes des 5 dernières années ont montré de façon frontale comment les cultures annuelles comme le pois et la féverole peuvent souffrir d’autant plus de coups de chaud ou de sec ou des excès d’eau.
Comment favoriser la bonne expression de cette fonction centrale pour les cultures de légumineuses à graines ?

Il est indispensable d’anticiper des risques de carences azotées en connaissance l’importance de l’implantation pour des nodosités fonctionnelles et en gérant la croissance de la plante avec des repères tangibles pour diagnostic correctement l’état de la culture (voir document en fin d'article).

France entière Légumineuses à graines Anne SCHNEIDER (a.schneider@terresinovia.fr)

Les légumineuses : comment bénéficier d’un bouquet de services en situations agricoles

Produire de l’azote au champ de façon tout simplement naturelle : voilà le secret des légumineuses grâce à leur capacité unique à utiliser l’azote de l’air afin de fabriquer leurs propres constituants protéiques ! En fixant l’azote gazeux (N2), source d’azote sans difficulté d’accès ou de limitation, la légumineuse assure une entrée de l’azote renouvelable dans le système de production.

Si la fixation symbiotique est l’atout premier de la riche palette des légumineuses, il n’est pas le seul. La fourniture d’azote est la constante au sein du bouquet de services rendus par la légumineuse à la succession culturale et par ricochet à la société. Ce bouquet de services recouvre des services d’approvisionnement, de supports et de régulations, dont on retire des bénéfices de deux grandes catégories :

  1. la contribution au système productif : le service de fourniture d’azote à l’agrosystème et de rupture de cycle de certains bioagresseurs permet d’augmenter les performances des cultures de la rotation, d’augmenter la production de protéines végétales, de réduire les intrants à l’échelle du système de production, de contribuer à la robustesse des systèmes de production dans le temps,
  2. la réduction de plusieurs impacts environnementaux : réduction des gaz à effet de serre (et donc contribution à l’atténuation du changement climatique), réduction des intrants industriels polluants et donc qualité des milieux (air et eau), contribution à la fertilité des sols, contribution à la biodiversité cultivée, à la fourniture de ressources pour les insectes ou de refuges et ressources pour la faune sauvage.

Au total, il s’agit d’une palette de services à faire exprimer au mieux en situations agricoles ! Les différents services écosystémiques rendus par ces systèmes à base de légumineuses doivent être instruits et reconnus pour que les agriculteurs mobilisant les légumineuses dans leurs systèmes apportent davantage à la société que seulement les matières premières récoltées.

En effet, les bénéfices agronomiques et environnementaux que la production agricole peut retirer des légumineuses sont des atouts indéniables pour répondre aux urgences d’une transition vers une agriculture plus durable et aux attentes sociétales de plus en plus prégnantes face au climat et à la biodiversité, face à la nutrition et la santé.

Produire de l’azote au champ par le processus naturel de la fixation symbiotique des légumineuses, un trésor à décupler en augmentant leur présence si mineure dans les systèmes des grandes cultures, et améliorer en même temps l’autonomie en protéines.

 

C’est pourquoi Terres Inovia travaille à inciter, co-construire ou accompagner des projets territoriaux visant à faire exprimer les services liés aux légumineuses annuelles au sein des systèmes et territoires de production de protéines végétales. Il s’agit de travailler collectivement à des démarches, des références et des outils pour animer, quantifier et inciter une valorisation socio-économique des pratiques et systèmes vertueux.

 

Pour plus d'informations :

Un ouvrage complet : « Les légumineuses pour des systèmes agricoles et alimentaires durables » Schneider et Huyghe, 2015 isbn :  978-2-7592-2334-3 Parution :  09/07/2015 Nb de pages :  512 Format : 16 x 24 Editeur :  Quae

Pour commander l'ouvrage : « Les légumineuses pour des systèmes agricoles et alimentaires durables »

[VIDEO]  Les légumineuses à graines : investir pour la succession culturale et pour le climat - PARTAGE

France entière Légumineuses à graines Anne SCHNEIDER (a.schneider@terresinovia.fr)