Arène Créative ClieNFarms : vers une agriculture bas-carbone dans le Grand Est
Trente acteurs du monde agricole du Grand Est se sont réunis à la Chambre d’Agriculture de l’Aube et de la Haute-Marne pour la seconde édition de l’Arène Créative ClieNFarms, le 11 septembre, à Troyes. Cet événement a permis de dresser un bilan des actions régionales à l’approche de la fin de ce projet européen.

Trois ans d’expérimentation sur des fermes pilotes
Huit exploitations agricoles pilotes ont été suivies pendant trois ans afin de tester différents leviers bas-carbone. Résultat : une réduction moyenne des émissions de GES de 0,4 teqCO2/ha/an.
La variabilité autour de cette moyenne, plutôt meilleure que les prévisions initiales, met en évidence la complexité des dynamiques en jeu. En effet, comme le rappelle Mathieu Dulot, ingénieur de développement à Terres Inovia, « les effets des leviers testés varient fortement selon les contextes pédoclimatiques et les typologies d’exploitations ». À cela s’ajoutent des facteurs extérieurs, notamment les aléas climatiques, qui influencent fortement les résultats. Le contexte économique peut également faciliter les changements de pratiques, notamment pour la fertilisation.
Les méthodes testées pour réduire l’empreinte carbone
Parmi les leviers éprouvés dans les exploitations pilotes, certains se démarquent par leur efficacité :
• La réduction des apports en azote minéral (effet sur les émissions) ;
• L’introduction de couverts d’interculture (effet sur le stockage de carbone) ;
• L’intégration de cultures de légumineuses ou de cultures à bas niveau intrants dans les rotations (effet sur les émissions).
Cependant, leur déploiement à grande échelle a soulevé des questions lors de l’Arène Créative :
• Existe-t-il des débouchés économiques suffisamment attractifs et pérennes permettant l’introduction de nouvelles cultures ?
• Quels impacts des autres productions sur les filières actuelles et sur les industries agroalimentaires locales ?
• Comment s’engager dans des modifications de pratiques et de rotations en maintenant la production et les revenus ?
Le constat partagé est clair : la réflexion à l’échelle du territoire est indispensable pour accompagner la transition bas-carbone.
L’exemple de la Scara : des primes pour accompagner les agriculteurs
La coopérative agricole Scara, première en France certifiée ISO 14067, a présenté son dispositif d’accompagnement. Grâce à cette certification, elle met en place des primes filières bas-carbone, permettant de soutenir financièrement les agriculteurs dans leurs changements de pratiques, tout en répondant aux attentes de ses clients industriels.
Adel Laoussadi, ingénieur agronome et chargé de mission environnement à la Scara, observe « une progression encourageante des volumes bas-carbone, en particulier sur l’orge brassicole et le blé ». Cette dynamique s’explique par l’efficacité des actions mises en place par la coopérative testées depuis plusieurs années. Egalement, l’expert note une demande accrue des clients engagés dans des trajectoires SBTi (Science-Based Targets Initiative). Ce standard fixé par l’association éponyme fixe, en effet, un objectif de réduction des émissions de 36 % entre 2020 et 2030 pour les céréales.
Pour atteindre ces objectifs, la coopérative déploie plusieurs leviers concrets :
• La réduction des apports d’azote d’origine minérale,
• L’adjuvantation des engrais azotés avec des inhibiteurs d’uréase et de nitrification,
• L’usage d’outils d’aide à la décision, notamment l’analyse de la sève xylémienne, qui permet d’affiner l’évaluation des besoins des cultures en éléments nutritifs, ensuite apportés par voie foliaire.
Transition bas-carbone du Grand Est : concilier économie et environnement
La journée a aussi été aussi l’occasion de mettre en avant une étude réalisée dans le cadre du projet ClieNFarms en 2025, dans laquelle différents leviers, testés dans les exploitations, ont été extrapolés à l’échelle de la diversité des territoires du Grand Est.
Elle a notamment mis en évidence le potentiel de l’agriculture du Grand Est à réduire ses émissions nettes de GES. Comme le précise Anne Schneider, chargée d’études de Terres Inovia, « le potentiel d’atténuation estimé à l’échelle Grand Est est plus élevé que celui des situations individuelles des fermes. Pour atteindre ce résultat, il faut miser sur des pratiques ambitieuses, adaptées aux réalités locales, et ne pas hésiter à repenser en profondeur les successions de cultures et leur conduite. »
Un accompagnement technique et financier des agriculteurs ainsi qu’une organisation collective sont à co-construire progressivement pour atteindre ce potentiel. Etienne Lapierre, responsable innovation de Terrasolis, rappelle, à travers l’étude prospective menée en 2024 par l’IDDRI sur le cas de la Champagne-Ardenne, la nécessité de rendre compatible la transition bas-carbone avec la réalité du tissu industriel et des emplois d’une région d’activité.
Ne manquez pas le colloque final de restitution de ClieNFarms
Après plus de quatre ans de travaux, ClieNFarms présentera ses principaux résultats, le 20 novembre à Bruxelles. Ce projet européen d’envergure, qui regroupe plus de 20 partenaires, visait à réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) du secteur agricole d’au moins 50% d’ici 2050. Ce colloque sera aussi l’occasion de favoriser les échanges sur l'avenir de l'agriculture durable en Europe. Informations et inscriptions |
Une consultation publique sur la méthode révisée du Bas-Carbone
Les pouvoirs publics ont lancé une consultation notamment sur la deuxième version de la méthode « Label Bas Carbone-Grandes cultures ». La validation de cette nouvelle version entrainera le remplacement de celle qui est actuellement en cours.
Le label « Bas Carbone-Grandes cultures » est la méthode approuvée par le Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire pour comptabiliser des réductions d’émissions nettes en grandes cultures et ainsi vendre des crédits carbones sur le marché volontaire. La contribution de Terres Inovia au Comité de rédaction de cette méthode est l’un des volets de l’implication de l’institut pour agir en faveur de l’atténuation du changement climatique.
Réduire les émissions de GES par les pratiques agricoles
Afin de pouvoir labéliser des projets Bas-Carbone et générer des réductions d’émissions vendables sur le marché, une méthode a été élaborée en 2021 pour les grandes cultures. Elle est applicable aux exploitations agricoles qui peuvent contribuer, par la mise en œuvre de pratiques agricoles idoines, à réduire les émissions de GES.
Une douzaine de leviers peuvent être mobilisés et combinés afin d’optimiser la réduction des émissions de GES, en lien avec la mobilisation des cultures fixatrices d’azote, la gestion de la fertilisation azotée, la réduction des consommations d’énergie fossile, le stockage de carbone dans le sol ainsi que des leviers sur l’aval de l’exploitation.
Méthode Bas-Carbone : le texte mis à jour
Depuis son approbation, la méthode « Grandes Cultures » a permis la réalisation d’un nombre croissant de projets (individuels ou collectifs) et concerne un total de presque 3 000 exploitations agricoles.
Sur la base des retours des usagers et des besoins de mise à jour des références mobilisées, le Comité de Rédaction, qui regroupe Arvalis, Terres Inovia, l’ITB, l’ARTB et Agrosolutions, a élaboré une deuxième version révisée de la méthode. Elle inclut désormais un cadre renforcé en matière d’éligibilité des projets, de leur instruction et de leur audit, tout en élargissant le périmètre des espèces éligibles en grandes cultures. Par ailleurs, de nouveaux leviers sont pris en compte comme l’implantation de miscanthus sur des parcelles assolées, ainsi que la production de cultures sources de matières premières riches en protéines.
Une consultation publique
Comme l’exige la loi, le ministère de l’aménagement et de la transition écologique a organisé une consultation publique jusqu’au 19 mai sur ce texte révisé de la méthode Bas-Carbone en grandes cultures. Il est possible d’apposer son commentaire sur le texte directement en ligne.
L’objectif est de faciliter le déploiement de la méthode sur le terrain, tout en conservant sa robustesse scientifique. Elle prend en compte les retours d’expérience des utilisateurs de la première version ainsi que les recommandations formulées par le ministère.
Accéder à la consultation publique
Consulter les annexes de la méthode
ClieNFarms : une journée d'échanges sur l'enjeu carbone
Le 13 juin, une quarantaine d’acteurs du monde agricole s’est réunie à la Chambre d’agriculture de l’Aube et de la Haute-Marne à Troyes pour échanger sur les enjeux carbone des grandes cultures et leur rôle dans l’atténuation du changement climatique. Baptisée "arène créative", cette journée a permis de faire un constat clair : un collectif inter-métier est indispensable pour avancer sur le sujet carbone.
Une collaboration nécessaire pour une agriculture bas carbone
Cette journée, organisée dans le cadre du projet européen ClieNFarms a permis de co-construire des solutions autour de quatre fermes pilotes du territoire Nord-Est. Les participants ont réfléchi collectivement aux leviers d’atténuation à mettre en place sur les exploitations. Les témoignages du Crédit Agricole, de Nestlé et des Eaux de Paris ont illustré leur engagement dans l’accompagnement de la transition agricole. Un jeu de rôle a permis de proposer des actions collectives adaptées à trois situations du territoire Nord-Est.
Des leviers en test dans les fermes pilotes
Dans les exploitations agricoles conventionnelles, les engrais minéraux azotés sont la principale source d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Les efforts se concentrent donc sur la réduction de leur utilisation et l’augmentation du recyclage de l’azote organique.
Plusieurs stratégies sont explorées : le pilotage et la réduction des fertilisants azotés industriels, l’introduction de cultures moins exigeantes en azote, l’utilisation de légumineuses fixant naturellement l’azote de l’air, l’amélioration de la fertilité du sol, et la modification des formes d’engrais utilisées pour une efficacité accrue. La compensation des émissions par le stockage du carbone dans les sols, bien que variable, représente une contribution positive. Cela inclut l’augmentation de la biomasse des couverts, la restitution des pailles après récolte, et l’implantation de haies ou d’arbres.
Combiner atténuation et résilience économique
L’intégration de la transition agricole dans un écosystème où les risques et les bénéfices sont partagés avec les acteurs de l’amont et de l’aval est cruciale. Les témoignages ont montré l’existence d’accompagnements pour aider les agriculteurs à mettre en place des pratiques bas carbone.
Cependant, la coordination des initiatives reste essentielle pour amplifier les impacts sur les territoires. Parmi les idées émergentes de l’arène créative : communiquer positivement sur l’intérêt de l’agriculture dans la captation du carbone, former les techniciens et agriculteurs aux pratiques bas carbone, massifier les offres de partage de risque et d’aide à l’investissement, simplifier et harmoniser les démarches de labellisation environnementale, et mettre en place des leviers limitant la distorsion de prix de la tCO2.
La journée s’est conclue par un moment convivial, permettant de mieux comprendre les enjeux carbone pour les exploitations viticoles de la région.
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