Interview : Serge Zaka, agroclimatologue, président d’AgroClimat2050

Ce scientifique est intervenu lors de la journée technique de Concerto le 24 novembre dernier. En quoi ce projet piloté par Terres Inovia a valeur d’exemple ? Interview. 

Serge Zaka, on vous définit comme un lanceur d’alerte, comment l’expliquer ?

Je suis un scientifique. Comme je travaille sur l’avenir, toujours de façon sourcée et chiffrée, je suis qualifié de lanceur d’alerte. Mais cette dénomination pourrait aussi être appliquée à un agriculteur qui innove et qui essaie d’avertir les autres producteurs sur la nécessité de développer la fertilité du sol, d’avoir une approche paysagère, de bien choisir ses variétés, de mettre en place une agriculture de conservation des sols pour adapter l’agriculture au changement climatique. 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux travaux de Concerto ? 
Je suis un scientifique de terrain et j’aime aller voir les terres agricoles. C’est bien plus impactant d’intervenir au cœur des campagnes au plus proche des problématiques des producteurs, que dans une salle parisienne de 1000 personnes. Derrière les territoires, il y a des projets tellement intéressants. 

En quoi les leviers mis en place par le projet Concerto vont dans le bon sens pour s’adapter au changement climatique ? 
En amont de cette conférence, j’ai beaucoup discuté avec les pilotes du projet de Terres Inovia sur les problématiques qu’ils travaillent: les ravageurs, les insectes auxiliaires, les paysages, les haies, les oiseaux… Ce qui est intéressant, c’est que ce projet travaille sur un écosystème. En mettant en place des solutions liées aux insectes auxiliaires et aux paysages, Concerto travaille aussi sur l’eau, l’évapotranspiration, le microclimat de la parcelle. Les solutions proposées par Concerto peuvent résoudre beaucoup de problèmes environnementaux, écosystémiques et climatiques. Ce sont des leviers qui permettent une vraie adaptation au changement climatique. 

 

Comment généraliser ces pratiques au-delà du groupe d’agriculteurs impliqué dans le projet ?
Certains agriculteurs seront davantage sensibilisés par le climat, d’autres sur l’écosystème ou le stockage du carbone… Or, les problèmes à résoudre, qu’ont les agriculteurs, chacun de leur côté, peuvent être résolus par un seul levier, qui peut solutionner plusieurs problèmes à la fois.  Par exemple, investir dans une haie joue à la fois sur l’eau, la biodiversité, la qualité du sol, les nappes phréatiques, les ravageurs. 

Ils peuvent alors servir d’exemple ? 
Oui, Concerto est un exemple de terrain sur un territoire complet. Souvent, les agriculteurs ne savent pas par où commencer. Ce qui est intéressant dans ce projet, c’est de savoir qu’il est possible d’actionner ces leviers à l’échelle d’un paysage, collectivement. Il peut alors être un exemple qui peut être transposé à d’autres territoires dans lesquels il est possible de concilier la rentabilité économique et la gestion vertueuse des paysages. 

Est-ce qu’il existe une agriculture idéale ?
Non, aucune forme d’agriculture ne peut répondre à la fois à des exigences liées à l’environnement, au climat, à la main d’œuvre, aux coûts, au rendement… Il y a tellement d’éléments à prendre en compte que l’objectif est juste de trouver le meilleur compromis. 

 

Qui est Serge Zaka ?

Serge Zaka est un ingénieur agronome, docteur en agroclimatologie et chasseur d'orages franco-libanais. Après ses études, il se fait connaître en tant que lanceur d'alerte sur les impacts du changement climatique sur la production agricole. Il tente de sensibiliser aux effets du changement climatique et de lutter contre les discours climatosceptiques.

Il est l’auteur d’une thèse sur l’impact de la température sur les espèces fourragères à partir d’expérimentations en chambres de culture et de modélisations et se spécialise dans l’impact des paramètres climatiques, notamment le stress thermique et hydrique. 

Très suivi sur les réseaux sociaux (son compte X totalise plus de 100 000 abonnés), il s’est fait connaître dans les milieux agricoles et politiques en alertant de l’impact du gel sur la production agricole. 

 

 

Retrouvez Serge Zaka en vidéo

 

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Adaptation au changement climatique : le point avec l’Académie de l’Agriculture

Comment rester compétitif dans le secteur des grandes cultures malgré le changement climatique ? Une conférence au Salon International de l’Agriculture a été organisée sur le stand de l’Acta par l’Académie de l’Agriculture. Xavier Pinochet, expert stratégique scientifique de Terres Inovia, et Philippe Gate, ex-directeur scientifique d’Arvalis, ont  fait le point sur les connaissances actuelles.

Les aléas et les excès climatiques peuvent affecter la compétitivité des cultures. « La variabilité des rendements est principalement une affaire de climat, avec de grandes proportions, par exemple pour le blé, selon le niveau de stress hydrique », confirme Xavier Pinochet. De même, le rendement peut varier selon les réserves utiles d’eau et la capacité d’irrigation des bassins de production.

Xavier Pinochet et Philippe Gate lors de la conférence sur l'adaptation au changement climatique, sur le stand de l'Acta, au Salon international de l'Agriculture.

Une combinaison de leviers à explorer

Lors de cette conférence, qui a détaillé les aspects variétaux et la physiologie des plantes, Xavier Pinochet et Philippe Gate ont mis en avant les différents leviers agronomiques pour s’adapter au changement climatique, et donc rester compétitif :  


•    L’amélioration génétique des variétés
•    Ajuster le choix des espèces d’hiver et de printemps selon les conditions pédoclimatiques
•    Un semis précoce
•    Une diversification des cultures
•    Une mise en place de couverts
•    Des associations d’espèces


Les nouvelles technologies, un support pour rester compétitif


Les outils de phénotypage modernes qui permettent des mesures plus fréquentes et précises, associés à des capacités de modélisation et aux outils moléculaires , offrent des gains d’efficacité dans la recherche  de meilleures résistances à la sécheresse. « Par exemple, sur la plateforme Heliaphen, à l’INRAE de Toulouse, un robot permet, pour le tournesol et le soja, aussi bien des travaux de recherche que de l’évaluation variétale  sur des critères nouveaux pour s’adapter au changement climatique ».

Variétés précoces et diversification des cultures parmi les solutions

Parmi les adaptions possibles, Xavier Pinochet mentionne également la précocité des variétés : « pour le soja, des variétés très précoces ont pu voir leur rendement et des teneurs en protéines s’améliorer, ce qui a permis de développer des surfaces dans l’Est de la France ».

La diversification des cultures est également un des leviers phares pour mieux s’adapter à ces aléas climatiques. « Certaines  légumineuses ont des marchés qui permettent une belle valorisation économique et compenser un rendement inférieur, c’est intéressant pour l’agriculteur ». Pour continuer à rester compétitif, la solution passe par une combinaison de leviers, génétiques et agronomiques, pour limiter la variabilité des rendements. « Nous devons concilier toutes ces solutions dans un cadre agroécologique », conclut Xavier Pinochet.

Pour visionner la conférence (à partir de 13’03)

acta arvalis changement climatique sia