Les oléoprotéagineux, des ressources incontournables pour les insectes auxiliaires
En milieu agricole, lorsqu’on parle de ressources alimentaires favorisant la biodiversité, on pense en premier lieu aux jachères et aux espaces semis naturels à proximité des champs comme les haies car ils représentent des habitats pérennes et des lieux d’expression de la flore spontanée dont se nourrissent de nombreuses espèces d’insectes auxiliaires. Pourtant, les grandes cultures et particulièrement les oléoprotéagineux comme le colza, le tournesol et la féverole étant donné les surfaces conséquentes qu’ils représentent en France (1 759 000 ha en 2021 pour les trois cultures citées) et l’abondance de nectar et de pollen qu’elles produisent à des périodes clés, représentent une manne pour de très nombreux insectes floricoles comme les abeilles et les diptères (syrphes notamment).
Or ces insectes sont utiles aux producteurs de grandes cultures car ils fournissent des services aux agriculteurs : la régulation biologique des ravageurs et la pollinisation des cultures.
Abeille sauvage visitant une fleur de colza. © Nicolas Cerrutti
Les services écosystémiques de régulation biologique des ravageurs et de pollinisation entomophile |
Colza, tournesol et féverole des ressources clés pour les abeilles
Avec une floraison abondante et continue pendant près d’un mois au printemps et en été, le colza et le tournesol représentent des cultures incontournables pour l’alimentation de l’abeille domestique et l’activité économique qu’elle supporte : l’apiculture. Le colza est en effet la première grande culture mellifère française en termes de surfaces : elle représente 10% de la production nationale de miel qui s’élève à 31 791 tonnes en 2020. Le tournesol quant à lui représente 9%. Le développement de ces deux cultures mellifères en France est directement lié à l’installation de nombreux apiculteurs en zone de grandes cultures et à l’essor d’un modèle d’apiculture professionnel proposant un miel bon marché destiné à l’industrie agroalimentaire.
Abeille domestique visitant un capitule de tournesol © Laurent Jung
Cependant, colza et tournesol ne se limitent pas à être un support pour la production de miel. Avec sa floraison abondante en début de saison et son pollen de qualité, le colza représente pour l’abeille mellifère un apport nutritionnel irremplaçable qui permet aux colonies de monter en puissance d’un point de vue démographique au printemps et d’améliorer ainsi leurs performances dans la suite de leur parcours de production (synthèse du projet BEETRIP).
Pour le tournesol, les apports alimentaires interviennent au cœur de l’été qui est également une période relativement pauvre en ressources florales disponibles pour les abeilles. Cette culture permet aux abeilles de constituer des réserves alimentaires en prévision de la période hivernale. La féverole est également une source importante de pollen en été, période relativement pauvre du point de vue de la diversité floristique.
Depuis 2021, Terres Inovia conduit une étude en partenariat avec le négoce Ternoveo visant à analyser le bol alimentaire de 20 colonies d’abeilles domestiques implantées de manière pérenne sur 10 exploitations de grandes cultures. Il a été observé que parmi l’ensemble des espèces sur lesquelles les abeilles ont collecté du pollen du 14 avril au 17 juin 2021, soit au total 31 espèces, le colza et la féverole sont les deux espèces qui ont le plus contribué à l’alimentation pollinique des colonies. Le colza à hauteur de 24% en masse du pollen collecté sur cette période et la féverole à hauteur de 34% !
Figure 1 : Alimentation pollinique des colonies d’abeilles en suivi.
Indications chiffrées : poids du pollen collecté en g du 14/04 au 17/06, toutes ruches confondues.
Ces cultures à floraison massives ne sont pas uniquement visitées par l’abeille mellifère même s’il s’agit généralement de l’insecte le plus abondamment rencontré dans les parcelles. En effet, lorsqu’une activité apicole est exercée à proximité de parcelles de colza et de tournesol, celles-ci sont immédiatement identifiées et exploitées par cette espèce « généraliste » adaptée à la collecte de ces ressources abondantes. Pourtant, le colza comme le tournesol sont également visités par certaines espèces de bourdons et notamment le bourdon terrestre, certaines espèces d’abeilles solitaires généralistes à langues longues ainsi que de nombreux diptères.
Le nectar extra-floral, un atout de la féverole
Tout comme les vesces, la féverole produit ce que l’on appelle du nectar extra-floral sécrété par des glandes nectarifères situées sur des parties végétatives que l’on appelle « stipules».
Détail d’une goutte de nectar extrafloral sécrété par la féverole. © Nicolas Cerrutti
Ces sécrétions sucrées permettent d’attirer des insectes auxiliaires qui n’ont pas une morphologie adaptée au prélèvement de nectar dans les corolles profondes comme les syrphes et les hyménoptères parasitoïdes et de favoriser leur activité dans la culture en leur fournissant une ressource accessible et sur une période plus large que la floraison.
La féverole est également une espèce très appréciée par les abeilles domestiques en raison de sa production de pollen en été, qui est une période où la flore est peu diversifiée.
Chanvre, une source de pollen exploitée par les abeilles
Le chanvre industriel est également une culture visitée par les abeilles domestiques, non pas pour la collecte de nectar puisqu’il n’en produit pas mais pour son pollen. Celui-ci peut constituer une ressource d’appoint en été, période parfois marquée par une disette alimentaire pour les abeilles dans les situations où le tournesol est absent des systèmes de culture.
Champs de chanvre industriel © Louis-Marie Allard
Le chanvre produit un pollen dispersé par le vent mais néanmoins attractif pour les abeilles qui peut constituer une part non négligeable du butin de l’abeille domestique. Des études conduites par l’INRAE du Magneraud de 2009 à 2012 utilisant le dispositif ECOBEE font état d’échantillons de pollen de trappes pouvant atteindre jusqu’à 15% de pollen de chanvre !
Enfin, de par son pouvoir couvrant très élevé, l’absence de traitement phytosanitaire dont la culture fait l’objet et aussi en raison du fait que la totalité des feuilles de la plante de chanvre retournent au sol, créant ainsi un mulch en cours de culture, le chanvre est une espèce favorable aux insectes prédateurs du sol et notamment les araignées et les carabidées.
Pour aller plus loin
Le Numéro d’OCL spécial abeilles et cultures oléoprotéagineuses
Le projet BEETRIP initié par l’ADARA qui étudie l’influence de différents parcours de production sur les performances des colonies d’abeilles domestiques et met en évidence l’apport majeur du colza dans la performance des colonies
Le projet initié en 2021 par Terres Inovia et le négoce Ternovéo qui étudie la diète de l’abeille domestique en environnement de grandes cultures et plus précisément le rôle du colza dans l’alimentation des abeilles, la production de miel et les performances des colonies
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Le tournesol, une ressource clé pour les insectes pollinisateurs
Les services écosystémiques de régulation biologique des ravageurs et de pollinisation entomophile
Favoriser les régulations biologiques pour réduire le recours aux insecticides
A l’heure actuelle, la chimie reste le principal moyen utilisé par les agriculteurs de grandes cultures pour réduire les pertes associées aux ravageurs. Peu coûteux, faciles à mettre en œuvre et ayant une action rapide et puissante, les insecticides permettent de sécuriser les productions en cas de fortes attaques d’insectes. Cependant, ce mode de gestion n’est pas dénué d’effets non-intentionnels, qui, s’ils sont pris en compte dans l’équation, réduisent le rapport bénéfice/coût lié à l’utilisation des insecticides : problématiques environnementales, impact sur la biodiversité, etc... Il existe aussi des situations où la protection chimique a une efficacité restreinte. C’est le cas par exemple des usages pour lesquels les ravageurs ont développé des résistances, comme l’altise d’hiver et le charançon du bourgeon terminal vis-à-vis des insecticides pyréthrinoïdes.
Consulter les cartes des résistances sur le territoire national
Pour ces raisons et en lien avec les attentes sociétales, les agriculteurs et leurs partenaires sont actuellement à la recherche de solutions pour développer des modèles de production moins dépendant des insecticides et qui s’appuient davantage sur des processus naturels. La lutte biologique par conservation est l’une des solutions actuellement explorée par Terres Inovia en territoire pilote. Elle consiste à créer un environnement de production mieux à même de satisfaire les besoins vitaux des principaux auxiliaires sur lesquels reposent la régulation des bioagresseurs. Voici quelques leviers d’actions qui peuvent être travaillés à l’échelle d’un territoire :
- favoriser la présence de ressources fleuries tout au long de l’année à proximité des parcelles agricoles
- favoriser la présence d’habitats pérennes et de refuges non perturbés par les activités humaines (haies, bandes enherbées/fleuries, jachères).
- favoriser la connectivité entre ces habitats pour permettre une meilleure circulation des espèces
- limiter les pratiques agricoles à risques pour les insectes auxiliaires et notamment les applications d’insecticides et le travail du sol et les effets non-intentionnels associés.
Ces leviers destinés à mobiliser les régulations biologiques peuvent être combinés à des leviers agronomiques destinés à renforcer la résilience des cultures vis-à-vis des attaques d’insectes pour constituer une stratégie agroécologique de gestion des ravageurs de culture. Cette stratégie déployée notamment par le groupe d’agriculteur du projet R2D2 ne vise pas à remplacer les insecticides par les insectes auxiliaires. Ceux-ci doivent plutôt être considérés comme des agents naturels efficaces permettant de réduire la fréquence et l’intensité des pullulations d’insectes dans la durée et non comme un moyen d’action curatif.
L’action des auxiliaires est souvent difficile à observer, ici un parasitoïde du genre Aphidius parasitant un puceron du pois. © Artzai Jauregui
Hubert compère, agriculteur dans l’Aisne n’utilise plus d’insecticides dans ces colzas depuis plus de 15 ans grâce à l’action des insectes auxiliaires, son retour d’expérience en image.
Etant donné la diversité d’organismes impliqués dans les processus de régulation biologiques et le manque de connaissance que nous avons à leur sujet il est très difficile de donner un chiffrage précis de la valeur économique de ce service qui s’exprime en centaines de milliards d’euros par an.
La régulation naturelle des ravageurs du colza
Les ravageurs ont le champ libre
L’évaluation du service par Terres Inovia
La pollinisation entomophile, un service essentiel pour la production agricole et pour le maintien de la biodiversité végétale.
Le service de pollinisation entomophile des plantes à fleurs, en plus de contribuer au maintien de la biodiversité végétale et de ce fait à l’alimentation de tous les insectes et animaux qui en dépendent, soutient également la production agricole. En effet, la pollinisation entomophile permet un accroissement des rendements en fruits et en graines de 75% des principales cultures cultivées pour la consommation humaine au niveau mondial et constitue parfois un facteur limitant de la qualité des productions comme par exemple en arboriculture fruitière, sur des productions comme la fraise et les petits fruits fortement dépendantes des insectes vecteurs de pollen. Cependant, toutes les cultures n’ont pas, comme la courge, le kiwi ou le melon, absolument besoin des insectes pollinisateurs pour produire. On estime à 25% les cultures qui s’en passent complètement. C’est le cas du blé, du maïs et du riz. Les grandes cultures mellifères comme le colza et le tournesol sont quant à elles dans une situation intermédiaire et leur niveau de dépendance est variable entre les variétés (il peut atteindre 30% en colza). La FAO (Food and Agriculture Organization) estime que parmi les 100 espèces végétales cultivées qui fournissent 90% des ressources alimentaires pour 146 pays, 71 sont pollinisées par les abeilles (principalement par des espèces sauvages). La valeur économique du service de pollinisation à l’échelle mondiale est estimée entre 45 et 100 milliards d’euros.
Le service de pollinisation repose principalement sur les abeilles, qu’elles soient sauvages ou domestiques car leur comportement de butinage (fidélité à une espèce florale), leur morphologie (présence de poils branchus sur le corps) en font des insectes particulièrement adaptés au transport du pollen. Dans une moindre mesure, les diptères et notamment les syrphes et les lépidoptères contribuent également à la fécondation des plantes à fleurs.
Abeille domestique couverte de pollen et participant à la pollinisation d’un capitule de tournesol
Favoriser les insectes auxiliaires sur l’exploitation agricole
La régulation biologique des ennemis des cultures et la pollinisation des plantes à fleurs sont deux processus indispensables à l’acte de production agricole. Ces services sont rendus naturellement par les insectes dit « auxiliaires ». On peut cependant renforcer ces services de deux manières :
En « gérant » directement les niveaux de population d’insectes auxiliaires par apport de colonies d’abeilles ou de bourdon à proximité des cultures à polliniser ou en lâchant massivement des auxiliaires entomophages (lutte biologique dite « par augmentation »), ex : trichogrammes contre la pyrale du maïs au champ ; prédateurs ou parasitoïdes sous serres).
En agissant sur les conditions de milieu pour les rendre plus favorables au développement des organismes qui sont naturellement présents dans l’environnement et donc déjà adaptés. Dans le cas de problématiques de gestion des ravageurs des cultures on parle de lutte biologique par conservation des habitats. Il s’agit d’une stratégie plus durable que les lâchers d’auxiliaires dans la mesure où elle vise à renforcer la résilience des systèmes et leur autonomie par rapport aux interventions humaines.
L’objectif de cet article est donner certaines clés de compréhension permettant de mettre en œuvre des actions concrètes destinées à favoriser la diversité des insectes auxiliaires présents sur l’exploitation agricole et de favoriser les services évoqués plus haut.
NB : Bien qu’il soit principalement question des insectes ennemis naturels des ravageurs et des insectes pollinisateurs dans cet article, il est à noter que d’autres catégories d’organismes comme certains oiseaux et petits mammifères assurant également des fonctions régulatrices dans les agrosystèmes peuvent aussi bénéficier des mesures proposées ici.
Evitons les fausses promesses ! Les stratégies de gestion agroécologiques des ravageurs des cultures sont mises en œuvre dans l’objectif de diminuer la dépendance des systèmes de culture aux produits phytosanitaires en réduisant la fréquence et l’intensité des pullulations d’insectes. Cependant, il faut comprendre que les régulations biologiques ne doivent pas être vues comme un substitut naturel à la chimie et on ne peut tout en attendre. Elles doivent être perçu comme un facteur de résilience à mobiliser dans le cadre d’une combinaison de leviers tels que le décalage des dates de semis, les associations d’espèces ou de variétés, les techniques push and pull (figure 1)… la liste des leviers mobilisables est longue !
Figure 1 : Exemple de stratégie de gestion agroécologique des ravageurs du colza déployée dans le cadre du projet R2D2.
Les leviers présentés dans cet article sont issus de la littérature scientifique, d’expérimentations conduites par Terres Inovia et ses partenaires en grandes cultures et des résultats obtenus en réseaux d’agriculteurs. Nous les testons et les déployons en conditions de production sur le territoire pilote du projet R2D2 pour les évaluer. Ceux relatifs aux régulations biologiques sont encore en cours d’étude. Cependant au vu des premiers résultats nous les considérons comme pertinent et prometteurs.
Diversifier les espèces cultivées et les habitats, de la parcelle agricole à l’échelle du paysage
Les services de pollinisation des cultures et de régulation biologique des bioagresseurs résultent d’interactions complexes entre différentes communautés d’insectes auxiliaires. Ces insectes ont des besoins très divers en fonction de leur écologie.
Les espèces de carabes spécialistes du milieu agricole s’accommodent très bien des conditions parfois extrêmes qui règnent dans les parcelles cultivées : sol nu une partie de l’année, températures et rayonnement parfois élevés, perturbations des horizons du sol en cas de labour, applications chimiques etc…
Pour d’autres organismes prédateurs comme les syrphes, les chrysopes, les coccinelles ou les parasitoïdes, les parcelles cultivées ne peuvent assurer à elles seules une fourniture de ressources alimentaires suffisantes (nectar , pollen, proies alternatives) ni des conditions de vies optimales à l’accomplissement de leur cycle de vie (ex : sites d’hivernation) hormis de manière temporaire.
Pour ces insectes auxiliaires, comme pour d’autres organismes utiles (passereaux, rapaces, hérissons…) les espaces non cultivés sont vitaux. Les milieux herbacés ouverts offrent des sources de nourriture, les haies et bosquets des habitats, sites de nidification et des aires de repos où ils trouvent de la fraicheur pendant les heures les plus chaudes de la journée. Ces espaces, souvent peu perturbés par l’Homme constituent des réservoirs de biodiversité utile à l’agriculteur dont l’activité va bénéficier aux productions agricoles situées à proximité.
Insectes auxiliaires volants. Haut : Mouche tachinaire, bas gauche : chrysope et droite : syrphe ceinturé. © Nicolas Cerrutti.
La diversité des espèces cultivées, leur répartition spatiale en lien avec les choix d’assolement, et la taille des parcelles, leur succession temporelle ainsi que la trame d’éléments naturels/ semi-naturels dans le paysage agricole sont des éléments qui déterminent sa complexité. Cette complexité, en offrant des conditions d’habitat et des ressources alimentaires variés favorise de manière générale la faune auxiliaire et les services associés.
De la diversité dans les parcelles. Les parcelles agricoles fournissent des ressources alimentaires pour les insectes auxiliaires. En effet, parmi les cultures de rente, certaines espèces comme le colza, le tournesol, la féverole, la luzerne et le sarrasin fleurissent massivement et apportent du nectar et du pollen en abondance et bénéficient aux abeilles sauvages et domestiques ainsi qu’à certaines espèces d’ennemis naturels des ravageurs dont les adultes sont floricoles comme les syrphes. L’interculture peut également contribuer à renforcer l’offre en nectar et en pollen sur l’automne si les espèces fleurissent précocement et sont semées suffisamment tôt après la moisson (cameline, sarrasin, féverole, moutardes, trèfles, phacélie).
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Couvert d’interculture à base de phacélie, plante mellifère par excellence
De la diversité aux abords des parcelles. Les banquettes herbacées, haies, talus, lisières de bois, jachères, bandes fleuries etc., sont également des espaces où la végétation spontanée ou semée peut venir à fleurs et contribuer ainsi à l’alimentation des insectes auxiliaires. Parmi les plantes attractives pour les auxiliaires volants, les espèces à corolles ouvertes comme l’achillée millefeuille, la carotte sauvage, les centaurées, etc…, tiennent une place de choix. En effet, leur morphologie donne facilement accès au nectar et au pollen aux insectes auxiliaires à langues courtes comme les syrphes et les parasitoïdes.
NB : Pour bénéficier de la présence de fleurs à proximité des parcelles, le semis de bandes fleuries est une option mais pas une nécessité. Il est possible, sous réserve de les gérer convenablement, de laisser des espaces où la végétation peut s’installer naturellement de manière pérenne sans pour autant envahir les parcelles cultivées. En effet, les graminées concurrentielles comme le vulpin sont des espèces qui sont favorisées par la richesse en azote du milieu et la sélection de la flore due aux passages d’herbicides anti-dicotylédones. Cependant, lorsque le milieu s’appauvrit en azote par exemple à la suite de fauches répétées avec exportation de matière et sans l’application d’herbicides, les dicotylédones d’intérêt pour les insectes auxiliaires finissent par s’installer.
Les bordures extérieures de champs et de chemins ne sont donc pas uniquement des réservoirs d’adventices, et elles peuvent contenir des espèces fleuries intéressantes pour la faune auxiliaire qui ne présentent pas de risque de dissémination dans les parcelles adjacentes. Afin de s’en assurer, l’association “Hommes et Territoire” propose de réaliser un diagnostic appelé “écobordure”. Ce diagnostic débouche sur des préconisations opérationnelles destinées à favoriser les espèces d’intérêt en bordure de champs sans risques pour l’agriculteur.
Des habitats diversifiés et interconnectés à l’échelle du paysage agricole. Sur un territoire, la mosaïque d’habitats créée par l’alternance des cultures et les milieux non cultivés génère des paysages plus ou moins complexes dont les différentes composantes présentent différents degrés de connectivité. Les habitats pérennes non cultivés comme les haies constituent des réservoirs d’auxiliaires et des « corridors écologiques » empruntés par la faune auxiliaire avant qu’elle ne se déploie dans les parcelles agricoles. La diversité de ces habitats et leur connectivité sont deux éléments favorables à la biodiversité fonctionnelle et aux services associés. De manière générale, le service de régulation biologique décroit rapidement avec la distance aux aménagements (haies, bandes fleuries), il est donc important que le maillage de ces espaces sur un territoire agricole soit élevé.
Bande fleurie multi-espèces mise en place dans le cadre du projet territorial R2D2 © Michael Geloen
Reconcevoir son paysage grâce à des démarches territoriales multi-acteurs pour des systèmes plus résilients.
Les insectes ravageurs comme les auxiliaires se déplacent bien au-delà des limites des parcelles agricoles et utilisent également les espaces non cultivés. Il est donc plus facile d’appréhender leur gestion agroécologique à l’échelle d’un territoire comme cela est pratiqué dans le cas de problématiques de gestion de la qualité de l’eau.
En travaillant avec un collectif d’agriculteurs, des partenaires techniques agricoles et éventuellement d’autres acteurs ayant une emprise foncière sur un territoire (sociétés d’éoliennes, gestionnaires d’infrastructures routières, fédérations des chasseurs…) il est possible de mettre en place des actions pertinentes, concertées avec un fort effet de levier. En voici quelques-unes que Terres Inovia évalue dans le cadre des projets R2D2 (cf. encadré) et Adaptacol2 (plan de sortie du Phosmet) :
- R2D2
- Adaptacol²
- Mise en place et gestion concertée de bandes fleuries multi-espèces
- Replantation et régénération naturelle de haies
- Mise en œuvre d’intercultures « pièges à altises » à bases de crucifères attractives
- Positionnement stratégique et concerté des différentes cultures sur le territoire pour limiter les déplacements des ravageurs et favoriser d’une année sur l’autre la colonisation des parcelles par les insectes auxiliaires.
Sensibilisation des agriculteurs impliqués dans le projet R2D2 au rôle des espaces semi-naturels pour favoriser les insectes auxiliaires des cultures, © Michael Geloen
Adapter ses pratiques pour réduire l’impact sur la faune auxiliaire
Les pratiques agricoles et particulièrement le travail du sol et les traitements insecticides peuvent avoir des effets préjudiciables au développement et à la survie des insectes auxiliaires. Les approches explorées par Terres Inovia, ne visent pas à proscrire mais plutôt à limiter ces pratiques et de ce fait les effets non-intentionnels qu’elles génèrent, en faisant prendre conscience aux agriculteurs des processus naturels qui peuvent être impactés.
Le travail du sol
Le travail du sol et principalement le labour modifie la stratification naturelle du sol et contribue à modifier la composition des communautés d’organismes qui y vivent. Généralement, chez les communautés de carabes, on observe une diminution du nombre d’espèces, par forcément du nombre d’individus total (figure 2).
Figure 2 – Région Picardie : impact du type de travail du sol sur : l’abondance intra-parcellaire (gauche) et la richesse spécifique intra-parcellaire (droite)
L : labour ; LTS : labour + travail superficiel ; NL : non labour ; TS : travail superficiel.
Source : CASDAR Entomophage piloté par Arvalis
Le travail du sol impacte davantage les formes larvaires et nymphales d’insectes qui se trouvent alors vulnérables du fait de leur faible mobilité.
Parmi les abeilles sauvages (environ 950 espèces en France), 80% environ sont terricoles c’est-à-dire qu’elles nichent dans le sol y compris à l’intérieur des parcelles agricoles. Le travail du sol leur est particulièrement préjudiciable car il détruit leurs sites de nidification.
De la même façon, les hyménoptères parasitoïdes ennemis naturels de ravageurs du colza (il en existe une dizaine d’espèces d’intérêt) sont impactés négativement par le travail du sol réalisé après la culture du colza. Ils hivernent sous forme nymphale dans les premiers centimètres du sol et par conséquent, les passages d’outils, même superficiels réduisent l’émergence des adultes en détruisant les cocons (figure 3).
Figure 3 : Densité de parasitoïdes émergeant après hivernation (d’après Nilsson, 1985).
Les traitements insecticides
Les insectes auxiliaires peuvent être exposés à des matières actives appartenant à différentes familles chimiques et appliquées sur l’ensemble du système de culture. Chez l’abeille domestique, cette exposition est bien connue et étudiée, notamment au travers de l’analyse des résidus dans les différentes matrices apicoles (nectar, pollen, cire…).
Etant donné le nombre de matières actives mises en marché et la diversité des insectes fréquentant les parcelles agricoles et leurs abords, il n’est guère possible de faire de généralités quant à l’impact des insecticides sur la faune auxiliaire. En effet, les informations disponibles au travers de la littérature scientifique recensées dans la base de données ephy EcoACS du ministère de l’Agriculture montrent que les différentes familles d’insectes utiles ne présentent pas la même sensibilité vis-à-vis des matières actives utilisées, ces différences pouvant même être observées au sein d’une même famille.
D’une manière générale, les insectes auxiliaires volants comme les abeilles sauvages et domestiques, les syrphes, les névroptères et les diptères et hyménoptères parasitoïdes y sont particulièrement sensibles. C’est le profil toxicologique de la molécule et le niveau d’exposition qui déterminent le danger.
La toxicité
En fonction de la dose appliquée et de la toxicité intrinsèque des matières actives, l’exposition des insectes peut entrainer leur mort, on parle d’effet létaux ou bien porter atteinte aux fonctions vitales sans entrainer la mort : on parlera dans ce cas d’effets sublétaux. Les effets sublétaux, bien documentés chez l’abeille domestique peuvent concerner les capacités de vol et d’orientation, la motricité, l’apprentissage olfactif… Ils peuvent entrainer de fait des affaiblissements ou des modifications comportementales susceptibles de nuire à l’intégrité des individus, de réduire leurs aptitudes et même, dans le cas des insectes sociaux d’avoir des répercussions sur les congénères.
L’exposition
L’exposition traduit la « rencontre » entre l’insecte et la matière active. Celle-ci peut avoir lieu de plusieurs façons :
- Pendant le butinage de fleurs ayant reçu un traitement ou concentré des résidus dans le nectar et le pollen
- En décalé lors de la consommation ultérieure de ressources par les adultes ou les larves
- Lors de la consommation d’eau dans une flaque contenant des résidus ou encore plus rarement directement pendant la pulvérisation.
Souvent, les insectes auxiliaires et notamment les abeilles qui se trouvent en contact avec de nombreuses matrices (pollen, nectar, eau…) sont exposées à des cocktails de résidus. Certaines combinaisons comme l’association insecticides pyréthrinoïdes et fongicides triazoles ont démontré des actions synergiques particulièrement meurtrières pour les abeilles. C’est pour cette raison que ces mélanges sont interdits par la loi. Cependant, investiguer la toxicité de l’ensemble des combinaisons de produits auxquels les insectes peuvent être exposés est aujourd’hui un challenge pour la recherche.
Cela conduit les pouvoirs publics à mettre en œuvre des solutions pour réduire au maximum l’exposition des insectes pollinisateurs aux produits de traitement en révisant notamment l’arrêté de 2003 qui encadrait jusqu’à récemment les applications d’insecticides pour la protection des abeilles.
Lire l'article sur la réglementation abeille
En savoir plus, favoriser l’action des micro-guêpes parasitoïdes
Comment favoriser l'action des micro-guêpes parasitoïdes
https://youtu.be/U67EQdvD-XQ
https://youtu.be/essingaEHfQ
https://youtu.be/VtBKSpZVzBs
Biodiversité fonctionnelle : Un atout pour les producteurs de grandes cultures
Qu’elle soit sauvage ou cultivée, végétale ou animale, commune ou patrimoniale, la biodiversité en milieu agricole est encore souvent perçue comme une source de nuisances. Tandis que les adventices, les insectes ravageurs et les maladies pénalisent les rendements, une importante diversité d’organismes utiles supportent des fonctions essentielles à l’acte de production et aux grands équilibres écologiques de la planète : la pollinisation des cultures entomophiles, la régulation biologique des bioagresseurs, l’entretien de la fertilité des sols, le recyclage des matières organiques notamment. Ces organismes utiles sont appelés auxiliaires de cultures.
Une diversité de solutions pour s’adapter au changement
Changement climatique, augmentation des pressions de bioagresseurs et réduction des possibilités de recours à la chimie, phénomènes de résistance aux insecticides, sont autant de contraintes qui demandent aux agriculteurs d’importantes capacités d’adaptation et notamment de reconcevoir en profondeur leurs systèmes. Il s’agit de rester compétitif tout en réduisant l’empreinte environnementale de leurs activités. Dans ce contexte en mutation, nombreux sont les organismes vivants qui peuvent soutenir les efforts de l’agriculteur dans le processus de transition agricole et notamment la réduction des insecticides. Pour cela, il est nécessaire de mieux les prendre en compte dans les façons de produire et aussi dans la manière de gérer l’environnement extra-parcellaire.
Figure 1 : Aphidius sp parasitant un puceron, à l’aide de son ovipositeur, il introduit un œuf dans le puceron vivant. © Artzai Jauregui.
Ainsi, la biodiversité dite « fonctionnelle », celle qui rend des services aux producteurs est un patrimoine sur lequel l’agriculture devra s’appuyer davantage si elle veut relever les grands défis auxquels elle est confrontée.
Témoignage d’Hubert Compère, agriculteur dans l’Aisne qui n’applique plus d’insecticides sur ses colzas depuis plus de 15 ans grâce à la mise en œuvre de leviers agronomiques combinées à l’action des insectes auxiliaires qu’il favorise sur sa ferme.
Régulations biologiques des bioagresseurs, sources de résilience
Dans les parcelles agricoles en production et à leurs abords, dans les jachères et les prairies, différents organismes vivants coexistent, s’alimentent et se reproduisent et ce faisant rendent des services aux agriculteurs, et notamment le contrôle biologique des bioagresseurs. Ces organismes sont très divers, ont des morphologies, des écologies, des degrés de spécialisation alimentaire contrastés. Le contrôle biologique est les résultats de leurs comportements individuels et de leurs interactions.
Leur action peut être rapide et visible immédiatement, comme celle des larves de syrphe qui consomme des colonies de pucerons ou bien décalée dans le temps dans le cas du parasitisme d’une larve d’altise par un hyménoptère parasitoïde. Il s’agit d’un facteur essentiel à la production agricole et par conséquent de l’alimentation humaine et animale ainsi que l’équilibre des écosystèmes de la planète.
S’agissant d’un sujet vaste et complexe à traiter, nous l’illustrerons autant que possible avec ce qui se passe sur la culture du colza, une culture qui présente un enjeu « insectes » fort.
Les insectes auxiliaires ennemis naturels des ravageurs
Les prédateurs du sol : Parmi eux, on dénombre les carabes, staphylins et araignées. Très voraces, ils consomment des proies comme des limaces et pucerons au grès de leurs déplacements, de manière opportuniste ou en chassant à l’affut. Ils se nourrissent des organismes qu’ils rencontrent quels que soient leurs stades de développement : œufs, larves ou adultes et ont une action très significative dans les parcelles agricole.
Figure 2 : 3 espèces de carabes très fréquentes en parcelles agricoles, de gauche à droite : Nebria salina, Anchomenus dorsalis et Poecilus cupreus. © Ravene Brousse
En milieu agricole, les carabes sont très répandus. Certaines espèces sont particulièrement adaptées aux conditions de milieu qui règnent dans les parcelles : périodes de sols nus, travaux du sol fréquents… A titre d’exemple, nous présentons ci-dessous les résultats d’un diagnostic éco-entomologique conduit sur le territoire pilote du projet R2D2 en 2020 qui a recensé tout au long de l’année les carabes piégés de manière passive via l’utilisation de pots Barbers positionnés dans des parcelles de colza, pois, luzerne, céréales, tournesol. Dans le courant de cette année, ce sont 2145 spécimens et 40 espèces qui ont été piégées (figure 3).
Figure 3 : Distribution des carabiques adultes capturés en 2020 sur le territoire du projet R2D2.
Espèces dominantes >5% ; subdominantes : 1 à 5 % ; compagnes : <1%. Source : Laboratoire d’Eco-entomologie d’Orléans.
Plus les communautés de carabes sont diversifiées, plus le milieu est proche de son état « naturel », les perturbations humaines comme le labour favorisant quelques espèces dominantes dont les cycles de vie sont adaptés aux parcelles cultivées.
Les auxiliaires volants : Ceux qui participent activement à la régulation des ravageurs en milieu agricole sont principalement les syrphes, les sphégiens, les coccinelles, les névroptères, les diptères et hyménoptères parasitoïdes. Plus mobiles que les prédateurs du sol, certains peuvent se déplacer à plusieurs centaines de mètres. Ils naviguent au grès de leurs besoins et de leur cycle de développement entre les parcelles agricoles et les milieux adjacents où ils trouvent des refuges et des ressources alimentaires. Un grand nombre d’espèce d’auxiliaires volants sont floricoles au stade adulte, c’est-à-dire qu’ils consomment du nectar et du pollen et leurs larves sont souvent des prédatrices redoutables. Les habitats semi-naturels sont indispensables à ces insectes en leur offrant des abris et des ressources alimentaires au cours des différentes étapes de leur cycle de vie.
| Mouche tachinaire (diptère parasitoïde) © Nicolas Cerrutti |
Syrphes adultes. © Nicolas Cerrutti |
Focus sur les hyménoptères parasitoïdes des ravageurs du colza
Le colza est une espèce particulièrement sujette aux dégâts d’insectes et notamment de coléoptères (altises, charançons, méligèthes…). Leurs principaux ennemis naturels sont de minuscules guêpes que l’on nomme hyménoptères parasitoïdes (figure 4).
Figure 4 : efficacité potentielle des insectes auxiliaires pour la régulation des ravageurs du colza (Source : Les auxiliaires des cultures, ACTA éditions).
Une dizaine d’espèces principales visitent les parcelles de colza et en accomplissant leur cycle de vie contribuent à réduire significativement les pressions de coléoptères lorsque leurs conditions d’habitat et les pratiques agricoles sont compatibles avec leur développement. On peut les observer en train de voler autour des plantes dès fin janvier / début février par temps ensoleillé pendant les heures les plus chaudes de la journée ou bien les piéger dans les cuvettes jaunes ou encore en passant un filet fauchoir.
Ces espèces sont utiles dans la mesure où avec les prédateurs du sol qui consomment les larves de coléoptères qui se déplacent sur le sol, ils constituent l’un des principaux remparts « naturels » contre les pullulations de coléoptères ravageurs du colza qui sont souvent fortement préjudiciables au développement de cette culture.
L’action régulatrice qu’ils exercent s’effectue plutôt sur le long terme car la plupart des espèces de parasitoïdes s’attaquent aux larves de coléoptères qui continuent leur développement dans les plantes jusqu’à ce qu’elles tombent au sol pour se nymphoser. Elles sont alors consommées par le parasitoïdes. Parmi les hyménoptères parasitoïdes, certaines espèces s’attaquent aussi aux pucerons, laissant en évidence les fameuses « momies » témoins de leur action régulatrice.
Pour bénéficier de leurs services, il faut avant tout bien connaitre leur mode de vie et leurs besoins pour donner aux agriculteurs les moyens de mieux les prendre en compte dans leurs pratiques. Pour ce faire, Terres Inovia effectue des suivis sur le territoire pilote du projet R2D2 situé sur les plateaux de Bourgogne. Des piégeages et relevés sont effectués depuis 2019 pour étudier les périodes d’émergence des parcelles de céréales suivant le colza, et également les périodes d’activité dans les parcelles de colza en différenciant les espèces présentes et leurs hôtes de prédilection. Des calendriers de présence sont établis dans cet objectif (figure 5). Le laboratoire de Terres Inovia développe depuis plusieurs années des techniques de pointe en biologie moléculaire (COLEOTOOL).
Les traitements de printemps contre les charançons de la tige du colza, les méligèthes et les charançons des siliques sont particulièrement à risque (cf. calendrier).
Figure 5 : Calendrier de présence des principales espèces de parasitoïdes d’intérêt pour la régulation des coléoptères ravageurs du colza.
| Hyménoptères parasitoïdes de méligèthes du genre Tersilochus. © Hubert Compère. | Hyménoptère parasitoïde du genre Aphydius parasitant un puceron vert du pois. © Artzai Jauregui. |
Généralistes, spécialistes ; prédateurs de foyers ou prospecteurs…
Les régulations biologiques qui s’opèrent à l’intérieur des parcelles agricoles et à leurs abords sont le fruit de comportements individuels de prédation et de parasitisme et également d’interactions : compétition pour la ressource, antagonismes… L’action conjointe de différents organismes conduit parfois à des synergies : exemples des araignées qui en chassant leurs proies sur les plantes font que celles-ci tombent au sol ce qui facilite leur prédation par des carabes. De manière générale, plus les communautés d’insectes sont diversifiées, plus les régulations sont efficaces et moins elles sont sujettes aux variations liées aux conditions annuelles notamment les aléas climatiques.
Les insectes auxiliaires ennemis naturels des ravageurs ont des stratégies alimentaires différentes. On peut ainsi les classer selon ce critère. Les espèces généralistes consomment une large gamme de proies, c’est le cas des carabes et des araignées. D’autres sont plus spécialisées et dépendent d’une ou de quelques espèces de ravageurs. Les comportements alimentaires d’une espèce ne sont pas figés, ils peuvent varier en fonction des années et en fonction des environnements. En effet, certains organismes ont la possibilité en cas de pénurie d’une espèce de proie de se rabattre sur d’autres. Cet exemple est bien illustré en figure 6 qui traite du parasitisme des pucerons par plusieurs espèces de parasitoïdes. On y remarque que d’une part, en fonction des années et des sites, la diversité des parasitoïdes et de leurs « hôtes » peuvent être totalement différente, ce qui conditionnent fortement les comportements de parasitisme. Les régulations biologiques sont donc la conséquence de mécanismes complexes dont les équilibres peuvent rapidement être modifiés que ce soit suite à l’action de certaines activités humaines ou simplement le fait d’évènement naturels (sécheresse, etc…).
Figures 6 : Interactions trophiques entre diverses espèces de parasitoïdes pour l’exploitation de la ressource « pucerons » dans différents environnements entre 2010 et 2012 (Andrade et al., 2015).
D’autres éléments de stratégies alimentaires permettent de classer ces insectes. Les coccinelles et larves de syrphes sont des prédateurs dits « de foyer », c’est-à-dire que les adultes recherchent activement de fortes densités de proies afin d’y pondre leurs œufs et permettre ainsi à leurs progénitures d’accomplir leur cycle larvaire au sein de colonies de ravageurs, là où les ressources sont abondantes. A l’inverse, les carabes, staphylins et araignées sont opportunistes et ont des comportements de prospection plus marqués (figure 7). Les prospecteurs ont une action de fond qui permet de réduire la fréquence des pullulations de ravageurs tandis que les prédateurs de foyer en font baisser l’intensité. Ces derniers arrivent donc tardivement, lorsque les explosions démographiques de ravageurs sont déjà en cours. Ainsi, il faut souligner que ces deux catégories d’auxiliaire ont une action complémentaire vis-à-vis des populations de ravageur.
Autres auxiliaires des cultures
Les oiseaux : Les insectes ne sont pas les seuls organismes capables de réguler les ravageurs de culture. Certains passereaux comme la fauvette, le chardonneret, la mésange, les rapaces diurnes comme les faucons ou nocturnes comme les chouettes participent activement à la régulation des bioagresseurs dans les parcelles agricoles et à leurs abords. Par exemple, un couple de mésanges bleues et leurs petits consomment quotidiennement environ 500 proies, ce qui représente, à la fin de l’année, 10 000 insectes dévorés ! A la base de leur régime alimentaire : coléoptères, chenilles, lépidoptères, pucerons, punaises, larves et œufs.
Mésange bleue
Les mammifères : Chauves-souris, renards, belettes, hérissons, sont des également des auxiliaires de cultures. Les chauves-souris par exemple sont des chasseuses hors-pairs. Chaque nuit elles débarrassent les vergers de plusieurs centaines d’insectes et représentent de ce fait des auxiliaires des cultures qu’il faut favoriser.
Les insectes pollinisateurs : Quand on parle d’insectes pollinisateurs, on pense en premier lieu à l’abeille domestique. Elevée pour la production de miel et des produits de la ruche, cette espèce emblématique supporte une activité économique : l’apiculture. Pourtant, parmi les abeilles, il existe une étonnante diversité : on en dénombre environ 980 espèces en France métropolitaine. Ces espèces sauvages présentent des formes, des comportements et des couleurs variées et vivent discrètement, principalement de manière solitaires (90% des abeilles). Elles nichent pour la plupart dans le sol (70% des abeilles sauvages sont terricoles, c’est-à-dire qu’elles nichent dans le sol, y compris celui des parcelles agricoles). Concernant l’alimentation, les abeilles sauvages sont globalement moins « généralistes » que les abeilles domestiques, on les qualifie de polylectiques, oligolectiques ou monolectiques en fonction du nombre d’espèces végétales sur lesquelles elles vont s’alimenter, c’est-à-dire de leur niveau de spécialisation. A titre d’exemple, la collète du lierre, Colletes hederae est une abeille dont le cycle de développement est entièrement calé sur celui du lierre car c’est sa seule source de nourriture !
Abeille domestique sur tournesol. © Laurent Jung
Les abeilles ont en commun de visiter les fleurs en quête de nourriture et ce faisant de participer au transport du pollen des étamines vers les stigmates contribuant ainsi à la production grainières des plantes à fleurs. Leur comportement de butinage et les poils branchus qui recouvrent leur corps en font des insectes particulièrement adaptés à la collecte et au transport du pollen. Ce sont principalement les abeilles qui assurent le service de pollinisation. Cependant, ce service repose également sur d’autres ordres d’insectes et notamment les diptères dont les syrphes et dans une moindre mesure les lépidoptères et coléoptères. A l’échelle mondiale, on estime à 87.5% le pourcentage de plantes à fleurs qui sont pollinisées par les animaux.