Le dispositif inter-instituts étudie les pratiques mises en œuvre en l’absence de glyphosate et leurs conséquences sur la maîtrise des adventices et sur l’implantation des cultures. Quatre sites servent de support à l’analyse sur le terrain.
Plateforme Syppre Picardie.
Crédit : L. Jung, Terres Inovia.
Les plateformes expérimentales Syppre, action inter-instituts pilotée par Terres Inovia, Arvalis et l’ITB, testent depuis 2016 des systèmes innovants conçus pour répondre à des objectifs de multi-performance : maintien voire amélioration de la marge et de la productivité, réduction de la dépendance aux intrants (azote, produits phytosanitaires), diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) et augmentation des taux de matière organique dans les sols.
Ils sont comparés à un système témoin dont les rotations sont représentatives des systèmes locaux et pilotés de façon optimisée selon le conseil des instituts techniques. En 2019, les essais ont intégré un objectif supplémentaire : n’utiliser le glyphosate qu’en dernier recours et mobiliser d’autres leviers pour gérer les adventices et la destruction des couverts en interculture.
Une analyse au long cours
Une étude des pratiques mises en œuvre en l’absence de glyphosate et leurs conséquences sur la maîtrise des adventices, notamment graminées, et sur l’implantation des cultures a été réalisée à l’échelle du système de culture et de l’interculture. Cette dernière porte sur 4 des 5 plateformes et compare les campagnes 2016 à 2018 (avec intégration possible du glyphosate dans les stratégies) et les campagnes 2019 à 2021 (avec utilisation en dernier recours si impasse).
Les plateformes étudiées se trouvent dans les contextes suivants : coteau argilo-calcaire dans le Lauragais (principale flore problématique : ray-grass), sols argilo-calcaires avec zones argileuses et sableuses dans le Berry (principale flore problématique : vulpin), limons profonds en Picardie (principale flore problématique : dicotylédones de printemps) et terres de craie en Champagne (principale flore problématique : dicotylédones de printemps). Dans ces cas concrets, sont identifiées et confirmées des stratégies de gestion qui ont permis de se passer du glyphosate sans conséquences dommageables et des situations d’impasse qui persistent malgré la combinaison des leviers de contrôle des adventices.
Des scénarios divers selon le type d’interculture
En regroupant les intercultures par catégorie, certaines tendances se dégagent à l’échelle des quatre plateformes étudiées.
1. Dans les intercultures longues (de type blé-tournesol ou blé-maïs) mobilisant des couverts, les situations de réussite sans glyphosate sont celles soit avec labour (en entrée d’hiver pour les sols argileux), soit avec travail du sol superficiel lorsque le printemps est plutôt sec. Sinon, l’efficacité de destruction des adventices – en particulier les graminées hivernales – avant semis est plus aléatoire voire difficile et décevante, et ce particulièrement en sol argileux.
2. Dans les intercultures avant culture industrielle comme la betterave ou le pois de conserve (plateformes Picardie et Champagne sur sol non argileux plus facile à travailler), les situations labourées sont également satisfaisantes, et sinon un travail du sol en sortie d’hiver pas trop précoce (donc potentiellement en conditions moins humides) est satisfaisant.
3. Dans les intercultures avant cultures semées tôt comme l’orge de printemps, le pois de printemps, le pois chiche ou la lentille, l’absence de glyphosate donne des résultats corrects dans les situations labourées ou lorsqu’il a été possible d’intervenir en sortie d’hiver dans des bonnes conditions (sol ressuyé et par temps séchant) ou dans les situations de sols non argileux (exemple de la Champagne). Dans les autres cas, le travail du sol en sortie hiver a une efficacité compromise en particulier sur flore de graminées car elles se repiquent plus facilement ou continuent à lever en période humide ; de plus, en sol argileux, ces travaux peuvent dégrader la structure du sol et donc l’implantation de la culture suivante.
Levées de vulpins sur la plateforme du Berry.
Crédit : M. Loos, Terres Inovia.
4. Dans les intercultures courtes, après une culture récoltée en juillet et avant une culture d’automne comme les céréales ou le pois d’hiver, certaines fenêtres d’intervention sont correctes pour travailler le sol superficiellement de manière efficace, sauf si un couvert est mis en place jusqu’au 15 octobre environ. En effet, dans cette situation, la mise en place d’un couvert réduit les fenêtres d’intervention par temps séchant ; cela peut être très contraignant ensuite pour gérer les graminées à l’automne par temps plus humide et en particulier en sol argileux. Même en l’absence de couvert, l’efficacité du travail du sol peut être aléatoire selon les conditions pédoclimatiques, car le repiquage ou les nouvelles levées des graminées sont possibles, et en sol argileux il faut préserver une structure convenable pour la culture suivante.
5. Dans les intercultures avant colza, il y a généralement peu d’adventices à gérer (période sèche) mais si ce n’est pas le cas, le travail du sol pour semer sur un sol propre en l’absence de glyphosate risque d’assécher le lit de semences. En effet, en cas de forte infestation de graminées risquant de pomper la réserve utile et de nuire à la levée du colza, un passage de glyphosate peut être nécessaire pour détruire ces adventices et semer le colza en direct, sans travail mécanique risquant également d’assécher le sol. Pour implanter le colza, les stratégies de labour sur sol non argileux ou bien au contraire le semis direct se sont montrées gagnantes pour la maîtrise des adventices en interculture et pour la qualité d’implantation du colza.
6. Enfin, les intercultures extrêmement courtes de type tournesol-blé, betterave-blé ou pomme de terre-blé sont sur une plage de temps tellement réduite que le sol n’a pas le temps de se salir et ces précédents laissent aussi un sol exempt d’adventices. Souvent, un travail du sol est nécessaire pour l’implantation de la culture suivante et les fenêtres d’intervention sont plutôt correctes.
L’efficacité du travail du sol variable
La figure 1 montre qu’il existe toujours des situations d’impasses pour lesquelles il n’y a aucune piste, en particulier lorsque ces différents éléments sont combinés : sol argileux, conditions humides et/ou infestation de graminées (surtout si déjà développées) dans le couvert ou après (ou dans l’interculture sans couvert). En dehors de ces situations, on arrive à se passer du glyphosate en mettant en œuvre du travail du sol. Néanmoins, les conditions pédoclimatiques sont déterminantes pour sa réussite.
En effet, en conditions humides, l’efficacité du travail du sol pour détruire les graminées est plus aléatoire : elles peuvent se repiquer (surtout si elles sont déjà développées) ou de nouvelles germinations peuvent être induites (sol remué et frais) ; de plus, en sol argileux le travail en conditions humides peut être fatal pour la structure du sol et donc pour la qualité d’implantation de la culture suivante.
Figure 1 (extrait de l'article Arvalis & Terres Inovia infos en bas de page) :
présentation par type d’interculture (IC) de la proportion des situations avec et sans glyphosate, et de la proportion des réussites ou des échecs des stratégies sans glyphosate sur la maîtrise des adventices en interculture et de la qualité d’implantation de la structure suivante. Ces chiffres s’appuient uniquement sur les systèmes innovants et témoins des quatre plateformes Syppre étudiées (Berry, Lauragais, Champagne et Picardie) entre 2016 et 2021.
Contact : F. Vuillemin, f.vuillemin@terresinovia.fr
The inter-institute system studies the practices implemented in the absence of glyphosate and their impact on weed control and crop establishment. Four sites are being used for field analysis.
Syppre Picardie platform.
Copyright: L. Jung, Terres Inovia.
Since 2016, the Syppre experimental platforms, an inter-institute initiative run by Terres Inovia, Arvalis and ITB, have been testing innovative systems designed to meet multi-performance objectives: maintaining or even improving margins and productivity, reducing dependence on inputs (nitrogen, plant protection products), reducing greenhouse gas (GHG) emissions and increasing soil organic matter levels.
They are compared with a control system whose rotations are representative of local systems and managed in an optimised way according to the advice of the technical institutes. In 2019, the trials have incorporated an additional objective: to use glyphosate only as a last resort and to mobilise other levers to manage weeds and the destruction of intercropping cover crops.
A long-term analysis
A study of practices implemented in the absence of glyphosate and their impact on weed control, particularly grass weeds, and crop establishment was carried out at the level of the cropping system and intercropping. The study covers 4 of the 5 platforms and compares the 2016 to 2018 cropping seasons (with glyphosate possibly included in the strategies) and the 2019 to 2021 cropping seasons (with glyphosate used as a last resort if no glyphosate is used).
The platforms studied are located in the following contexts: clay-limestone slopes in the Lauragais region (main problematic flora: ryegrass), clay-limestone soils with clay and sandy areas in the Berry region (main problematic flora: vulpine), deep loams in Picardy (main problematic flora: spring broadleaf weeds) and chalk soils in Champagne (main problematic flora: spring broadleaf weeds). In these specific cases, management strategies are identified and confirmed that have made it possible to dispense with glyphosate without damaging consequences, while situations of impasse persist despite the combination of weed control levers.
Different scenarios depending on the type of intercropping
When intercrops are grouped by category, certain trends emerge across the four platforms studied.
1. In long intercrops (such as wheat-sunflower or wheat-corn) using cover crops, the most successful situations without glyphosate are those involving either ploughing (at the start of winter for clay soils) or shallow tillage when the spring is fairly dry. Otherwise, the effectiveness of destroying weeds - particularly winter grasses - before sowing is more uncertain or even difficult and disappointing, particularly in clay soils.
2. In intercropping before industrial crops such as beetroot or tinned peas (Picardy and Champagne platforms on non-clay soils that are easier to work), ploughed situations are also satisfactory, and if not, working the soil not too early after winter (so potentially in less wet conditions) is satisfactory.
3. In intercrops before early sown crops such as spring barley, spring peas, chickpeas or lentils, the absence of glyphosate gives good results in ploughed situations or when it was possible to work the soil at the end of winter in good conditions (drained soil and dry weather) or in situations where the soil is not clayey (e.g. Champagne). In other cases, working the soil after winter has compromised its effectiveness, particularly on grass flora.
Vulpine weed emergence on the Berry platform.
Copyright: M. Loos, Terres Inovia.
4. In short intercrops, after a crop harvested in July and before an autumn crop such as cereals or winter peas, certain windows of intervention are correct for working the soil superficially in an effective manner, unless a cover crop is put in place until around 15 October. In this situation, putting a cover crop in place reduces the windows of intervention in dry weather; this can then be very restrictive when it comes to managing grasses in the autumn in wetter weather, particularly in clay soils. Even in the absence of a cover crop, the effectiveness of tillage can be uncertain depending on the soil and climate conditions, as grass seedlings or new shoots are possible, and in clay soils it is important to maintain a suitable structure for the following crop.
5. In intercrops before oilseed rape, there are generally few weeds to manage (dry period) but if this is not the case, working the soil to sow on clean soil in the absence of glyphosate runs the risk of drying out the seedbed. If there is a heavy infestation of grass weeds, which could suck up the useful reserves and hinder oilseed rape emergence, a glyphosate pass may be necessary to destroy these weeds and sow the oilseed rape directly, without mechanical tillage, which could also dry out the soil. To establish oilseed rape, the strategies of ploughing in non-clay soil or direct seeding have proved to be the most effective.
Variable tillage efficiency
Figure 1 shows that there are always situations where there is no solution, particularly when these different factors are combined: clay soil, wet conditions and/or grass infestation (especially if already developed) in the cover crop or afterwards (or in the intercropping period without cover crop). Outside these situations, glyphosate can be dispensed with by working the soil. However, the soil and climate conditions are crucial to success.
In fact, in wet conditions, the effectiveness of tillage in destroying grasses is more uncertain: they can re-sprout (especially if they are already developed) or new germination can be induced (fresh, disturbed soil); moreover, in clay soils, tillage in wet conditions can be fatal for the soil structure and therefore for the quality of the following crop.
Figure 1 (from Arvalis & Terres Inovia infos): Presentation by intercropping system (IC) of the proportion of situations with and without glyphosate, and the proportion of successes or failures of glyphosate-free strategies in terms of weed control during intercropping and the quality of establishment of the following crop. These figures are based solely on the innovative and control systems of the four Syppre platforms studied (Berry, Lauragais, Champagne and Picardy) between 2016 and 2021.
Contact : F. Vuillemin, f.vuillemin@terresinovia.fr
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