Des récoltes de céréales très précoces dans des contextes de sécheresse globale voire extrême des sols
En région Centre-Val de Loire et Poitou-Charentes, les récoltes se terminent, tandis qu’elles sont en cours en Ile de France et en Normandie et déjà bien entamées en Pays de la Loire et Bretagne.
Comme il est coutume de le dire, « les années se suivent mais ne se ressemblent pas… » Cette phrase pourrait parfaitement résumer les conditions de récolte de cette année 2025, complètement opposées à l’année précédente, mais non sans conséquences sur les travaux de sols des futures implantations de colza. Dans un contexte de structures de sols pouvant avoir été dégradées lors des implantations des céréales de l’automne dernier, les conditions sèches et chaudes depuis plusieurs mois ont rendu les sols dans un état de sécheresse pouvant être extrême dans certains secteurs. Les perturbations et orages de ces dernières semaines ont été très hétérogènes selon les secteurs, dont nombre d’entre eux ont été très peu arrosés par la perturbation des derniers jours, comme le montre la carte ci-dessous.
Ainsi, il devient très difficile de réaliser à la fois des observations des structures des sols, mais également de pouvoir anticiper les travaux de sols qui peuvent éventuellement s’envisager dans des secteurs où le sol se trouve à des états d’humidité favorables. Au-delà de la capacité à démarrer les travaux de sol, l’état d’humidité des sols va donc être l’élément clé permettant d’obtenir ou non un travail du sol de qualité, c’est-à-dire qui répond aux objectifs de correction de la structure de sol et de préparation du futur lit de semence.
Comment observer la structure des sols ? Quels sont les objectifs et les enjeux du travail du sol avant les semis de colza ? Quels peuvent être les impacts sur la réussite de la culture du colza ?
Voici quelques éléments pour vous permettre de répondre de la meilleure manière possible à ces interrogations.
Les enjeux de l’implantation pour obtenir un colza robuste
La réussite de l’implantation du colza est devenue une phase cruciale pour obtenir une culture robuste, à même d’exprimer son potentiel et peu sensible aux insectes d’automne. Pour parvenir à ces objectifs, la qualité de la structure du sol et du semis sont des éléments essentiels à l’atteinte de la robustesse du colza. La gestion du travail du sol avant le semis du colza doit permettre d’assurer la porosité verticale de la parcelle, et de répondre à deux objectifs majeurs :
- Obtenir une structure du sol favorable à un bon enracinement du colza : il est donc préférable avant le semis de restaurer une qualité structurale optimale à l’enracinement du colza sur 15 à 20 cm de profondeur. Il est important de déterminer à quelle profondeur se situe l’éventuelle compaction. Aucune obligation de travailler à 20 cm, si le souci est seulement à 8 cm. En l’absence de pluies significatives dans les prochaines semaines permettant de réhumecter l’ensemble de la profondeur de sol nécessitant un travail de sol, une question risque de se poser : l’enracinement du colza peut- il se mettre en place de manière optimale si l’on réalise uniquement un travail de sol de surface pour préparer le lit de semence ? L’expérimentation en bandes mise en place dans le Berry l’été dernier visant à comparer la réussite du colza dans des contextes de structures de sol favorables ou défavorables montre bien que, malgré un semis précoce et une croissance optimale durant tout l’automne, l’état structural aura un impact sur l’homogénéité et la profondeur de l’enracinement, et plus particulièrement la capacité que pourra avoir le colza à avoir une majorité de pivots atteignant au moins 15cm de profondeur (voir graphique ci-dessous).
Plateforme implantation colza Syppre Berry 2025 : répartition des longueurs des pivots en entrée d’hiver
selon l’état structural du sol en situation de semis précoce (08/08)
- Préserver et/ou favoriser l’humidité en profondeur pour permettre une germination des graines et un développement rapide des plantes à l’automne : il faut veiller à ne pas faire de travail superflu pour limiter la profondeur et le nombre d’interventions au strict nécessaire.
- Préparer un lit de semence permettant un positionnement optimal de la graine : l’ensemble des opérations de travail du sol doit permettre d’obtenir une bonne proportion de terre fine et de paille pour favoriser le contact « terre – graine » lors du semis du colza.
Observer la structure du sol avant toute intervention
Avant de décider de toute intervention mécanique, il est important et nécessaire d’observer la structure de sol dans la globalité de la parcelle, c’est-à-dire dans les zones les plus représentatives, mais également dans les zones de textures de sol différentes.
Dans un contexte d’implantations délicates des céréales à l’automne dernier en conditions humides, l’objectif est de pouvoir caractériser l’état structural du sol, et de déterminer la profondeur et le choix des outils pour les interventions de travail du sol.
L’observation de la structure du sol peut se faire grâce à un test bêche sur l’horizon de travail du sol habituel (en général entre 0 et 20 à 25 cm de profondeur), ou par un profil 3D que l’on réalise à l’aide d’un télescopique.
Les photos ci-dessous ont été prises sur la plateforme SYPPRE Berry après les récoltes d’orge d’hiver et de blé tendre en contexte de sol argileux. Elles présentent des situations de qualités structurales différentes, conduisant à différentes gestions des interventions de travail du sol.
1ère situation : absence complète de zone de compaction sur l’horizon 0-20cm
Comme le montrent les deux photos ci-dessous, on ne retrouve aucune délimitation d’horizons présentant différents niveaux de friabilité ou de compaction des mottes. Dans cette situation, aucun travail profond ne sera nécessaire pour garantir un bon enracinement du colza. Seuls des travaux de sol sur l’horizon de surface pourront être envisagées dans le cadre de la gestion de la paille, des repousses de céréales et de la gestion du lit de semence. En cas de répartition homogène de la paille, le semis direct au semoir à dents pourra également parfaitement s’envisager.
Photos 1ère situation : absence de zone de compaction (Crédit photo : M. Loos)
2ème situation : présence de zones de compaction sur l’horizon 0-20cm avec des mottes poreuses et friables
Dans ces situations, comme le montrent les photos de la page suivante, une ou plusieurs zones peuvent se délimiter, montrant des niveaux de friabilité ou de compaction des mottes différentes. L’objectif est de bien identifier les différentes profondeurs de ces zones, et de vérifier le niveau de compaction par une observation plus fine de la taille et de la fissuration des mottes. L’enjeu est de vérifier si l’enracinement du colza peut être compromis, et si une intervention mécanique doit se justifier afin de permettre la descente des racines. La photo prise de l’état de fissuration des mottes, et de bonne friabilité par la présence d’une bonne porosité racinaire, indique que le niveau de compaction reste léger, et ne présente pas un frein au développement racinaire du colza.
Dans ces situations, les travaux de sols et de préparation du semis pourront être équivalents à la situation décrite précédemment.
Photos 2ème situation : présence de zones de compaction légères mais friables friables (Crédit photo : M. Loos)
3ème situation : présence de zones de compaction sur l’horizon 0-20cm avec des mottes dures, très peu friables et sans trace de porosité
Il s’agit de situations pouvant résulter de tassements par les moissonneuses après les forts cumuls de pluie précédemment aux récoltes, ou de la présence de zones de compaction plus anciennes n’ayant pas été gérées avant l’implantation de la culture précédente. Comme le montrent les photos ci-dessous, les mottes qui composent les différents horizons de compaction présentent de fortes difficultés à leur émiettement en restant grossières. L’absence de porosité racinaire ne permet pas d’obtenir une certaine friabilité des mottes, notamment sur l’horizon 8-13cm. Le niveau de compaction ne permettra pas un développement optimal des racines du colza, risquant ainsi de limiter la profondeur d’enracinement du colza ainsi que son développement automnal. Dans ces situations, un travail du sol sera donc nécessaire pour corriger les défauts de la structure du sol et permettre un bon enracinement du colza.
Photos 3ème situation : présence de zones de compaction fortes difficilement friables (Crédit photo : M. Loos)
Adapter le travail du sol et le choix de l’outil au diagnostic de la structure du sol
Après l’observation de la structure du sol et la nécessité ou non de réaliser un passage d’outil, il est primordial de se projeter sur l’implantation des colzas.
- Si l’humidité du sol le permet, réaliser les différents passages le plus tôt possible après la récolte et en amont du semis, et rouler. Le premier passage doit avoir lieu au plus près de la récolte du précédent, ce qui permet de bénéficier de l’humidité résiduelle et de maintenir les remontées capillaires, et donc de limiter le dessèchement des horizons plus profonds.
- En cas de conditions sèches sur l’ensemble du profil de sol, mieux vaut ne rien faire et patienter que de travailler le sol coûte que coûte avec un outil dont le résultat ne permettra pas d’obtenir l’objectif initial. L’amélioration de l’état structural par le travail du sol peut ne pas être atteinte lors d’un travail en conditions humides (risque de lissage et de tassement), mais également en conditions sèches (création de mottes grossières ne permettant pas d’obtenir un état de porosité optimal).
- Vérifier le travail réalisé par l’outil lors du travail du sol : au-delà du fait que chaque outil de travail du sol doit être utilisé à sa bonne profondeur d’utilisation (en fonction de son dégagement sou bâti et de son écartement entre dents), il doit également répondre à l’objectif de l’intervention. De même, réduire la profondeur de travail pour passer coûte que coûte en conditions sèches avec un outil qui n’est pas adapté ne permettra pas d’obtenir une structure de sol. Il ne suffit pas de seulement observer le travail de l’outil par son résultat depuis la cabine du tracteur…
Effet du travail du sol en conditions d’humidité non optimale au regard de l’état de surface ou en profondeur : si l’état de surface semble satisfaisant (gestion de la paille et des mottes), le passage des dents en profondeur ne parvient pas à créer une porosité mécanique optimale et homogène sur l’ensemble de la largeur de l’outil (Crédit photo : M. Geleon).
Adapter la gestion des repousses de céréales en fonction de leur dynamique de levées :
si l’humidité du sol le permet, le travail du sol, qu’il soit superficiel ou plus profond, risque de favoriser les levées d’adventices et plus particulièrement des repousses de céréales de la culture précédente. Plus ces levées seront précoces, et plus ces dernières risquent d’assécher le sol en profondeur. Leur destruction doit donc être anticipée afin de maintenir le plus d’humidité dans le sol. En cas de sol sec, et de décalage du travail du sol, veiller à ce qu’un maximum de repousses de céréales puisse lever et être détruite à un stade jeune en amont du semis, afin que ces dernières ne puissent pas entrer en concurrence avec le colza par un assèchement du sol lors de sa levée.
En cas d’implantation en semis direct, il est primordial d’avoir des outils performants pour gérer les résidus pailleux (chasses- paille et herse à paille pour répartir les résidus). Les semoirs à dents offrent dans la plupart des situations une meilleure réussite du semis, en positionnant la graine sous le mulch de paille, en contact avec la terre fine. Le mulch protège le sol et limite l’évaporation. L’absence de travail évite la germination des adventices, surtout des dicots, à condition de semer à vitesse réduite (<6 km/h). Dans ces situations, la croissance précoce est souvent plus lente, ce qui milite pour un semis plus précoce.
En résumé
Les pratiques d’implantation permettent de préparer les conditions essentielles d’un colza robuste : une levée précoce et homogène, des pieds vigoureux avec une profondeur d’enracinement homogène comprise entre 15 et 20cm, une croissance dynamique et continue à l’automne et une reprise dynamique en sortie d’hiver.
- Observer l’état structural et les conditions d’humidité de sons sol pour décider de travailler ou non, choisir le type d’intervention avec le bon outil et optimiser la profondeur de travail du sol.
- Anticiper les travaux de sol pour préserver au mieux l’humidité du sol ou favoriser l’effet des pluies potentielles avant le semis.
- Optimiser le travail du sol : limiter le nombre de passages et de profondeur de travail au strict nécessaire pour gérer la structure du sol, les résidus du précédent ou les bioagresseurs.
- Adapter la gestion des repousses de céréales (levée et destruction) afin de maintenir la fraicheur au semis et éviter la concurrence par un assèchement du sol à la levée du colza.
Matthieu Loos - m.loos@terres.inovia.fr - Chargé de développement Centre & Ouest
Julien Charbonnaud - j.charbonnaud@terresinovia.fr - Centre-Val de Loire
Jean Lieven - j.lieven@terresinovia.fr - Normandie, Ile-de-France Ouest
Thomas Mear – t.mear@terresinovia.fr - Bretagne, Pays de la Loire
Elodie Tourton - e.tourton@terresinovia.fr - Poitou-Charentes, Vendée, Limousin
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