R2D2 : le bilan de cinq ans d’expérimentations
R2D2 : le bilan de cinq ans d’expérimentations
Le projet R2D2 est maintenant terminé. Quels sont les principaux résultats et enseignements de ce projet innovant de gestion agroécologique des ravageurs en grandes cultures ?
Initié en 2018, le projet R2D2, piloté par Terres Inovia, a accompagné un collectif de 10 agriculteurs dans une transition vers des systèmes agricoles plus résilients et durables.
Il s’agissait de mettre en œuvre à l'échelle d'un territoire de 1 300 ha en Bourgogne une stratégie de gestion agroécologique des ravageurs de cultures par une combinaison de leviers agronomiques à la parcelle, mais aussi d'aménagements paysagers pour favoriser les insectes auxiliaires. « La finalité était d'essayer de passer d'une gestion des ravageurs individuelle et curative à la parcelle principalement basée sur la chimie à une gestion concertée, préventive à l'échelle d'un territoire combinant l'agronomie aux principes de la lutte biologique par conservation », précise Nicolas Cerrutti, chargé d’études en biodiversité fonctionnelle chez Terres Inovia.
Le point de départ : de l’impasse technique à la mobilisation collective
Le territoire du projet R2D2 se situe dans l’Yonne, l’épicentre de la résistance de l’altise d’hiver et du charançon du bourgeon terminal aux insecticides pyréthrinoïdes.
Les exploitations agricoles du secteur ont été fortement impactées, contraintes de réduire voire d’abandonner le colza, une culture centrale dans les assolements et pour l’équilibre économique des structures. Les rendements et surfaces en chutes libres ont amené un découragement général.
Cependant, l’impasse technique rencontrée par les agriculteurs a finalement constitué un terreau fertile pour l’impulsion d’une dynamique de changement, avec le projet R2D2.
Retrouver de bons niveaux de rentabilité, relancer la culture du colza et se passer d’insecticides a été l’objectif visé par les agriculteurs qui ont participé au projet.
Pendant cinq ans, le projet a été rythmé de rencontres techniques, de formations, d’ateliers de travail ou encore de voyages d’études. Cet accompagnement a permis d’apporter aux agriculteurs des éléments techniques sur des thématiques nouvelles (régulations biologiques, lutte biologique par conservation, connaissance des insectes…) et de favoriser l’écoute et le partage d’expérience nécessaires pour motiver l’exploration de nouvelles voies en toute sérénité.
Un agriculteur suisse présente ses surfaces de promotion de la biodiversité aux agriculteurs du projet R2D2 lors d’une journée technique (Crédit : N. cerrutti)
Une stratégie qui combine plusieurs leviers
Les agriculteurs ont mobilisé l’ensemble des pratiques agronomiques connues et efficaces pour renforcer la résilience du colza face aux attaques d’insectes.
En concertation, ils ont également imaginé de nouveaux leviers préventifs à grande échelle et les ont intégrés dans une stratégie basée sur les principes de l’agroécologie reposant sur trois axes de travail :
- Favoriser les insectes auxiliaires pour améliorer le contrôle biologique des insectes ravageurs: création d’habitats semis-naturels, augmentation des ressources fleuries sur le territoire.
- Limiter les dégâts de ravageurs sur le colza et réduire leurs populations : c'est la technique des intercultures pièges pilotées.
- Optimiser le parcours de croissance du colza pour réduire la nuisibilité des attaques d’insectes : semis avant le 15 août, association avec la féverole, fertilisation au semis, choix d’une variété vigoureuse au démarrage.
Un niveau de rendement multiplié par deux sur le colza
L’accompagnement a porté ses fruits. En moyenne, sur la période 2019-2023, les surfaces de colza du territoire de travail de R2D2 ont plus que doublé (+120 %). De plus, les rendements ont progressé et se sont stabilisés autour de 3 t/ha alors qu’ils étaient proches de 1,5 t en 2019.
L’Indice de Fréquence de Traitement insecticide a été réduit de 29 % entre la période 2019-2020 et 2021-2023 car les traitements insecticides systématiques -qui concernaient 60 % des surfaces de colza au démarrage du projet- ont été supprimés par le collectif. Depuis 2021, les niveaux de pression des ravageurs d’automne ont été relativement bas et en dessous des seuils indicatifs de risque.
La prise de risque, un frein à la reconception des systèmes
Les couverts d’interculture piège et les pratiques pour obtenir un colza robuste ont été adoptés rapidement, massivement et durablement par les exploitants. « Ils ne présentent pas à leurs yeux de risques particuliers tandis que les gains potentiels sont relativement bien perçus », précise Nicolas Cerrutti.
En revanche, des freins demeurent pour les leviers qui exigent des changements plus profonds dans les systèmes. Ainsi, les six agriculteurs qui ont implanté des bandes fleuries multi-espèces ne souhaitent pas aller au-delà des 8 ha qu’ils ont initialement mis en place. « S’ils perçoivent bien l’intérêt de ces habitats pour la faune auxiliaire, ils regrettent de ne pas pouvoir évaluer les gains de production directement liés à ces aménagements qui prennent la place de surfaces cultivables », explique Nicolas Cerrutti. De plus, le maintien des fonctionnalités écologiques de ces espaces sur le long terme nécessite un entretien régulier surtout les premières années : les planter ne suffit pas.
Le projet met donc en évidence la nécessité de mobiliser des dispositifs financiers d’accompagnement à la prise de risque des agriculteurs ou de rémunération des services environnementaux. « Cela permettrait d’aller plus loin dans la reconception des systèmes ».
Les expérimentations initiées dans le projet R2D2 vont se poursuivre dans un autre projet, qui démarrera courant 2025.
- Retrouvez le suivi du projet
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