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Glyphosate : point d’actualité réglementaire et solutions alternatives

Actions menées par Terres Inovia en collaboration avec les instituts techniques

Article rédigé par
  • Fanny VUILLEMIN (f.vuillemin@terresinovia.fr), Franck DUROUEIX (f.duroueix@terresinovia.fr)
Glyphosate : point d’actualité réglementaire et solutions alternatives
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    Modifié le : 08 août 2022

    L’épée de Damoclès du plan de sortie du glyphosate en France représente un réel enjeu pour les systèmes de grandes cultures notamment. Depuis 2017, Terres Inovia est associé à l’Acta, Arvalis, ITB et FNAMS dans le cadre d’une cellule d’experts dont les travaux ont débuté par l’identification des difficultés et impasses techniques que le retrait d’usages implique. Cette action consistait bien entendu à une juste évaluation des alternatives en termes de faisabilité technique et économique, comme en termes de maturité. En 2019, ces éléments d’expertise ont été fournis à l’INRAe et à l’ANSES dans le cadre de l’analyse comparative (art50 du REG 1107/2009/CE) qui a débouché vers une nouvelle règlementation française en octobre 2020 (évaluation l’ANSES).

    Réglementations française et européenne : où en est-on ?

    Depuis octobre 2020, le glyphosate est autorisé à 1080 g/ha/an seulement dans les situations de non-labour ou labour d’été-début automne en sol hydromorphe ou en présence d’adventice règlementée (l’ambroisie est surtout concernée dans certains départements), dans ce cas la dose peut aller jusqu’à 2880 g/ha/an. Néanmoins, une procédure européenne est en cours : en 2023, les états-membres de l’Union Européenne voteront pour ou contre la ré-approbation de la substance active glyphosate ce qui se traduira ensuite par le maintien ou non des AMM dans les états membres. 

    Pour rappel, 4 agences sanitaires (France, Suède, Pays-Bas et Hongrie) avaient été chargées de faire une évaluation ; leur rapport a été publié en juin 2021 et conclut que les critères d’approbation sont remplis, le classement cancérigène n’étant pas justifié (comme pour la reprotoxicité, la toxicité par exposition répétée et le potentiel perturbateur endocrinien). Entre septembre 2021 et juin 2022, une phase de consultation publique était ouverte.

     

    Usages, conséquences d’un éventuel retrait et pistes de substitution potentielles : le travail réalisé

    Une enquête sur les usages du glyphosate et les pistes de substitution potentielles lancée par les instituts techniques de grandes cultures à l’automne 2019 montre que le glyphosate est surtout utilisé sur les cibles vivaces (73% des 6921 répondants) ou bien sur les annuelles ou repousses en interculture longue ou courte (50% des répondants pour chaque) dans le but de semer la culture suivante sur un sol propre. L’usage pour la destruction de couverts ne s’élève qu’à 30%.

    L’enquête confirme également le niveau de tous ces enjeux, les craintes et les difficultés à venir.

    Depuis 2017, Terres Inovia en collaboration avec l’Acta, Arvalis, ITB et FNAMS a évalué les alternatives possibles en termes de faisabilité technique et économique, comme en termes de maturité. Il en ressort que pour gérer les adventices à l’interculture et semer sur un sol propre, le travail du sol est la piste la plus sérieuse et la plus accessible, étant donné que le seul bioherbicide existant à ce jour (acide pélargonique) est peu efficace, que le désherbage électrique est énergivore et peu efficace sur graminées tallées en conditions humides (à l’instar du travail du sol) et que le roulage avec ou sans gel concerne les couverts.

    Si le travail du sol est le principal levier mobilisable pour détruire les adventices, annuelles ou vivaces, pendant l’interculture, différents niveaux seront à envisager : des opérations superficielles jusqu’au retour occasionnel du labour (selon le niveau de la problématique adventice). Leur faisabilité et leur efficacité sont cependant dépendantes du climat. De plus, cela entraine potentiellement des changements parfois profonds : pratiques, investissement d’autres matériels, modification du système. La conciliation de ces évolutions avec la gestion des couverts est une difficulté supplémentaire.

    Vous pouvez retrouver cette analyse ici :

    Une communication sur ce sujet avait également été faite au COLUMA de décembre 2019 

    Pour les vivaces, le 2,4 D ou le Dicamba sont efficaces sur dicotylédones (à condition de ne pas précéder une culture sensible telle que le colza), le labour en conditions sèches a un intérêt et les interventions de travail du sol répétées régulièrement au cours de l’été sur sol sec et sans pluie annoncée dans les jours suivants avec des outils à bon recouvrement (ailettes) contribuent à épuiser les réserves des vivaces (stratégie d’épuisement). 

    Dans le cas d’adventices graminées, il n’existe pas d’autre solution herbicide en interculture.

    Une autre situation d’impasse est avérée. Il s’agit des systèmes en agriculture de conservation des sols avec du semis direct au sens strict, sans travail du sol en interculture.

     

    Les alternatives autour du travail du sol : la gestion des intercultures reste délicate

    Des essais sont mis en place par Terres Inovia sur la thématique « comment semer sur un sol propre ».

    En l’absence de glyphosate, le travail du sol pour détruire les adventices présentes (voire les couverts maintenus jusqu’en sortie hiver) avant semis du tournesol (ou du soja ou du pois de printemps) a potentiellement des conséquences sur : 

    • une modification possible de la structure du sol, en profondeur comme au niveau du lit de semences (particulièrement en sols argileux) 
    • un dessèchement du profil

    Ces deux éléments peuvent impacter la qualité d’implantation du tournesol (et donc la qualité du peuplement et le rendement).

    • de nouvelles levées d’adventices possibles, présentes alors dans la culture. 

    Les essais sont menés plutôt sur sol argileux et infestation de graminées (ray-grass, vulpin) car ce sont les situations les plus délicates. D’autres essais sont menés plus spécifiquement sur ambroisie (faux-semis et destruction des levées avant le semis décalé du tournesol ou du soja).

    L’objectif de ces essais est d’affiner le conseil en situation d’alternative au glyphosate, notamment en testant différents types d’outils de travail du sol et d’emplois avant semis du tournesol pour :

    • vérifier que les adventices présentes avant le tournesol soient bien détruites, 
    • s’assurer que la qualité d’implantation de la culture n’est pas affectée, 
    • vérifier que cela ne provoque pas trop de nouvelles levées d’adventices en culture.

    Sur la même thématique, des essais concernant l’implantation du colza sont également mis en place. Plusieurs modalités de destruction des repousses de céréales et des graminées sont évaluées (déchaumeur à disques indépendants, herse rotative, vibrodéchaumeur, glyphosate). 

    Ces essais sont menés entre autres dans le cadre du projet AGATE GC (Alternatives au GlyphosATE en Grandes Cultures), un projet Ecophyto II+ centré sur la problématique Glyphosate. Il contribue au renforcement des actions d’accompagnement pour diffuser les solutions et trouver de nouvelles alternatives pour les usages pour lesquels il demeurerait des impasses ; il mobilise des réseaux territoriaux pour faire connaître et promouvoir les alternatives au glyphosate sur l’ensemble des territoires.

    Le partenariat est composé des instituts techniques : Acta (pilotage), Terres Inovia, Arvalis, ITB mais également des chambres d’agriculture départementales de l’Aude et de l’Ariège. 

    Le projet est composé de 3 actions majeures :

    • Une évaluation technique, économique et environnementale des alternatives au glyphosate sur un réseau de parcelles agriculteurs, sur les thématiques de l’implantation des cultures, la gestion des espèces difficiles (vivaces ou ambroisie…), la destruction/gestion des couverts d’interculture. 
    • Concernant les solutions de remplacement moins abouties, des solutions innovantes sont recherchées au moyen d’essais expérimentaux en station : bioherbicides combinés à la lutte mécanique, gestion de l’interculture et combinaison de pratiques (couvert, faux semis, déstockage). 
    • Enfin les impasses techniques font l’objet d’ateliers de réflexion collective sollicitant les experts et les acteurs techniques pour orienter sur les axes de travail à privilégier et identifier les solutions nouvelles. D’autres ateliers de réflexion avec les agriculteurs et/ou les conseillers permettront de concevoir des systèmes de culture sans glyphosate cohérents d’une part et de faire le point des réussites et des échecs du sans-glyphosate dans des situations concrètes d’autre part.

     

    Les facteurs de réussite du travail du sol qui s’en dégagent

    Sur la destruction des annuelles en interculture longue avant le semis d’un tournesol, d’un soja ou même d’un protéagineux, quelques facteurs de réussite du travail du sol sont à mettre en pratique. 
    Tout d’abord, concernant le choix des outils de travail du sol, il faut privilégier les outils permettant de travailler 100% de la surface (outils à socs larges ou équipés d’ailettes), sans rouleau pour éviter de rappuyer le sol et de préférence équipés d’une herse à l’arrière pour maintenir les adventices déracinées en surface et favoriser ainsi leur dessèchement. La herse rotative aussi a montré des bons résultats de destruction dans certaines conditions.

    Il est impératif d’intervenir par temps séchant : sol sec et absence de pluie annoncée dans les jours qui suivent, afin d’éviter le repiquage ou la mise en germination de nouvelles graines. Une compilation des données d’essais d’Arvalis et de Terres Inovia (issus du projet AGATE notamment) montre que la destruction mécanique est autour de 100% sur les dicotylédones quel que soit leur stade ou des graminées jeunes, mais dès lors que les graminées commencent le tallage, il est beaucoup plus difficile de les détruire totalement, et ce particulièrement par temps humide. En interculture longue, il est alors conseillé de faire une destruction des graminées à l’entrée de l’hiver en visant des conditions sèches, car en début de printemps, ces graminées, plus développées, peuvent connaitre une destruction insuffisante.

    Enfin, comme ce travail du sol peut favoriser la levée d’adventices printanières (exemple ambroisie), on veillera aussi à anticiper les programmes chimiques et mécaniques de désherbage dans la culture suivante.

     

    Des stratégies à mettre en œuvre selon le type d’interculture

    Avant colza

    Si l’interdiction du glyphosate reste liée à la présence de labour, la question peut cependant se poser en non-labour, technique plutôt conseillée pour implanter un colza, notamment en sols argileux. 
    Au moment du semis du colza courant août, le temps est souvent séchant. Il peut cependant y avoir des repousses de céréales qu’il convient de détruire pour implanter le colza pour éviter d’avoir à les gérer en culture. En l’absence de glyphosate, le recours à du travail du sol s’impose pour cette destruction. Cependant, le risque est d’assécher le lit de semences par ce travail du sol, ce qui sera préjudiciable au colza. Par ailleurs, il n’est pas impossible que ce travail du sol avant semis provoque de nouvelles levées d’adventices qui se retrouvent alors présentes dans la culture.

    Sachant qu’un semis précoce est conseillé (colza robuste) et que la priorité reste la qualité de la préparation du sol pour une levée optimale en condition de pluviométrie restreinte, deux scénarios se dessinent : 

    • s’il y a eu quelques pluies durant l’été, les repousses de céréales ou autres adventices pourront être détruites par un outil à dent (type vibrodéchaumeur) ou un outil à disque (travail superficiel) avant le semis ou par une herse rotative combinée en cas d’utilisation d’un semoir à céréales.
    • Si la destruction mécanique compromet une humidité résiduelle du sol (par exemple après un orage), on doit privilégier la qualité de levée du colza. Dans ce cas, le salissement des repousses de céréales sera contrôlé en post-levée avec un anti-graminée foliaire (ici la substitution du glyphosate se traduit par une plus grande utilisation d’herbicide en culture).

    Avant protéagineux d’hiver

    Si des adventices sont présentes avant le semis, elles peuvent être détruites avec un vibrodéchaumeur équipé de pattes d’oie, une herse rotative, etc… Intervenir plusieurs fois si nécessaire, en cas de graminées tallées par exemple. Il est conseillé de privilégier la période précédant la mi-septembre pour ces destructions mécaniques, afin de bénéficier d’un climat moins humide pour faciliter les destructions (éviter les risques de repiquage). Si d’autres graminées lèvent, une dernière préparation avant semis sur une période sans pluie ou au semis (combiné) les éliminera pour une grande partie (car ce seront de jeunes levées). En présence de graminées développées (début ou plein tallage), un labour sera plus efficace


    Avant protéagineux de printemps

    On peut séparer cette situation en deux cas : 

    • En sol argileux non labouré ou en sol hydromorphe labouré en été ou en début d’automne : une dernière préparation du sol en novembre-décembre devra détruire les levées ainsi que les CIPAN et faire lever des adventices (effet de faux-semis) qui pourront être détruites au glyphosate dans ces situations (dans la limite de 1080 g/ha/an) ou mécaniquement (mais plus superficiel), juste avant le semis du protéagineux en février-mars afin d’implanter la culture sur un sol propre.
    • En sol limoneux ou en labour d’hiver : dans ces situations le travail du sol tardif juste avant le semis en février-mars peut remplir cette mission. Il convient d’intervenir au plus près du semis pour détruire les éventuelles levées hivernales d’adventices et bien sûr préparer le lit de semences. Cependant, si ces adventices sont développées (reverdissement de labour par exemple), plusieurs passages peuvent être nécessaire pour pouvoir semer sur un sol propre, décalant ainsi parfois la date du semis. La limite étant, en condition humide, le repiquage des graminées.

     

    Avant tournesol (ou soja)

    Si le sol est argileux et/ou hydromorphe, en prévision d’un tournesol il convient de : 

    • Soit labourer en fin d’été ou début d’automne et de préparer le semis précocement, c’est-à-dire avant l’hiver
    • Soit, sans labour et en présence de couvert, de le détruire en entrée hiver et de préparer le semis précocement ;

    En effet, en absence de glyphosate l’action mécanique est efficace sur jeunes graminées mais l’est beaucoup moins sur des graminées qui ont commencé leur tallage. C’est pour cela que l’intervention à l’automne est importante pour avoir des adventices moins développées en sortie hiver – printemps. Ensuite, après l’hiver une reprise de sol achèvera la préparation du lit de semences. Cette intervention peut suffire pour détruire des jeunes levées printanières avant le semis. Si le sol est reverdi de graminées assez développées, l’application de glyphosate est préférable (autorisé dans cette situation selon la règlementation d’octobre 2020) au plus près du semis qui permettra, outre l’élimination des graminées développées, de détruire également les jeunes levées provoquées par le travail du sol (effet de faux-semis) sans retoucher le sol avant l’implantation du tournesol. 

    En situation de sol non argileux ou non hydromorphe, le labour peut être réalisé en fin d’automne et jusqu’en sortie hiver, voire dans les jours précédant le semis en limons. S’il se reverdit ou s’il a mal enfoui des graminées tallées, il y a uniquement la solution du travail du sol pour les détruire (glyphosate non autorisé). Un vibroculteur ou un vibrodéchaumeur équipé de pattes d’oie ou une herse rotative auront alors pour but, outre la préparation du lit de semences, de détruire alors les adventices. Le travail du sol de tout début de printemps pourra aussi être réalisé dans une optique de faux-semis (dans le cas de flore ambroisie ou renouée liseron à « déstocker » par exemple). Il sera alors plus aisé de décaler la date de semis du tournesol pour laisser les adventices lever et les détruire ensuite mécaniquement par temps séchant, avant de semer sur un sol propre. Il faut alors garder en tête plusieurs points de vigilance : si le printemps est sec, ne pas trop multiplier les interventions pour éviter d’assécher le lit de semences, si le printemps est humide, intervenir sur sol suffisamment ressuyé pour ne pas provoquer de tassements et un lissage avec les outils à ailettes ou avec la herse rotative et enfin ne pas semer trop tardivement le tournesol (ne pas dépasser la mi-mai) pour préserver le potentiel de rendement.

    Documents à télécharger

    • Perspectives agricoles n°484 - Dossier glyphosate Télécharger le pdf
    • Perspectives agricoles (Juillet-Août 2019) - N°468 - Glyphosate : peut-on s'en passer et avec quelles conséquences ? Télécharger le pdf
    • Végéphyl - 24ème conférence du Columa - 3,4 et 5 décembre 2019 Télécharger le pdf
    • Phytoma n°729 - Glyphosate : chronique d'une molécule herbicide Télécharger le pdf
    • Phytoma n°729 - Efficacité des alternatives au glyphosate en cultures assolées Télécharger le pdf
    • Rencontres Techniques de Terres Inovia (déc 2021) - Gestion des adventices : que faire en situation de réduction de glyphosate ? Télécharger le pdf
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