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Légumineuses : bilan 2019 et perspectives 2020

19 mars 2020

Cultures aux nombreux atouts nutritionnels et environnementaux, les légumineuses ont le vent en poupe. En 2019, certaines cultures ont bien tiré leur épingle du jeu comme le pois d’hiver voire le soja, d’autres ont localement plus souffert de la sécheresse et de la canicule estivale précoce comme la lentille ou la féverole. La mobilisation des acteurs de la filière de l’amont à l’aval reste entière et constitue un facteur de réussite pour assurer le développement pérenne de ces cultures dans les territoires de l’Hexagone. La participation de Terres Univia et de Terres Inovia à des projets de R&D ou de structuration régionale de filières légumineuses démontre l’engagement et la belle dynamique d’une filière unie.

Parcelle de soja

Nouvelle progression du soja

La sole nationale de soja a poursuivi sa progression avec 163 000 hectares en 2019, soit 6% de plus qu’en 2018 et la barre des 400 000 tonnes de production de graines est à nouveau franchie (420 000 tonnes). Le rendement national d’environ 26 q/ha obtenu constitue une bonne performance au regard de la moyenne quinquennale (26,5 q/ha) et de l’intensité de la chaleur et de la sécheresse estivale. En conduite irriguée, les rendements avoisinent jusqu’aux 45 q/ha dans les sols profonds du bassin Est et s’élèvent en moyenne à 35 q/ha à l’échelle nationale tandis qu’en sec ils sont plus hétérogènes et très liés aux conditions de sol et de pluviométrie. Les punaises ont été observées avec une fréquence en forte hausse par rapport aux années précédentes et doivent être surveillées avec attention, notamment dans le sud-ouest. La bonne surprise vient de la bonne teneur en protéines des graines, qui gagne 1,4 point par rapport à 2018, avec 42,1 % de matière sèche (Observatoire interprofessionnel de la qualité des graines). Une bonne nouvelle pour les utilisateurs français en alimentation humaine et pour les unités régionales de trituration qui se sourcent en soja local pour approvisionner des filières animales de qualité. En matière d’échanges, l’indépendance au soja d’importation est encore bien loin avec près de 600 000 tonnes de graines de soja et 3 millions de tonnes de tourteaux de soja importés à des prix attractifs, dont une partie en non OGM et en bio.

Un bilan mitigé pour le pois chiche

Tirée par une augmentation de la consommation de légumes secs et le souhait des agriculteurs de diversifier leurs productions, le pois chiche continue sur sa belle lancée avec 36 000 ha en 2019 contre 32 000 ha en 2018 et 19 500 ha en 2017. L’année avait bien commencé pour le pois chiche avec une implantation dans de bonnes conditions malgré un climat sec par endroit. La fin de cycle en revanche n’a pas été évidente. Si peu de dégâts du
principal insecte ravageur redouté par le pois chiche (l’héliothis) ont été constatés, les températures estivales ont considérablement freiné la floraison avec pertes de gousses et rupture d’alimentation des graines. Aux rendements globalement moyens (de 13 q/ha dans le Sud-Est à 19 q/ha dans le Sud-Ouest et 20 q/ha en Poitou-Charentes et Bourgogne), s’ajoutent des pois-chiches de petits calibres, moins prisés par les marchés. En absence de données statistiques ou d’observation précise sur la production de pois chiche, difficile d’aller plus loin qu’une estimation aux alentours de 50 000 tonnes de graines pour la récolte 2019. De quoi équilibrer à peu près nos échanges si l’on se fie aux volumes équivalents de graines de pois-chiches importées et exportées par la France sur la période 2016/18 (11 000 tonnes en moyenne). Cela ne doit pas faire oublier un déficit constant en graines de type Desy dont le développement en France devrait passer par une structuration de filière autour d’une étape de décorticage.

Une année difficile pour la lentille

Bénéficiant d’un réel engouement, la lentille a vu ses surfaces tripler depuis 2015, passant de 17 000 ha à presque 37 550 ha en 2019. Cette année pourtant, les rendements sont globalement inférieurs à ceux de 2018 et particulièrement variables en fonction des bassins, allant de 7,5 q/ha en Haute Loire au coeur de la zone de production AOP Lentille du Puy, à 27 q/ha dans l’Aube, la Marne et l’Yonne. Les cultures ont globalement souffert de conditions climatiques très variables et extrêmes. Les gelées tardives, le froid de début de printemps puis un climat sec et des températures élevées à la floraison et lors du remplissage des gousses expliquent le bilan mitigé de la lentille. L’absence globale de maladie n’a pas contrebalancé les effets du stress liés aux variations de températures, en particulier des pertes massives de fleurs et de gousses. A la récolte, les gousses étaient souvent mal remplies avec une seule graine de petit calibre dans la majorité des cas. De plus, comme les années précédentes, les attaques d’un insecte (la bruche) ont frappé sur pratiquement tout le territoire avec pour conséquence des qualités de lots dégradées et des prix moins élevés. Pour la lentille aussi, il reste difficile d’estimer la production 2019 de graines françaises de lentilles qui pourrait tourner comme pour le pois chiche aux alentours de 50 000 tonnes, essentiellement constituée de lentilles vertes. En revanche, le marché français reste fort déficitaire avec près de 35 000 tonnes de graines de lentille importées, essentiellement de la lentille rouge (corail) et blonde, dont les prix et les caractéristiques technologiques sont attractives pour les utilisateurs français de l’agro-alimentaire. La lentille verte française, dont une partie est produite sous signe de qualité, bénéficie d’une demande par les consommateurs bien installée sur notre territoire qui demande cependant à être confortée sur les valeurs portées par l’origine France.

Une campagne réussie pour le pois

Supérieur aux années précédentes, le rendement national en pois pourrait avoisiner les 45 q/ha selon les estimations de Terres Inovia et Terres Univia pour une production nationale en nette hausse, probablement supérieure à 650 000 tonnes. Les rendements en pois d’hiver, particulièrement performant en 2019, s’élèveraient à 45 à 60 quintaux par hectare, avec des pointes à 70 q/ha, et de 30 à 60 q/ha pour les pois de printemps. L’alternance de périodes sèches et de précipitations a favorisé la levée des semis d’hiver et de printemps. Le succès de ces rendements repose également sur une période avril-mai optimale : des
températures douces et continues accompagnées de précipitations régulières qui ont permis une floraison longue et la mise en place d’un nombre de gousses et de graines satisfaisant. Si la fin de cycle a parfois été écourtée par les très fortes températures et des stress hydriques souvent importants dans les terres à faible réserve utile, en pois de printemps, cela n’a globalement pas trop affecté le remplissage des graines. Campagne réussie aussi pour la qualité, avec des graines de belle qualité visuelle et une teneur en protéines de 22 % de la matière sèche dans l’épure de la moyenne pluri-annuelle ouvrant une valorisation sur l’ensemble des débouchés en alimentation humaine comme animale.

Des féveroles malmenées par le climat et les maladies

Avec un rendement moyen d’à peine 28,2 q /ha selon Agreste, la féverole a lancé la campagne commerciale avec moins de 190 000 tonnes de graines produites.
La féverole de printemps a été plus impactée par la phase de canicule de fin juin début juillet. Son rendement a été limité à 30-40 quintaux par hectare dans le Centre-Ouest. Des rendements de 50 à 55 q/ha ont toutefois été atteints en Normandie. Quant à la féverole d’hiver, particulièrement prisée en conduite biologique et dans les régions affectées par les sécheresses estivales comme le Sud-Ouest, elle a, encore une fois, été fortement impactée par les maladies contre lesquelles les agriculteurs se retrouvent démunis de solutions. En matière de qualité, les attaques de bruche qui ont, rappelons-le, entrainé la perte du marché égyptien, ont été moindres et la qualité visuelle pouvait laisser espérer une possible valorisation en alimentation humaine, y compris à l’export si l’opportunité se présentait.

Des opportunités de semis à saisir pour les légumineuses au printemps

Les conditions de l’année ont limité le développement de maladies, excepté dans le Sud-Ouest en féverole d’hiver (botrytis). Les ravageurs (pucerons, bruches, tordeuses) ont été freinés par les températures fraîches du début de printemps et ont affecté de manière différenciée les diverses cultures protéagineuses et les lentilles (bruches). Les résultats de la récolte, ainsi que la nécessité de diversifier les systèmes de culture pour faire face aux aléas climatiques ont encouragé les agriculteurs à insérer des protéagineux, notamment du pois, dès l’automne 2019. Les longs et intenses épisodes pluvieux de novembre et décembre ont souvent rendu impossible ces implantations ainsi que celle d’une partie des céréales d’hiver. Autant d’opportunités à saisir dès le printemps 2020, dont devraient bénéficier avant tout le pois protéagineux et le soja.

2019 -2020 : des marchés diversifiés pour valoriser la protéine française

Des marchés de plus en plus diversifiés s’offrent aux légumineuses, à condition de réussir à obtenir les qualités de graines adéquates, d’optimiser les logistiques d’approvisionnement et de privilégier les logiques de contractualisation. Plus précisément, le pois français constitue une matière première de choix, valorisée auprès des unités industrielles de production de protéine concentrée de pois du nord de la France et du Benelux. Ce segment de marché est appelé à se développer pour nos productions de pois et sans doute demain de féverole à la faveur d’une demande européenne et mondiale en croissance à 2 chiffres pour les ingrédients protéiques d’origine végétale. Si pour 2020, le marché indien pour le pois dit jaune en alimentation humaine ne semble pas s’ouvrir en raison des niveaux de taxes à l’importation encore très dissuasifs, rien n’indique que cela est définitif et que d’autres pays asiatiques ne prendront pas le relai.
Pour 2020, les féveroles collectées en France devraient pour partie être utilisées en alimentation animale et approvisionner sous forme de graines décortiquées le marché de l’aquaculture Nord Europe. Si la qualité des graines le permet, et si des lots de taille suffisante peuvent être constitués, la féverole française pourrait se retrouver sur le marché égyptien de l’alimentation humaine cette année.
Pour le soja aussi, les marchés de l’alimentation humaine (boissons au soja, tofu, produits traiteur) constituent une voie de valorisation bien établie des graines de soja bio ou conventionnelle produites sous cahier des charges et contrat par des agriculteurs reconnus pour leur savoir-faire. Du côté de l’alimentation animale aussi, les utilisations commencent à se diversifier pour le soja au profit de filières régionales de qualité qui s’approvisionnent en tourteaux de soja qui offrent la garantie d’être non OGM, non issus de la déforestation, tracés et produits dans des unités de transformation de proximité. Reste encore à porter ces valeurs au plus près du consommateur pour en obtenir la juste rémunération et répartition entre les acteurs de la filière.
Enfin, les légumes secs, lentilles et pois chiches, produits en France s’invitent de plus en plus souvent dans les rayons de la distribution et dans nos assiettes. S’ils bénéficient de plus en plus d’innovations technologiques et culinaires, ils doivent aussi asseoir et sécuriser leurs performances agronomiques en matière de qualité pour consolider leur place dans les assolements des fermes françaises. Et surtout, il est primordial d’assurer tout au long de la chaîne, la contractualisation des filières légumes secs, afin de privilégier l’origine française dans les utilisations et permettre un développement équilibré en phase avec la demande.

2020 : des projets dynamiques autour des légumineuses

Les légumineuses bénéficient de nombreux atouts que l’Institut technique instruit et valorise en s’engageant dans plusieurs projets, parmi lesquels LegValue, Increase et PARTAGE.
Le projet européen H2020-LegValue que coordonne Terres Inovia depuis 2017 permet d’analyser les dynamiques de filières en Europe et les services rendus par les systèmes incluant les légumineuses.
Depuis janvier 2020, Terres Inovia participe aussi au projet régional PEI-PARTAGE (Programme Agronomique Régional pour la Transition Agroécologique en Grand Est) qui vise à activer des leviers pertinents pour rendre les systèmes de culture plus autonome en azote. Les légumineuses ayant une capacité unique à fixer l’azote, l’Institut alimente entre autres les réflexions stratégiques pour inclure au mieux les légumineuses dans les systèmes de production.
Terres Inovia est par ailleurs partenaire d’Increase depuis février 2020. Ce projet européen du programme H2020 a pour objectif la mise en place d’une organisation collective de ressources génétiques des légumineuses alimentaires (pois chiche, haricot commun, lentille et lupin) pour l’industrie agro-alimentaire européenne.
Dans les régions aussi, comme en Occitanie avec le projet FILEG ou dans l’Ouest de la France (Bretagne, Pays de Loire et Normandie), Terres Univia et Terres Inovia s’impliquent dans l’accompagnement de la structuration de filières légumineuses à même de diversifier les productions régionales et de fournir des sources locales de protéines végétales de qualité, valorisées dans le cadre d’une amélioration de la durabilité de l’alimentation.
Terres Univia soutient aussi de nombreuses innovations, start-up,… imaginant de nouvelles valorisations des nombreuses protéines végétales de la ferme France.
Enfin, étant donné que la réduction des gaz à effet de serre est un service avéré des systèmes avec les légumineuses à graines, Terres Inovia propose de le faire valoir via le label Bas Carbone de la France qui permet de rémunérer des projets vertueux en agriculture. Ce qui est d’autant plus d’actualité avec l’écriture d’une méthodologie spécifique aux grandes cultures, engagée avec les autres instituts techniques pour 2020.

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