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Faire du colza en 2023 : la nouvelle donne

04 mai 2022

Le colza est aujourd’hui soumis à deux contraintes majeures. Les épisodes de sécheresse estivale impactent fortement la réussite des semis et les surfaces en place sont soumises depuis quelques années à une très forte pression des coléoptères d’automne parfois résistants aux insecticides à base de pyréthrinoïdes. Le récent retrait de l’autorisation de mise en marché (AMM) du phosmet (BORAVI) semble fragiliser la situation. Quelle stratégie adopter ? Quelles solutions ?

La bonne stratégie : un itinéraire technique plus résilient

Une implantation de la culture anticipée et soignée via un choix judicieux des modalités de travail du sol (travail précoce avec une bonne gestion des pailles, en limitant la génération de mottes), une date de semis précoce pour augmenter la probabilité d’une levée en août, la mise en place d’un couvert associé si nécessaire (notamment en petites terres), une fertilisation au semis appropriée et une attention particulière aux conditions de semis (par exemple avec un semoir monograine) sont les fondamentaux d’un colza robuste pour faire face aux contraintes climatiques et aux ravageurs d’automne.

Un objectif : raisonnement de la lutte avec des solutions efficaces et disponibles

L’insecticide BORAVI à base de phosmet est retiré depuis le 1er mai et son délai d’utilisation prend fin le 1er novembre 2022. Les quantités de produit restantes pourront permettre de contrôler, si nécessaire, les altises adultes (attaque foliaire, en septembre).
Sur une partie du territoire, les pyréthrinoïdes restent heureusement une solution efficace (Cf. cartographie – couleur orange en plein ou orange hachuré de rouge). Contre les altises adultes (uniquement pour les attaques sur colza inférieur à 3-4 feuilles), elles sont d’un niveau proche de BORAVI (notations à 4 et 8 jours après les applications).

Contre les larves d’altise, l’efficacité de ces insecticides est même supérieure avec les produits à base de lambda cyhalothrine en tête (KARATE, etc,). Cependant, les pyréthrinoïdes particuliers que sont l’étofenprox (TREBON), tau-fluvalinate (MAVRIK/TALITA), esfenvalérate (MANDARIN) sont, eux, déconseillés.

Cartographie de la résistance aux pyréthrinoïdes – février 2022

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​​​​​​​​​​​​​​Protection contre les larves d’altise en l’absence de forte résistance.
​​​​​​​10 essais (5 avec notation en entrée hiver) de 2014 à 2021.

Historiquement présents dans l’Yonne, les forts niveaux de résistance de la grosse altise (mutation super KDR) sont aujourd’hui généralisés sur les départements de Bourgogne et Franche Comté, mais aussi dans l’Aube, la Marne, et la Haute Marne (Cf. cartographie – départements en rouge plein). Les pyréthrinoïdes sont alors inefficaces sur adultes (en septembre) comme sur larves (en novembre).
En dehors de l’utilisation des stocks existants de BORAVI contre l’altise adulte, c’est une impasse que seule la prévention peut esquiver : un colza au-delà de 3-4 feuilles n’est pas sensible, d’où l’intérêt du semis précoce pour faire lever tôt la culture.

Favoriser un colza robuste n’est pas toujours suffisant pour éviter la nuisibilité des larves d’altise durant l’hiver et la lutte insecticide peut être incontournable. C’est pour éviter une telle impasse que la filière des oléoprotéagineux s’est mobilisée. Terres Inovia et Terres Univia ont déposé, le 28 février, une demande de dérogation 120 jours (article 53 du REG 1107/2009) pour un insecticide à base de cyantraniliprole. Cette solution, développée par la société Syngenta, est évaluée par Terres Inovia depuis plusieurs années sur larves altises avec un niveau d’efficacité équivalent à BORAVI. Elle fera l’objet à moyen terme d’une AMM.

Sur l’ensemble du territoire, le monitoring mis en place par Terres Inovia montre que cette forte résistance aux pyréthrinoïdes progresse et les premiers cas ont été identifiés dans une vingtaine d’autres départements (Grand-Est, Ile de France, Centre-Ouest, Auvergne Rhône Alpes) ce qui confortait, jusqu’à présent l’utilisation de BORAVI sur l’ensemble du territoire pour limiter cette évolution (alternance des modes d’action). Il s’agira, à terme, de revenir à ce type de gestion mais faire l’impasse d’un traitement aux pyréthrinoïdes, lorsque le nombre de larves est inférieur aux seuils de déclenchement, fait partie des actions fondamentales de gestion du risque de résistance, au même titre que l’alternance. Pour cela, Terres Inovia a développé et mis en libre accès sur son site 3 outils d’aide à la décision sur altises adultes et larves et le charançon du bourgeon terminal. Ces outils prennent en compte l’état du colza, c’est-à-dire le risque agronomique (biomasse, vigueur et croissance) ou son aptitude à tolérer plus ou moins un niveau de larves (méthode berlèse).

OAD altise adulte

OAD charancon du bourgeon terminal

​​​​​​​OAD larves d'altise adulte colza

Enfin, le charançon du bourgeon terminal est moins affecté par la résistance aux pyréthrinoïdes. Les mutations KDR identifiées et installées (ancienne région Centre, Bourgogne-Franche Comté et Champagne-Ardennes) ne confèrent qu’un faible niveau de résistance si bien que dans la situation actuelle, la lutte contre ce ravageur (intervention fin octobre, début novembre) n’est pas remise en cause quelle que soit la région de production (figure suivante). Mais là encore, une intervention avec une pyréthrinoïde contribue à l’extension de la résistance, sur charançons comme sur altises (premières larves), d’où l’intérêt de bien évaluer l’intérêt du traitement.


​​​​​​​Protection contre le charançon du bourgeon terminal.
​​​​​​​Synthèse 8 essais 2014 à 2020 (dpts 10-18-36)

​​​​​​​Les leviers mobilisables sur le colza doivent permettre de réussir la culture comme nous pouvions le faire jusqu’à présent. C’est l’objet de notre communication qui va s’étaler en plusieurs thèmes jusqu’au semis.

Cet objectif mobilise toute la filière mais aussi le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation dans un plan de sortie du phosmet. Ceci permet d’amplifier les actions de recherche et développement dans lesquelles sont aussi mobilisés l’INRAE, les acteurs de la recherche privée, sociétés de la protection des plantes et semenciers et bien entendu partenaires territoriaux et agriculteurs.

Nos axes concernent l’épidémio-surveillance, le suivi de réseaux (pression des bioagresseurs, interaction entre leviers agronomique et nuisibilité selon le statut de la plante) et une meilleure connaissance des ravageurs, notamment le charançon du bourgeon terminal (biologie, nuisibilité. Ils concernent aussi la phase de conseil avec la modélisation.
​​​​​​​Nos travaux sur la lutte se poursuivent sur insecticides (positionnement des solutions, stratégies) comme sur biocontrôle, sur plantes de service. L’évaluation du comportement variétal initiée depuis 2 ans va s’amplifier car c’est un des leviers de la lutte comme l’est aussi la fertilisation.
Le concept « colza robuste » (leviers agronomique) reste un pivot de la réussite du colza et c’est la raison pour laquelle son déploiement (communication, plateformes) tient une place majeure dans ce plan.

Le plan de sortie du phosmet et l’enveloppe financière dédiée, soit 2,5 millions d’euros (annonce du ministre de l’Agriculture le 24 novembre 2021) sont aussi l’occasion d’amorcer de nouveau projets en biocontrôle comme en génétique (compréhension des comportement variétaux, nouveaux caractères).

Contact : Franck DUROUEIX (f.duroueix@terresinovia.fr)