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Optimiser la destruction du couvert et l’implantation de la culture suivante

Article rédigé par
  • Domitille JAMET (d.jamet@terresinovia.fr); Matthieu ABELLA (m.abella@terresinovia.fr)
Optimiser la destruction du couvert et l’implantation de la culture suivante
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    Modifié le : 12 sept. 2023

    Afin de trouver le bon compromis entre les bénéfices apportés par une couverture végétale et la réussite de la culture de rente suivante, la destruction des couverts doit être anticipée et raisonnée. Plusieurs points de vigilance sont à prendre en considération pour ajuster au mieux la date et le mode de destruction.

    Au-delà des considérations agronomiques, la règlementation doit également être prise en compte, puisque la mise en place, la gestion et la destruction des couverts (date et mode de destruction) sont encadrés réglementairement. D’une part, la Directive Nitrate impose de couvrir les sols en zone vulnérable et encadre la destruction des couverts sur ces zones, avec par exemple des restrictions sur la destruction chimique dans certaines régions. Par ailleurs, la nouvelle règlementation de la PAC impose, pour l’obtention de l’éco-régime, la mise en place d’une couverture végétale pendant 6 semaines minimum entre septembre et novembre. Les couverts végétaux contribuent également à atteindre les 7% des terres dédiés à des infrastructures agroécologiques (IAE), culture dérobée et fixatrices d’azote. Il est important de se référer aux règlementations en vigueur spécifiques à chaque territoire.

     

    1. Choix de la période de destruction

    Le choix de la date de destruction du couvert fait intervenir différents objectifs : maximiser les bénéfices apportés par les couverts pendant l’interculture (protection contre l’érosion, piège à nitrate etc.), assurer une bonne gestion de la fourniture en azote pour la culture suivante, ne pas pénaliser l’implantation de la culture suivante (alimentation hydrique, gestion des résidus) … L’intégration de ces différents objectifs permet de proposer les règles de décision suivantes :

    Cas des couverts estivaux ou automnaux

    Ces couverts produisent de la biomasse durant l’été et l’automne (exemple : sorgho fourrager, mélange crucifères-légumineuses semé en été, …). Trois situations se présentent alors :

    • Avant une culture semée à l’automne (céréale d’hiver, protéagineux d’hiver), la destruction peut être envisagée au plus proche du semis de la culture ;
    • Avant une culture de printemps implantée en sortie d’hiver (ex : pois chiche, lentille, pois protéagineux, féverole de printemps, orge de printemps), il est nécessaire de prévoir une destruction précoce. Si les couverts n’ont pas été détruits par les premières gelées, une destruction avant l’hiver est plus sécurisante.
    • Avant une culture de printemps implantée tardivement (ex : tournesol, maïs, soja), la marge de manœuvre est plus grande. Si la couverture n’a pas été impactée par les premiers froids hivernaux, la destruction pourra être programmée dès qu’une fenêtre favorable en termes d’humidité du sol se présente, à partir de décembre.

     

    Cas des couverts hivernaux

    Ces couverts produisent l’essentiel de leur biomasse à la sortie de l’hiver, et sont par conséquent positionnés en interculture longue avant une culture d’été. La date de destruction de ces couverts est à raisonner également au regard de la composition du mélange, pour éviter le risque faim d’azote au début du cycle de la culture (lié à la mobilisation de l’azote pour la décomposition des résidus du couvert).

    • Dans le cas d’un couvert composé d’une dominante crucifères et/ou graminées, il est conseillé de le détruire au moins deux mois avant la date prévisionnelle de semis de la culture suivante, afin d’éviter une mobilisation de l’azote sur les premiers stades de développement de la culture. 
    • Dans le cas d’un couvert composé d’une dominante légumineuses, la destruction peut être plus tardive, jusqu’à trois semaines avant la date prévisionnelle de semis. Le principal point de vigilance concerne alors la dégradation des résidus.

    Par ailleurs, un autre point de vigilance à prendre en compte pour le choix de la date de destruction des couverts hivernaux est l’anticipation des interventions de reprise. Le couvert facilite le ressuyage du sol pendant l’hiver mais il conserve une humidité importante au sol, d’autant plus si la végétation est importante (couvert vivant ou résidus/mulch) ou s’il contient des graminées. Il est alors primordial de détruire le couvert dès qu’une fenêtre météo favorable se présente afin que les interventions de reprise puissent être réalisées sur un sol suffisamment ressuyé et réchauffé.

     

    Cas de figure nécessitant une destruction anticipée

    En cas de salissement ou de montée à graine dans le couvert, il est nécessaire d’anticiper la destruction de celui-ci. En effet, la priorité est de ne pas pénaliser la gestion des adventices dans la culture suivante, et de pouvoir semer celle-ci sur un sol propre. 
    Si la structure du sol est jugée problématique (discontinuité du profil, sol rappuyé par exemple) et risque de freiner l’exploration racinaire de la culture suivante, un travail de rattrapage peut être réalisé au printemps si les conditions le permettent. Il est alors préférable d’anticiper la destruction du couvert afin de maximiser les chances de pouvoir créer une structure favorable pour la prochaine culture, en travaillant le sol dans les meilleures conditions d’humidité possibles (sol à consistance friable).

    Figure 1. Illustration des paramètres à prendre en compte pour déterminer la date de destruction du couvert.

     

     

    2. Mode de destruction et sensibilité des espèces à ces modes de destruction 

    Les différents modes de destruction

    Tableau 1. Sensibilité de différentes espèces de couverts végétaux à différents modes de destruction. Sources : Terres Inovia, Arvalis

     

    Destruction naturelle par le gel

    Les couverts peuvent être détruits totalement ou partiellement par le gel, la destruction par le gel dépend alors du type d’espèce et de son développement (cf. tableau 1). La faisabilité de ce mode de destruction varie selon les régions, où la fréquence des périodes de gel et les températures atteintes sont différentes.

    Destruction mécanique

    Il est recommandé d’être très attentif aux conditions de sol lors la destruction mécanique des couverts, et de privilégier les interventions sur sol gelé ou suffisamment ressuyé pour limiter les risques de tassements, lissages ou de création de mottes. 
     

    Roulage :

    Avantages

    • Pas de dégradation de la structure du sol si passage sur sol portant et ressuyé
    • Faible coût et débit de chantier élevé (4 ha/h pour un rouleau Cambridge de 8m), moins consommateur en énergie que le broyage ou la herse rotative

    Inconvénients

    • Résidus moins bien fragmentés que lors d’un broyage
    • Plage d’intervention limitées aux moments de gel (rouler par temps de gel permet de combiner les dégâts mécaniques et dégâts de gel sur les plantes)

    Points de vigilance

    • Efficace sur couverts suffisamment développés, particulièrement sur les plantes hautes et à tige creuse (féverole, moutarde…) et les céréales stade fin montaison, mais non adapté aux couverts à tige souple (vesce…)
    • Risque que le couvert reparte si le roulage n’est pas suffisamment agressif

     

    « Rolo Faca » : à la différence du rouleau classique, il permet de pincer les tiges du couvert, et conduit à dessécher les plantes. Adapté sur plantes hautes et céréales stade fin montaison.

     

    Rouleau hacheur : 

    Avantage

    • Pas de dégradation de la structure du sol si passage sur sol portant et ressuyé
    • Impact plus important sur le couvert que le rouleau classique (stoppe momentanément le développement du couvert et le prélèvement de ressources)

    Inconvénients

    • Action incomplète voire nulle dans certaines situations (graminées non à floraison, crucifères) et sur les adventices (graminées en particulier)

     

    Broyage : 

    Avantages

    • Recommandé pour les couverts fortement développés, en particulier espèces à tige dure (ex. crucifères)
    • Pas d’impact sur la structure du sol si passage sur des sols portants et ressuyés

    Inconvénients 

    • Peu efficace sur certaines espèces : radis fourrager, graminées, trèfles…, et sur les adventices rampantes
    • Faible débit de chantier (2 ha/h pour un broyeur à axe horizontal de 4.8m)

    Points de vigilance

    • Risques liés au mulch issu du broyage : maintien d’une humidité qui risque de retarder le semis de la culture suivante, maintien des ravageurs, gène à la levée

     

    Labour : 

    Avantages

    • Enfouissement total des résidus

    Inconvénients

    • Difficile à mettre en place sur des sols à tendance argileuse au printemps
    • Faible débit de chantier et coût élevé (0.9 ha/h pour une charrue 5 corps)

    Points de vigilances 

    • Réalisable sur des couverts à faible biomasse. 
    • Si une destruction par labour est envisagée, l'opération doit être réalisée dans des conditions climatiques adaptées (donc positionnée à la même période que le serait un labour "classique", non destiné à la destruction des couverts, par exemple avant l'hiver pour les sols argileux).

     

    Herse rotative (sans rouleau) :

    Avantages

    • Efficace sur couverts moyennement développés
    • Permet de combiner destruction du couvert et création d’un lit de semence favorable à la culture suivante

    Inconvénient

    • Faible débit de chantier (1.7ha/h pour une herse rotative 4 m)
    • Peu efficace pour les cultures à pivot et graminées à fort enracinement

    Points de vigilance

    • Ne pas travailler profond (5cm maximum si possible) pour éviter de provoquer des lissages. L'objectif consiste à dévitaliser le couvert à l'aide d'un travail très superficiel et à vitesse soutenue (7-10km/h).
    • Pour un couvert trop développé (>80-90cm de hauteur), un broyage préalable est nécessaire
    • Risque de forte dégradation de la structure du sol en cas d’intervention en conditions de sol plastique

     

    Déchaumeur à disques : 

    Avantages

    • Efficace sur couverts moyennement développés
    • Débit de chantier élevé (3.5 ha/h pour un déchaumeur à disques de 4m)

    Inconvénients

    • Efficacité très variable, et dépendante du type d’espèce présente 
    • Un seul passage n’est généralement pas suffisant

    Points de vigilances

    • Risque de forte dégradation de la structure du sol en cas d’intervention en conditions de sol plastique 
    • Viser une intervention la plus superficielle possible
    • Les déchaumeurs à disques indépendants, ou à disques verticaux ondulés semblent avoir une meilleure efficacité

     

    Destruction chimique

    La destruction chimique permet une plus grande plage d’intervention pour assurer la destruction du couvert. En effet, il est possible d’intervenir même en conditions d’humidité « limites », la destruction chimique peut ainsi servir de recourt lorsqu’il n’est pas possible d’intervenir mécaniquement (sol argileux ou humide). Ce mode de destruction est très réglementé aujourd’hui, et reste possible uniquement dans les trois situations suivantes (dans le cas d’un usage en grandes cultures) :

    • Dans les situations en non-labour (limité à 1080 g/ha/an)
    • Dans les sols hydromorphes labourés en été ou début d’automne avant une culture de printemps (limité à 1080 g/ha/an)
    • Dans le cadre de la “lutte réglementée” (ambroisie par exemple) (limité à 2880 g/ha/an)

     

    Le glyphosate se montre particulièrement efficace contre les graminées, et celui-ci peut être associé à du 2-4 D, un antidicotylédone, permettant ainsi de réduire la dose de glyphosate. Le Dicamba est un autre antidicotylédone homologué en interculture, efficace contre les vivaces. Les différentes espèces (implantées en couverts, repousses ou adventices) présentent des sensibilités différentes à la destruction chimique. Dans les situations où la destruction chimique est possible, les doses indicatives recommandées par espèce sont données dans le tableau 2.

    Tableau 2. Sensibilité des différentes espèces (couvert, repousses, adventices) à la destruction chimique et doses indicatives recommandées. Source : GIEE Magellan

     

    3. Implications pour l’implantation de la culture suivante

    La mise en place d’un couvert ne doit pas pénaliser l’implantation de la culture suivante, notamment concernant l’alimentation hydrique et minérale de la culture, et la qualité du lit de semence. 

    Alimentation hydrique

    La destruction tardive d’un couvert hivernal à forte biomasse peut participer à l’assèchement du sol dans des situations à faible réserve utile ou dans le cas d’une séquence sèche en fin d’hiver – début de printemps. L’alimentation hydrique de la culture suivante risque alors d’être pénalisée, en particulier pour les cultures d’été en conduite pluviale. Il faut alors être vigilant à la date de destruction du couvert en fonction de son développement et de la situation.


    Alimentation minérale

    Le rapport C/N1 du couvert est un élément important à prendre en considération pour raisonner la période de destruction, pour optimiser la fourniture d’azote pour la culture suivante. L’objectif est de faire coïncider la période de minéralisation de l’azote du couvert avec les besoins de la culture, tout en évitant le risque de faim d’azote au début du cycle (lié à la mobilisation de l’azote pour la dégradation des résidus de couvert par les microorganismes du sol). Cet optimum varie avec la composition du mélange (cf. article services rendus par les couverts).
    Pour les couverts avec un rapport C/N élevé, il est donc préférable d’anticiper la destruction pour éviter que la mobilisation d’azote pour la dégradation du couvert arrive quand la culture est en place et à des besoins, alors que les couverts à faible C/N peuvent être détruits plus tardivement.

    La rapport C/N correspond à la teneur en carbone organique divisé par la teneur en azote total. Le C/N du couvert au moment de sa destruction impacte la dynamique de minéralisation de l’azote dans le sol suite à son incorporation dans le sol. 

    Gestion des résidus

    Une gestion rigoureuse des résidus du couvert est également indispensable pour réussir l’implantation de la culture. En effet, un mulch trop important ou des résidus trop grossiers risquent de perturber le passage de l’élément semeur et ainsi entrainer un mauvais contact entre le sol et la graine. Certaines espèces ont une vitesse de dégradation rapide et ne risquent pas de perturber le semis le mois suivant. En revanche, quand ce n’est pas le cas, il est recommandé d’effectuer une intervention supplémentaire pour enfouir ou fractionner les résidus, ou d’être équipé d’un semoir avec chasse débris ou disques inclinés qui écarteront les résidus du rang.
    Par ailleurs, la présence de résidus peut aussi engendrer une activité plus importante des mollusques au printemps. Une surveillance particulière doit être mise en place pour éviter des potentiels dégâts sur la culture suivante.

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    Semis direct sous couvert vivant

    L’implantation de la culture suivante en semis direct dans le couvert vivant peut présenter de nombreux avantages agronomiques (fertilité des sols etc.). Cependant, il faut être vigilants sur certains points pour ne pas pénaliser le peuplement de la culture ni favoriser l’installation de bioagresseurs : semer sur un sol propre et nivelé avec un matériel adapté, soigner le semis (vitesse, densité, profondeur, fertilisation, roulage), gérer les pailles etc. Pour avoir toutes les informations sur la conception et la gestion de système en semis direct sous couvert, se reporter au guide Magellan.

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    Ou au webinaire disponible ici :

    https://www.terresinovia.fr/-/replay-webinaire-couverts-d-interculture 

     

    4. Exemple : règles de décision pour la destruction d’un couvert avant tournesol, dans un contexte de système pluvial du Sud-Ouest

    Figure 2. Schéma visant à aider au choix de la date de destruction du couvert. Source : Terres Inovia, Réseau d’agriculteurs Lauragais

     

    Les règles de décision présentées dans les parties précédentes, notamment sur le choix de la période de destruction, fournissent des orientations générales, mais celle-ci sont évidemment à adapter au contexte local. Ainsi, le schéma de décision (Figure 2) a été construit à partir du suivi réalisé sur les parcelles des agriculteurs du réseau Syppre Lauragais. Il permet aux agriculteurs d’être aiguillés pour choisir une date optimale pour la destruction d’un couvert hivernal avant l’implantation d’un tournesol non irrigué. L’objectif est de trouver le meilleur compromis entre la présence de la couverture hivernale et la réussite de la culture de printemps. 

    Les règles de décision présentées sont à replacer dans le contexte local :

    • la règle de décision imposant la destruction du couvert en cas de réserve utile trop faible s’explique par le risque de concurrence pour l’eau particulièrement préjudiciable pour le tournesol en contexte non irrigué
    • l’objectif de production de biomasse est quant à lui lié au risque important d’érosion dans la région ; risque atténué par la présence de couverts bien développés durant l’hiver.
       

     

    Sources

    Guide Magellan Semis Direct (2019)
    Cultures intermédiaires, Impacts et conduite, Arvalis Institut du végétal (2011)
    Les coûts 2022 des matériels agricole, Chambres d’Agriculture France (barème d’entraide)

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