Méthodes récentes d’amélioration des plantes : quel avenir ?
Méthodes récentes d’amélioration des plantes : quel avenir ?
Le 6 mai 2021, les Rencontres de l’UFS (en partenariat avec L'Opinion) se sont tenues sous un format dématérialisé, organisées sous le patronage du député Jean Baptiste Moreau. Cet événement s’est tenu dans le contexte de la récente publication par la Commission européenne de son étude sur les nouvelles techniques de sélection génomique. Près de 250 participants ont assisté à cette matinée d’échanges ouvrant des perspectives d’avenir attendues par les secteurs agricole et alimentaire.
Pour illustrer les besoins et les potentialités des techniques d’amélioration variétale pour les producteurs et filières, David Gouache, directeur adjoint de Terres Inovia, a pu exposer différents exemples de l’intérêt du progrès génétique en général, et des nouvelles techniques d’édition des génomes en particulier, que ce soit pour la santé par l’alimentation, l’amélioration du bilan environnemental des élevages, la réduction de l’usage des pesticides et la souveraineté protéique française et européenne.
Accroitre les avantages des huiles oléagineuses pour la santé
David Gouache, lors de ces Rencontres, a d’abord apporté quelques éléments indispensables de contexte. Les huiles alimentaires consommées par les Français fournissent certains acides gras, qui ont un rôle essentiel dans la santé, comme les oméga-3 et oméga-6, dont l’équilibre a un impact notable sur plusieurs maladies, inflammatoires notamment. Des travaux de recherche ont déjà été publiés sur colza, soja, et cameline, montrant qu’il est possible de modifier les équilibres des différents types d’acide gras dans les huiles issues de ces graines, et améliorer encore leurs effets bénéfiques pour la santé.
Réduire les pollutions des élevages grâce aux tourteaux de colzas
La France est plus indépendante des importations de soja que ces voisins, grâce en particulier aux tourteaux de colza. Demain, ces tourteaux de colza pourraient aussi contribuer à réduire les impacts environnementaux de nos élevages porcins. Les tourteaux contiennent en effet des phytates, molécules que les monogastriques ne savent pas digérer, et qui contiennent beaucoup de phosphore. Celui-ci se trouve ainsi en quantités importantes dans les déjections des animaux, qui, épandus en excès, vont contribuer à l’eutrophisation des milieux aquatiques.
Aujourd’hui, il faut, pour éviter cela, rajouter aux aliments des enzymes d’origine microbienne pour dégrader les phytates, mais celles-ci ne sont pas complètement efficaces. Or, des études montrent qu’il est possible de réduire à la source, dans la graine, les taux de phytates de l’ordre d’un tiers, grâce à l’édition génomique.
Un potentiel évident pour éviter certains traitements fongicides
La réduction de l’utilisation des pesticides est une volonté forte des pouvoirs publics et des citoyens. Il y a 30 ans, des variétés transgéniques de colza résistant au sclérotinia étaient testées par le Cetiom (actuellement Terres Inovia) et ses partenaires, et s’avéraient très efficaces, mais la technique n’a jamais été acceptée en Europe, et des essais de l’institut avaient même été détruits.
Aujourd’hui, des variétés résistantes, obtenues par sélection classique, arrivent à peine sur le marché, 30 ans plus tard. Comme pour toutes les résistances, il en faudra de multiples pour réussir à réduire durablement la pression de la maladie. Or, plusieurs études mobilisant l’édition du génome ont réussi à créer des résistances à cette maladie : une corde de plus pour que le levier génétique permette de se passer d’un traitement fongicide.
Renforcer la recherche variétale pour les légumineuses à graines
Ce dernier exemple nous rappelle à quel point la sélection variétale peut être un accélérateur de progrès formidable. Aujourd’hui, ce sont les plus « petites » espèces qui en bénéficient le moins : légumineuses à graines, lin oléagineux, chanvre.
En effet, la petite taille du marché des semences, couplé, pour les légumineuses, à la faible utilisation de semences certifiées, induit de faibles investissements de la recherche privée. La recherche publique est également attirée par les espèces dominantes, en France comme dans le monde, maïs et blé notamment. Ainsi, l’écart de rusticité et de performance se creuse entre grandes et petites espèces.
C’est pour cette raison que Terres Inovia œuvre particulièrement pour appuyer la recherche publique et privée dans ses efforts de développer des variétés, en particulier de légumineuses à graines, dans le cadre du programme Cap Protéines notamment.
Les nouvelles techniques de sélection, si elles sont disponibles, pourraient aider à accélérer la mobilisation de gènes d’intérêt issus d’espèces proches et de ressources génétique. Par exemple, la plupart des lupins sauvages contiennent des taux d’alcaloïdes trop élevés, les rendant impropres à la consommation. Eliminer ces caractères par édition permettrait ensuite de croiser plus abondamment les lupins cultivés avec ces lupins sauvages.
De manière analogue, plusieurs recherches en cours cherchent à identifier des résistances aux altises chez des crucifères éloignées du colza, présentant de nombreux défauts qu’il faudrait pouvoir éliminer le plus rapidement possible. Or, le contexte réglementaire incertain et complexe pénalise le transfert de ces technologies d’édition des génomes sur les petites espèces. En effet, si les coûts juridiques et réglementaires pour autoriser ces cultures s’avèrent trop couteux, ils seront alors utilisés surtout sur les plus grandes espèces, comme on l’a constaté avec la transgénèse.