Glyphosate : point d’actualité réglementaire et solutions alternatives
Glyphosate : point d’actualité réglementaire et solutions alternatives
Actions menées par Terres Inovia en collaboration avec les instituts techniques
Depuis 2017, Terres Inovia est associé à l’Acta, Arvalis, ITB et FNAMS dans le cadre d’une cellule d’experts pour évaluer les enjeux pour les systèmes de grandes cultures d’un éventuel retrait du glyphosate dont il a été question. Les travaux ont débuté par l’identification des difficultés et impasses techniques que le retrait d’usages aurait impliqué. Cette action consistait également en une juste évaluation des alternatives en termes de faisabilité technique et économique, comme en termes de maturité. En 2019, ces éléments d’expertise ont été fournis à l’INRAe et à l’ANSES dans le cadre de l’analyse comparative (art50 du REG 1107/2009/CE) qui a débouché vers une nouvelle règlementation française en octobre 2020 (évaluation l’ANSES).
Réglementations française et européenne : où en est-on ?
Depuis octobre 2020, le glyphosate est autorisé à 1080 g/ha/an seulement dans les situations de non-labour ou labour d’été-début automne en sol hydromorphe ou en présence d’adventice règlementée (l’ambroisie est surtout concernée dans certains départements), dans ce dernier cas la dose peut aller jusqu’à 2880 g/ha/an. Depuis, la procédure européenne a abouti en 2023 par un vote des états-membres de l’Union Européenne pour la ré-approbation de la substance active glyphosate.
Pour rappel, 4 agences sanitaires (France, Suède, Pays-Bas et Hongrie) avaient été chargées de faire une évaluation ; leur rapport a été publié en juin 2021 et concluait que les critères d’approbation étaient remplis, le classement cancérigène n’étant pas justifié (comme pour la reprotoxicité, la toxicité par exposition répétée et le potentiel perturbateur endocrinien). Entre septembre 2021 et juin 2022, une phase de consultation publique avait été ouverte.
Usages, conséquences d’un éventuel retrait et pistes de substitution potentielles : le travail réalisé
Une enquête sur les usages du glyphosate et les pistes de substitution potentielles lancée par les instituts techniques de grandes cultures à l’automne 2019 montre que le glyphosate est surtout utilisé sur les cibles vivaces (73% des 6921 répondants) ou bien sur les annuelles ou repousses en interculture longue ou courte (50% des répondants pour chaque) dans le but de semer la culture suivante sur un sol propre. L’usage pour la destruction de couverts ne s’élève qu’à 30%.
L’enquête confirme également le niveau de tous ces enjeux, les craintes et les difficultés à venir.
Depuis 2017, Terres Inovia en collaboration avec l’Acta, Arvalis, ITB et FNAMS a évalué les alternatives possibles en termes de faisabilité technique et économique, comme en termes de maturité. Il en ressort que pour gérer les adventices à l’interculture et semer sur un sol propre, le travail du sol est la piste la plus sérieuse et la plus accessible, étant donné que le seul bioherbicide existant à ce jour (acide pélargonique) est peu efficace, que le désherbage électrique est énergivore et peu efficace sur graminées tallées en conditions humides (à l’instar du travail du sol) et que le roulage avec ou sans gel concerne les couverts.
Si le travail du sol est le principal levier mobilisable pour détruire les adventices, annuelles ou vivaces, pendant l’interculture, différents niveaux seront à envisager : des opérations superficielles jusqu’au retour occasionnel du labour (selon le niveau de la problématique adventice). Leur faisabilité et leur efficacité sont cependant dépendantes du climat. De plus, cela entraine potentiellement des changements parfois profonds : pratiques, investissement d’autres matériels, modification du système. La conciliation de ces évolutions avec la gestion des couverts est une difficulté supplémentaire.
Vous pouvez retrouver cette analyse ici :
- Glyphosate : peut-on s'en passer et avec quelles conséquences ?
- Efficacité des alternatives au glyphosate en cultures assolées
- Glyphosate : chronique d'une molécule herbicide
Une communication sur ce sujet avait également été faite au COLUMA de décembre 2019
Pour les vivaces, le 2,4 D ou le Dicamba sont efficaces sur dicotylédones (à condition de ne pas précéder une culture sensible telle que le colza), le labour en conditions sèches a un intérêt et les interventions de travail du sol répétées régulièrement au cours de l’été sur sol sec et sans pluie annoncée dans les jours suivants avec des outils à bon recouvrement (ailettes) contribuent à épuiser les réserves des vivaces (stratégie d’épuisement).
Dans le cas d’adventices graminées, il n’existe pas d’autre solution herbicide en interculture.
Une autre situation d’impasse est avérée. Il s’agit des systèmes en agriculture de conservation des sols avec du semis direct au sens strict, sans travail du sol en interculture.
Les alternatives autour du travail du sol : la gestion des intercultures reste délicate
Des essais sont mis en place par Terres Inovia sur la thématique « comment semer sur un sol propre ».
En l’absence de glyphosate, le travail du sol pour détruire les adventices présentes (voire les couverts maintenus jusqu’en sortie hiver) avant semis du tournesol (ou du soja ou du pois de printemps) a potentiellement des conséquences sur :
- une modification possible de la structure du sol, en profondeur comme au niveau du lit de semences (particulièrement en sols argileux)
- un dessèchement du profil
Ces deux éléments peuvent impacter la qualité d’implantation du tournesol (et donc la qualité du peuplement et le rendement).
- de nouvelles levées d’adventices possibles, présentes alors dans la culture.
Les essais ont été menés plutôt sur sols argileux hydromorphes ou sols superficiels caillouteux et en infestation de graminées (ray-grass, vulpin) car ce sont les situations les plus délicates. D’autres essais ont été menés plus spécifiquement sur ambroisie (faux-semis et destruction des levées avant le semis décalé du tournesol ou du soja).
L’objectif de ces essais était d’affiner le conseil en situation d’alternative au glyphosate, notamment en testant différents types d’outils de travail du sol et d’emplois avant semis du tournesol pour :
- vérifier que les adventices présentes avant le tournesol soient bien détruites,
- s’assurer que la qualité d’implantation de la culture n’est pas affectée,
- vérifier que cela ne provoque pas trop de nouvelles levées d’adventices en culture.
Sur la même thématique, des essais concernant l’implantation du colza ont également été mis en place. Plusieurs modalités de destruction des repousses de céréales et des graminées sont évaluées (déchaumeur à disques indépendants, herse rotative, vibrodéchaumeur, glyphosate).
Ces essais ont été menés entre autres dans le cadre du projet Ecophyto II+ AGATE GC (Alternatives au GlyphosATE en Grandes Cultures) et du projet Casdar AGILE (Agroéquipements et Itinéraires techniques aLternatifs à l’usage du glyphosatE), tous deux centrés sur la problématique glyphosate.
Le projet AGATE contribuait au renforcement des actions d’accompagnement pour diffuser les solutions et trouver de nouvelles alternatives pour les usages pour lesquels il demeurait des impasses ; il mobilisait des réseaux territoriaux pour faire connaître et promouvoir les alternatives au glyphosate sur l’ensemble des territoires. Il a notamment réalisé des ateliers de réflexion collective sollicitant des experts, des acteurs techniques et des agriculteurs pour orienter identifier des solutions dans des situations précises.
Le projet AGILE, encore en cours de réalisation, se concentre sur l’identification de nouvelles solutions face à ces situations délicates et sur l’évaluation des itinéraires techniques testés vis-à-vis de plusieurs types de critères (économiques, techniques et environnementaux).
Les facteurs de réussite du travail du sol qui s’en dégagent
Sur la destruction des annuelles en interculture longue avant le semis d’un tournesol, d’un soja ou même d’une légumineuse, quelques facteurs de réussite du travail du sol sont à mettre en pratique.
Tout d’abord, concernant le choix des outils de travail du sol, il faut privilégier les outils permettant de travailler 100% de la surface (outils à socs larges ou équipés d’ailettes), sans rouleau pour éviter de rappuyer le sol et de préférence équipés d’une herse à l’arrière pour maintenir les adventices déracinées en surface et favoriser ainsi leur dessèchement. La herse rotative aussi a montré des bons résultats de destruction dans certaines conditions.
Il est impératif d’intervenir par temps séchant : sol sec et absence de pluie annoncée dans les jours qui suivent, afin d’éviter le repiquage ou la mise en germination de nouvelles graines. Une compilation des données d’essais d’Arvalis et de Terres Inovia (issus du projet AGATE notamment) montre que la destruction mécanique est autour de 100% sur les dicotylédones quel que soit leur stade ou des graminées jeunes, mais dès lors que les graminées commencent le tallage, il est beaucoup plus difficile de les détruire totalement, et ce particulièrement par temps humide. En interculture longue, il est alors conseillé de faire une destruction des graminées à l’entrée de l’hiver en visant des conditions sèches, car en début de printemps, ces graminées, plus développées, peuvent connaitre une destruction insuffisante.
Enfin, comme ce travail du sol peut favoriser la levée d’adventices printanières (exemple ambroisie), on veillera aussi à anticiper les programmes chimiques et mécaniques de désherbage dans la culture suivante.
Des stratégies à mettre en œuvre selon le type d’interculture
Avant colza
Si l’interdiction du glyphosate reste liée à la présence de labour, la question peut cependant se poser en non-labour, technique plutôt conseillée pour implanter un colza, notamment en sols argileux.
Au moment du semis du colza courant août, le temps est souvent séchant. Il peut cependant y avoir des repousses de céréales qu’il convient de détruire pour implanter le colza pour éviter d’avoir à les gérer en culture. En l’absence de glyphosate, le recours à du travail du sol s’impose pour cette destruction. Cependant, le risque est d’assécher le lit de semences par ce travail du sol, ce qui sera préjudiciable au colza. Par ailleurs, il n’est pas impossible que ce travail du sol avant semis provoque de nouvelles levées d’adventices qui se retrouvent alors présentes dans la culture.
Sachant qu’un semis précoce est conseillé (colza robuste) et que la priorité reste la qualité de la préparation du sol pour une levée optimale en condition de pluviométrie restreinte, deux scénarios se dessinent :
- s’il y a eu quelques pluies durant l’été, les repousses de céréales ou autres adventices pourront être détruites par un outil à dent (type vibrodéchaumeur) ou un outil à disque (travail superficiel) avant le semis ou par une herse rotative combinée en cas d’utilisation d’un semoir à céréales.
- Si la destruction mécanique compromet une humidité résiduelle du sol (par exemple après un orage), on doit privilégier la qualité de levée du colza. Dans ce cas, le salissement des repousses de céréales sera contrôlé en post-levée avec un anti-graminée foliaire (ici la substitution du glyphosate se traduit par une plus grande utilisation d’herbicide en culture).
Avant protéagineux d’hiver
Si des adventices sont présentes avant le semis, elles peuvent être détruites avec un vibrodéchaumeur équipé de pattes d’oie, une herse rotative, etc… Intervenir plusieurs fois si nécessaire, en cas de graminées tallées par exemple. Il est conseillé de privilégier la période précédant la mi-septembre pour ces destructions mécaniques, afin de bénéficier d’un climat moins humide pour faciliter les destructions (éviter les risques de repiquage). Si d’autres graminées lèvent, une dernière préparation avant semis sur une période sans pluie ou au semis (combiné) les éliminera pour une grande partie (car ce seront de jeunes levées). En présence de graminées développées (début ou plein tallage), un labour sera plus efficace
Application de glyphosate sur graminées en sortie d’hiver (photo Fanny Vuillemin, TI)
Avant légumineuse de printemps
On peut séparer cette situation en deux cas :
- En sol argileux non labouré ou en sol hydromorphe labouré en été ou en début d’automne : un travail du sol en novembre-décembre devra détruire les levées ainsi que les CIPAN et faire lever des adventices (effet de faux-semis). Ces jeunes levées pourront être détruites au glyphosate dans ces situations (dans la limite de 1080 g/ha/an) ou mécaniquement (mais plus superficiel), juste avant le semis du protéagineux en février-mars afin d’implanter la culture sur un sol propre. Cependant, à cause du risque de ne pas avoir suffisamment de fenêtres disponibles en sortie d’hiver, en l’absence de glyphosate une destruction mécanique le plus tard possible en décembre est plutôt conseillée ; en effet, en février-mars la priorité est au semis.
- En sol limoneux ou en labour d’hiver : dans ces situations le travail du sol tardif juste avant le semis en février-mars peut remplir cette mission. Il convient d’intervenir au plus près du semis pour détruire les éventuelles levées hivernales d’adventices et bien sûr préparer le lit de semences. Cependant, si ces adventices sont développées (reverdissement de labour par exemple), plusieurs passages peuvent être nécessaire pour pouvoir semer sur un sol propre, décalant ainsi parfois la date du semis. La limite étant, en condition humide, le repiquage des graminées.
Avant tournesol (ou soja)
Semer sur un sol propre le tournesol est fondamental, car en gestion des graminées hivernales et au-delà du simple revenu de la culture, la culture représente une vraie rupture pour le ray-grass ou le vulpin à condition que la gestion soit optimale. La première action consiste bien sûr à ne pas semer trop tôt la culture pour optimiser le déstockage grainier et diminuer le risque de levées en culture.
Si le sol est argileux et/ou hydromorphe, en prévision d’un tournesol il convient de :
- Soit labourer en fin d’été ou début d’automne et de préparer le semis précocement, c’est-à-dire avant l’hiver
- Soit, sans labour et en présence de couvert, de le détruire en entrée hiver et de préparer le semis précocement ;
En effet, en absence de glyphosate l’action mécanique est efficace sur jeunes graminées mais l’est beaucoup moins sur des graminées qui ont commencé leur tallage. C’est pour cela que l’intervention à l’automne est importante pour avoir des adventices moins développées en sortie hiver – printemps. Ensuite, après l’hiver une reprise de sol achèvera la préparation du lit de semences. Cette intervention peut suffire pour détruire des jeunes levées printanières avant le semis. Si le sol est reverdi de graminées assez développées, l’application de glyphosate est préférable (autorisé dans cette situation selon la règlementation d’octobre 2020) au plus près du semis qui permettra, outre l’élimination des graminées développées, de détruire également les jeunes levées provoquées par le travail du sol (effet de faux-semis) sans retoucher le sol avant l’implantation du tournesol.
En situation de sol non argileux ou non hydromorphe, le labour peut être réalisé en fin d’automne et jusqu’en sortie hiver, voire dans les jours précédant le semis en limons. S’il se reverdit ou s’il a mal enfoui des graminées tallées, il y a uniquement la solution du travail du sol pour les détruire (glyphosate non autorisé). Un vibroculteur ou un vibrodéchaumeur équipé de pattes d’oie ou une herse rotative auront alors pour but, outre la préparation du lit de semences, de détruire alors les adventices. Le travail du sol de tout début de printemps pourra aussi être réalisé dans une optique de faux-semis (dans le cas de flore ambroisie ou renouée liseron à « déstocker » par exemple). Il sera alors plus aisé de décaler la date de semis du tournesol pour laisser les adventices lever et les détruire ensuite mécaniquement par temps séchant, avant de semer sur un sol propre. Il faut alors garder en tête plusieurs points de vigilance : si le printemps est sec, ne pas trop multiplier les interventions pour éviter d’assécher le lit de semences, si le printemps est humide, intervenir sur sol suffisamment ressuyé pour ne pas provoquer de tassements et un lissage avec les outils à ailettes ou avec la herse rotative et enfin ne pas semer trop tardivement le tournesol (ne pas dépasser la mi-mai) pour préserver le potentiel de rendement.
Documents à télécharger
- Perspectives agricoles n°484 - Dossier glyphosate Télécharger le pdf
- Rencontres Techniques de Terres Inovia (déc 2021) - Gestion des adventices : que faire en situation de réduction de glyphosate ? Télécharger le pdf
- Interculture : que faire en situation de réduction de glyphosate ? Télécharger le pdf
- Etude d’itinéraires techniques alternatifs à l’usage du glyphosate en grandes cultures Télécharger le pdf
- Alternatives au glyphosate : des leviers aux efficacités variables Télécharger le pdf
- Alternatives au glyphosate : davantage de travail du sol en vue Télécharger le pdf
- Systèmes de culture Syppre sans glyphosate : des difficultés persistent - Article COLUMA Télécharger le pdf
- Systèmes de culture Syppre sans glyphosate : des difficultés persistent - Présentation COLUMA Télécharger le pdf
- Bilan de l'arrêt du glyphosate sur les plateformes Syppre : des réussites et des impasses selon les situations Télécharger le pdf