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Retour sur le congrès mondial sur le colza, volet 2 : les dernières innovations

10 juil. 2019

Le logo du GCIRC 2019

Lutte contre les insectes ravageurs

Andreas Tiedeman de l’Université de Gottingen (Allemagne) a fait le bilan mondial des maladies et ravageurs du colza en séance plénière. Il constate qu’aujourd’hui le problème majeur du colza d’hiver est la lutte contre les ravageurs. En vingt ans, les traitements insecticides sont devenus plus fréquents, alors que l’utilisation de fongicides est restée stable. En France, le charançon du bourgeon terminal et la grosse altise sont les principaux ravageurs à l’automne. Plus à l’Est, c’est la mouche du chou qui est problématique (Allemagne, Pologne). Partout en Europe, le retrait des néonicotinoïdes pose problème sur puceron et altise.

La gestion de la résistance des insectes dans le colza d'hiver est donc compromise par une diminution constante du nombre d'insecticides. Les modes d’action restant sont en sursis avec l’apparition de phénomènes de résistances. De nouveaux mode d’action sont indispensables. L’interruption de la culture sur l’ensemble d’un périmètre de production -a également été suggéré par nos collègues allemands comme piste d’action à considérer sérieusement vu l’évolution du contexte.

Pour lutter contre les ravageurs, la méthode IPM Integrated Pest Managment se décline en 4 étapes :

-Déterminer les seuils ;

-Evaluer les populations et les risques ;

-La prévention ;

-Le contrôle.

L’évaluation des populations au champ est souvent chronophage, mais n’est pas toujours pertinente et cela peut conduire à utiliser des insecticides inutilement. Comment évaluer au mieux ces populations et utiliser moins d’insecticides ? Une technique actuellement testée au Danemark est basée sur le laser pour compter les ravageurs et auxiliaires (LIDAR, Light detection and ranging » ou « laser detection and ranging).

Du côté des méthodes de pulvérisation, le dropleg ou pulvérisateur avec « pendillard » - a également été présentée au GCIRC. Le principe : les buses sont maintenues dans la végétation et la pulvérisation est dirigée latéralement et vers le bas. L’objectif est de réduire les résidus dans les graines et de protéger les abeilles et autres pollinisateurs qui sont actifs sur le dessus de la végétation. Tout comme les auxiliaires, les ravageurs comme le charançon des siliques ou les cécidomyies sont plus actifs sur le haut de la végétation. Mais le dropleg n’a pas permis de gain significatif. Reste à étudier l’impact de cette technique sur une maladie en floraison, le sclerotinia.

Parmi les différentes présentations, le JKI (Julius Kühn Institute, Allemagne) a présenté le monitoring qu’il réalise depuis 2005 sur les principaux ravageurs du colza pour évaluer leur résistance aux insecticides. Ce monitoring est basé sur des tests flacons et des recherches de mutation de cible. Leurs conclusions ? Les méligèthes sont résistants aux pyréthrinoïdes de longue date, avec un niveau de résistance très élevé (supérieur à 300). Le charançon des siliques présente aussi une résistance aux pyréthrinoïdes avec un facteur de résistance de 67. Les charançons de la tige du chou et du colza ainsi que les cécidomyies sont considérés sensibles. La grosse altise présente des résistance type KDR et le facteur de résistance est de 24. Enfin, si la présence du charançon du bourgeon terminal se limite au sud de l’Allemagne et est moins fréquent que les autres coléoptères du colza, les premiers cas de mutation KDR ont été identifiés sur deux populations.

Agronomie : le colza, utile pour rompre le cycle des bioagresseurs des céréales

Le retour trop fréquent d’une culture est source de développement des problèmes phytosanitaires. Des présentations venant du nord-ouest des Etats-Unis et de la Norvège montrent que ces pays découvrent l'intérêt du colza pour rompre le cycle des bioagresseurs dans des rotations céréalières. Dans ces deux pays, les résultats d'expérimentations et des enquêtes chez les agriculteurs montrent que l'introduction du colza améliore le rendement du blé suivant et le résultat économique. C'est aussi la raison pour laquelle le colza s'est durablement installé dans le sud de l'Australie où il est cultivé sur plus de 2 millions d'hectares. Une rotation encore plus diversifiée est cependant nécessaire pour la durabilité des systèmes de culture. En Angleterre, l'introduction de cultures de printemps est ainsi envisagée dans les rotations à base de colza et de céréales d'hiver, pour mieux contrôler les graminées adventices. Les dégâts causés par la grosse altise conduisent également les agriculteurs allemands et anglais à revoir leurs rotations.

Colza associé : peu de travaux à l'étranger à l'exception de la suisse Romande

La technique des colzas associés semble encore peu étudiée à l'étranger, avec seulement deux présentations dédiées. En Suisse, la technique se développe de façon importante dans la partie romande (francophone) où elle est pratiquée par 20 à 35% des producteurs de colza, mais ne décolle pas dans la zone alémanique de la Suisse (5% des agriculteurs). Le poster montre l'absence de bénéfices de la technique en Allemagne, attribuée à un manque de développement des couverts associés. Ces techniques de couverts associés sont peu intégrées dans les réflexions sur les perspectives au niveau européen : elles sont encore mal maîtrisées et les services qu’elles fournissent mal appréhendés.

Gaz à effet de serre

L’Allemagne travaille sur un modèle Tier2 pour calculer les émissions de GES (gaz à effet de serre) du colza. Une synthèse des émissions de N2O au champ, plus fidèle au contexte pédoclimatique, a été élaborée à partir d'études au champ. Résultat : un facteur d'émission de 0.6% alors que, pour GIEC Tier1, il est de 1%. Ainsi, les bilans de GES reconnus pour le colza et ses utilisations en biocarburant sont nettement plus favorables.

Qualité et débouchés du colza

L’intérêt pour la protéine du colza, déjà apparu lors du congrès de Saskatoon en 2015 s’est confirmé. Une session sur protéines de colza pour alimentation humaine a montré comment extraire l'huile sans dégrader la qualité des protéines. Une présentation originale a été faite sur la découverte d'un composé qui donne de l'amertume aux protéines de colza.

Tourteaux de colza

Une session a été dédiée au débouché en alimentation animale, qui montre que la valorisation de la fraction tourteau est plus que jamais d’actualité pour l’équilibre économique de la culture. Curtis Rempel (Canola Council, Canada) a montré l'accroissement de la valeur d'usage du tourteau de colza: un partenariat public-privé a permis d'augmenter la valeur des protéines du colza.

Diversité génomique

De très nombreuses présentations ont mis en avant des approches globales de métabolomique ou de re-séquençages massifs du génome de Brassica Napus.

Les avancées technologiques ont permis ces dernières années de réduire très fortement le coût du séquençage, d'augmenter la longueur des séquences obtenues et ainsi d'assembler des fragments plus importants afin d'identifier des variants naturels au sein de centaines d'accessions.

Plusieurs études très concordantes visant à comprendre les évènements initiaux du croisement Brassica oleracea (CC) x Brassica rapa (AA) ayant abouti à Brassica napus (AACC) ont confirmé les réarrangements préférentiels qui ont eu lieu, à savoir plus de duplication du génome A et plus de délétions du génome C.

Ces analyses de masse ont permis d'isoler de nombreux marqueurs (SSR, SNP, InDel) qui sont disponibles pour la communauté.

Les aspects de méthylation de l'ADN, clés pour comprendre les phénomènes épigénétiques,ont également été étudiés et montrent logiquement des variations principalement au niveau des transposons.

Ces outils moléculaires ont également permis d'investiguer par des approches quantitatives de QTL sur des phénotypes de floraison, de teneurs en GSL, de résistance à certains pathogènes (verticillium).

Des pistes intéressantes sur la moutarde

Le séquençage de sinapis alba a montré qu'il contient 12 chromosomes, un génome de 328Mb avec 10 chromosomes de 21 à 27 Mb et deux autres plus grands (de 55Mb et 38Mb). Le génome de cette moutarde présente un évènement classique de triplication spécifique des brassicaceae.

Des études indiennes ont identifié des variants naturels de transporteurs des GSL (mutants gtr) et envisagent d'identifier ou générer de nouveaux mutants de ces transporteurs pour diminuer les teneurs en GSL dans les graines.

Au niveau des pathologies, des études d'introgression d'un fond B.fruticulosa (résistant au puceron L.erysimi) ont également permis de montrer des effets bénéfiques lors de tests en laboratoire et au champ.

Mutagénèse

Les outils des biotechnologies ont suscité une discussion sur les aspects règlementaires, avec l’exemple de la classification OGM en Europe des mutants issus de CRISPR-Cas9, comparés aux issues de la mutagénèse chimique (EMS tilling).

De très nombreuses équipes ont montré des utilisations de CRISPR-Cas9 sur B.napus pour répondre à différentes questions biologiques (diminuer le taux d’acide phytique, maintenir l'accumulation d'huile dans la graine, modifier l'architecture de la plante, etc...).

Une présentation a permis de voir la mise au point d'une expression transitoire en protoplastes du système CRISPR -Cas9 afin de s'affranchir de son intégration dans le génome, ce qui permettrait d'éviter de laisser des traces dans le génome). Cela requiert un transfert et une régénération efficace. L'absence d'insertion du vecteur et d'impact sur les générations suivantes restent encore à prouver mais semble ouvrir une nouvelle voie à l'utilisation de CRISPR-Cas9 sur B.napus.

Enjeu et perspectives du colza dans les principaux pays producteurs

En marge de la conférence, des représentants des principaux pays producteurs de colza ont partagé leur vision des enjeux et perspectives de la culture du colza dans les années à venir, lors d'un workshop. En Europe, ils font un constat commun : la gestion des insectes est un problème majeur avec l'augmentation des phénomènes de résistance et l'arrêt de l'usage des néonicotinoïdes. En Allemagne, Angleterre, Pologne et France, une baisse des surfaces est observée et attribuée à cette problématique. Tous s'accordent à dire qu'il faut trouver un mode de gestion sans insecticides. Le levier régulation naturelle est fait à l'unanimité, mais aucun travail récent sur ce sujet n'est identifié, mis à part R2D2. En plus de ces sujets, les britanniques sont préoccupés par la gestion du vulpin visiblement compliquée dans le colza. Les allemands sont, eux, soucieux de la nutrition azotée du colza car ils craignent des restrictions de doses. Optimiser l'implantation avec des leviers agronomiques ne semble pas être perçu comme un levier décisif par les autres pays européens, en dehors de la France. En Australie, l'enjeu principal semble résider dans la réussite de l'implantation en conditions de plus en plus sèches.

Le GCIRC, qu’est-ce que c’est ?

Le GCIRC ( Global Council for Innovation on Rapeseed / Canola) est une association regroupant des chercheurs du public et du privé du monde entier pour partager leurs idées, orienter les recherches, et organiser le congrès. Le CETIOM, qui a précédé Terres Inovia, était parmi les fondateurs (1977). Plusieurs collaborateurs de Terres Inovia en sont membres, participant notamment au Bureau de l'association. L’institut assure le secrétariat permanent.