Chargement en cours...
null

Agroécologie : R2D2 à la rencontre des agriculteurs en Suisse

20 juil. 2023

Les 7 et 8 juin derniers se tenaient dans le canton de Vaud, en Suisse, deux journées de terrain consacrées aux « surfaces de promotion de la biodiversité » et à leur rôle clé dans le fonctionnement des agrosystèmes.

Organisé par le groupe Proconseil, l’événement a été l’occasion, pour les agriculteurs du projet R2D2, de découvrir les pratiques innovantes de l’agriculture vaudoise et d’échanger avec des agriculteurs engagés depuis plus de 10 ans dans la transition de leurs systèmes. Nicolas Cerrutti, chargé d’études biodiversité fonctionnelle, et Michael Geloen, ingénieur de développement de Terres Inovia, ont suivi ces échanges avec intérêt.

C’est à juste titre que la Suisse fait souvent office de modèle quand il est question de promotion de la biodiversité dans les exploitations agricoles. Les politiques publiques helvétiques incitent financièrement et accompagnent techniquement la mise en œuvre de pratiques et d’aménagements agroécologiques qui peinent encore à se développer en France.

Bandes fleuries annuelles, pérennes, ourlets (1) - appelés Surfaces de Promotion de la Biodiversité (SPB) - sont ainsi plus facilement adoptés par les agriculteurs. Beaucoup d’agriculteurs suisses ont ainsi amorcé la transition agroécologique de leurs systèmes il y a près de 15 ans maintenant. Les exploitants du projet R2D2 ont rencontré certains d’entre eux, des passionnés. Si au départ, ce sont les incitations financières qui les ont amené à sauter le pas, aujourd’hui aucun ne reviendrait en arrière…

Les haies sont des habitats indispensables aux auxiliaires des cultures. Leur rôle a été expliqué en détail par Anne-Claude Jacquat, vulgarisatrice biodiversité chez Prométerre. Crédit : N.Cerruti- Terres Inovia

 

« Une source de résilience importante pour les systèmes de production »

Fabrice Allaz, producteur de grandes cultures sur la commune de Villars-Le-Terroir s’est associé il y a 15 ans avec deux de ses voisins pour mettre en place un projet destiné à favoriser les auxiliaires de cultures sur une centaine d’hectares. Accompagné techniquement par un biologiste indépendant, il a mis en place un réseau de bandes fleuries et d’ourlets pour créer des zones relais pour les auxiliaires de culture et a réagencé son parcellaire pour diminuer la taille des parcelles cultivées.

En parallèle, il a arrêté le labour et est passé en semis direct sous couvert permanent. Fabrice a trouvé dans cette nouvelle façon de produire « une source de résilience importante pour son système de production ». Il se félicite d’avoir réduit fortement ses intrants, notamment les insecticides sur ses cultures de blé et de colza tout en conservant des niveaux de productivité identiques à certains de ces voisins qui n’ont pas changé de pratiques. Ce succès, Fabrice l’attribue à un meilleur fonctionnement de son sol et également à de meilleurs niveaux de régulations biologiques qui font barrière aux insectes ravageurs, baissant la fréquence et l’intensité des pullulations.

« Améliorer la croissance des plantes grâce à l’activité microbienne des sols »

André Staudenmann, agriculteur à Vuarrens, valorise également les services rendus par la biodiversité pour limiter le recours aux intrants de synthèse. Il insiste fortement sur l’importance du sol. Pour lui le travail effectué à l’échelle du paysage pour favoriser les régulations biologiques ne peut porter ses fruits si les cultures poussent sur un sol dont l’activité biologique est insuffisante. Grâce à la couverture permanente, le non-labour et les amendements organiques à base de compost, il recherche à « booster l’activité microbienne de ses sols pour améliorer la croissance des plantes et leur immunité ».

Eric Fazan, agriculteur, explique le rôle d’un ourlet à base de graminées comme espace support de biodiversité- Crédit : N.Cerruti-Terres Inovia

​​​​​​​

Le rôle central des espaces non-productifs
 

Pour les agriculteurs français, le dépaysement est au rendez-vous… Ils découvrent des structures d’exploitations différentes (40 ha de moyenne pour les fermes visitées) et des paysages agricoles dans lesquels les espaces non-productifs ont une place centrale car ils sont valorisés pour leurs fonctions écologiques. Il existe également en Suisse des contributions financières pour des conduites dites « extenso » en grandes cultures qui proscrivent l’utilisation d’insecticides et de fongicides.

Parmi les surfaces de promotion de la biodiversité, certains aménagements sont pérennisés depuis plus de 10 ans chez les agriculteurs rencontrés. De plus, il faut noter que ce pays a été moins touché par le remembrement que la France et comporte encore des réseaux de haies multi-strates âgées qui servent de refuge et d’alimentation à de nombreux insectes auxiliaires comme les abeilles sauvages et domestiques ou encore les syrphes. En Suisse, les SPB représentent au total 19% de la surface agricole.

Le développement d’insectes utiles aux cultures

La structure des paysages suisses est un atout pour la circulation des insectes auxiliaires et leur pénétration jusqu’au cœur des parcelles agricoles. Les entomologistes présents lors de ces rencontres ont relevé et trié les insectes piégés dans des pots barbers qui avaient été positionnés dans les parcelles visitées deux jours avant l’évènement.

Tri des insectes piégés dans une parcelle de blé situé à proximité d’un ourlet deux jours après la pose du piège barber- Crédit : N.Cerruti- Terres Inovia

Ces pots regorgeaient d’insectes utiles à l’agriculteur comme les carabes et les araignées. D’une manière générale, l’abondance et la diversité des communautés de prédateurs du sol était plus importante que dans les parcelles suivies en France.

Nous nous trouvons dans des contextes de production bien différents et de ce fait, tout ce qui a été vu ne pourra pas être transposé en l’état. Cependant, la richesse des échanges franco-suisses, de même que le recul acquis au sujet de pratiques que les agriculteurs du projet R2D2 commencent seulement à explorer, servira, nous l’espérons, de catalyseur dans l’appropriation d’innovations.

 

(1) Les ourlets sont des bandes extensives pluriannuelles de végétation herbacée. En tant qu'élément permanent, l'ourlet offre nourriture, refuge et lieu d'hivernage à de nombreux auxiliaires. Il s’agit d’un élément linéaire, très adapté pour la mise en réseau des milieux naturels.

 

Retrouvez toutes les actualités et étapes du projet R2D2 sur la page dédié de notre site internet