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Irrigation du tournesol : expérience d’un agriculteur en Poitou-Charentes

09 nov. 2022

Laurent Billeaud, agriculteur sur le secteur de Vérines en Charente-Maritime, témoigne de son expérience concernant la conduite de l’irrigation sur tournesol. Laurence Pauly, ingénieur de développement à Terres Inovia, nous fait part de ces échanges réalisés dans le cadre du réseau irrigants.

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Laurence Pauly : M. Billeaud, pourriez-vous présenter rapidement votre exploitation ?
Laurent Billeaud : Je suis installé en tant qu’agriculteur sur Vérines depuis 1988 sur une exploitation qui comporte 120 ha principalement sur des groies superficielles et moyennes et 16 ha de marais. Je cultive essentiellement du blé tendre, du pois, du tournesol, du maïs dans les marais, de l’œillette, du lin et du colza.

Laurence Pauly : Quelles sont les cultures irrigables et irriguées sur votre exploitation ?
Laurent Billeaud : Toute la surface de l’exploitation n’est pas irrigable, seulement 70 ha avec une installation d’irrigation sur l’exploitation depuis 1996.
J’ai 15 hectares de blé hybride semences que j’irrigue au printemps. Lorsque je fais du pois, je l’irrigue très exceptionnellement surtout par manque de temps et de quantité d’eau disponible. Aujourd’hui, je cultive mon maïs uniquement dans les marais car sinon je n’aurais pas assez d’eau.
Le tournesol n’est pas forcément sur des terres irrigables même si c’est un plus, tout dépend des rotations.

Laurence Pauly : En moyenne, quelle est la part de tournesol dans votre assolement ?
Laurent Billeaud : La culture du tournesol existe sur l’exploitation depuis mon installation avec environ 10 à 15 ha selon les années. J’évite d’installer cette culture près des villages car trop de dégâts de palombes.

Laurence Pauly : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous irriguer votre tournesol ?
Laurent Billeaud : Les étés sont secs et mes parcelles ont des réserves utiles qui ne suffisent pas aux besoins de certaines cultures. Pour le tournesol, le gain de rendement en irrigué n’est pas négligeable puisqu’avec quelques passages, on gagne facilement 10 q/ha. J’irrigue mon tournesol depuis que je n’irrigue plus le maïs et que je le positionne uniquement dans les marais. Cela fait environ une quinzaine d’année.

Laurence Pauly : Est-ce que le fait que le tournesol a besoin de moins de tours d’eau qu’un maïs fait pencher la balance vers une culture plutôt qu’une autre ?
Laurent Billeaud :  Le tournesol a moins de besoin qu’un maïs donc oui en effet, cela fait moins de travail, moins de contrainte surtout en période de moisson.

Laurence Pauly : Des études ont montré que l’irrigation permettait d’augmenter la teneur en huile du tournesol. Est-ce aussi un facteur qui vous pousse à irriguer ?
Laurent Billeaud :  nous n’avons pas d’information sur le critère de qualité de l’huile au moment de la livraison. Mais si l’irrigation améliore la qualité, tant mieux !

Laurence Pauly : Quelle est votre stratégie d’irrigation sur tournesol, déclenchement, quantité ?
Laurent Billeaud :  Pas de règle précise, on s’adapte à l’année. Cette année, j’ai arrosé au mois de juin pour valoriser mon apport d’azote. J’ai semé tôt (début avril), je n’ai pas eu besoin d’apporter de l’eau pour le faire lever. Des années moyennes, je débute autour de fin juin, avant floraison.
Je prends mes décisions en observant la culture. Je vois si le tournesol commence à stresser avant la floraison, alors je vais déclencher une irrigation. Le tournesol est plus facile à gérer que le maïs dans le sens où il tolère mieux le stress qu’un maïs. Il peut perdre un peu de feuilles, surtout quand il en a trop. C’est plus facile ensuite pour les maintenir.
En général, le deuxième passage intervient fin floraison. S’il y a besoin d’un troisième passage, c’est rapidement après le deuxième. Cette année, les besoins ont été rapides vue la canicule.
En termes de quantité, tout dépend de ce que j’ai de disponible et des restrictions. Une année sans restriction, je vise autour de 30 mm par passage sur le tournesol.

Laurence Pauly : Est-ce que vous jouez sur la précocité des variétés pour étaler vos passages d’irrigation ?
Laurent Billeaud :
Non, je n’ai qu’une seule variété sinon cela complique la période de récolte. Ma surface n’est pas assez importante, si je devais avoir plus de surfaces, oui, peut-être que je ferais des précocités différentes.

Laurence Pauly : Quel est votre niveau de rendement en tournesol irrigué et non irrigué ?
Laurent Billeaud :
J’obtiens facilement 10 q/ha d’écart entre le tournesol irrigué et non irrigué. Une année moyenne, je fais 20 q/ha en sec, jamais en dessous de 18 q/ha. En irrigué, je peux atteindre maximum 37 q/ha avec plutôt une moyenne autour de 32 q/ha. Une année comme 2022, heureusement que j’ai irrigué mon tournesol !
Même en 2021, année assez humide, j’ai eu une différence de 7-8 q/ha entre du tournesol irrigué et 2 ha laissés en sec pour le suivi avec Terres Inovia.  Visuellement, on ne voyait pas d’écart entre les deux et pourtant. Au global, j’ai eu un rendement de 38 q/ha sur la parcelle grâce à 2 tours d’eau de 25 mm chacun.

Laurence Pauly : Pourquoi avez-vous choisi de participer au réseau irrigants tournesol de Terres Inovia ?
Laurent Billeaud
: Toujours intéressant d’échanger, par curiosité aussi. Les essais sont toujours intéressants. On a parfois tendance à irriguer trop tôt ou trop tard, cela permet d’avoir des conseils plus précis. Cela a permis de compléter l’information sur le sujet.

Laurence Pauly : A ce jour, pensez-vous avoir toutes les clés entre les mains pour irriguer votre tournesol ?
Laurent Billeaud
: Chaque année est différente, il faut s’adapter ! La contrainte majeure c’est l’interdiction d’irriguer les années sèches. Je continuerais d’irriguer tant que je peux. Si les quantités d’eau diminuent, je devrais faire des choix. Je pourrais continuer le tournesol mais la marge ne sera pas la même. L’irrigation est indispensable sur certaines cultures dans mon secteur pour assurer un minimum de rentabilité de ces cultures et de l’exploitation.

Cette interview a été réalisée dans le cadre du réseau irrigants mis en place grâce au financement de Cap Protéines.

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La responsabilité des ministères en charge de l’agriculture et de l’économie ne saurait être engagée.​​​​​​​