Varenne agricole : les analyses de Terres Inovia au coeur des réflexions de la filière
Varenne agricole : les analyses de Terres Inovia au coeur des réflexions de la filière
Etant donné le manque de connaissances fréquent sur les espèces oléo-protéagineuses, le travail de l’institut s'est construit à partir des observations étayées sur les décennies passées et qui peuvent être raisonnablement projetées dans l’avenir.
Un état des lieux préoccupant
Colza : des freins à la croissance qui devraient empirer
Les campagnes récentes ont très fréquemment été marquées par des levées de colza tardives, irrégulières, voire absentes. Ce phénomène, dû au dessèchement de l’horizon superficiel du sol en l’absence de pluies, de plus en plus fréquent, s’avère d’autant plus nuisible qu’il réduit fortement l’efficacité de la méthode de lutte intégrée contre les ravageurs d’automne de la culture.
En effet, les solutions phytosanitaires traditionnelles ne sont plus suffisamment efficaces (trop peu nombreuses et donc sujettes à des apparitions rapides de résistances). Le phénomène est encore aggravé par l’accroissement de la pression de ces ravageurs : l’atteinte des stades larvaires les plus avancés (donc une nuisibilité plus forte) se fait plusieurs semaines voire, pour les zones les plus froides, plusieurs mois, plus tôt que par le passé, ce qui est favorisé par l’accroissement des températures. Cet impact est indéniablement le plus grave car il a déjà amputé, dans les années récentes, un tiers des surfaces de la culture, et on peut imaginer que, faute d’adaptations, cela s’empire.
Autre phénomène, souvent oublié, les excès d’eau, en particulier hivernaux, sont préjudiciables à de nombreuses cultures, et en particulier le colza, avec son système racinaire pivotant.
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Tournesol : une relative tolérance à la sécheresse qui expose paradoxalement la culture
L’évolution climatique a induit chez le tournesol, dans ses bassins traditionnels du Sud, un accroissement des conditions de stress hydrique et thermique, et un raccourcissement du cycle. Toutefois, cela ne se traduit pas directement par une baisse des potentiels de rendement. La stagnation ou baisse des rendements est avant tout due au choix de privilégier le tournesol pour des contextes à faible disponibilité en eau (sols superficiels, conduites en sec) : c’est paradoxalement l’adaptation de cette culture aux stress climatiques qui conduit à la voir plus exposée.
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https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/full_html/2020/01/ocl200051/ocl200051.html
Pois : une culture sensible aux gels tardifs
Le pois protéagineux est un exemple type de culture impactée par des évolutions contradictoires du changement climatique. La culture s’avère en effet plus exposé aux dégâts de gel tardifs. Le réchauffement hivernal induisant une avancée des stades et une sortie de la culture de sa phase d’endurcissement au froid, elle est rendue sensible plus tôt. La campagne 2021 est d’ailleurs particulièrement marquée par ce phénomène qui, au-delà de ses dégâts directs, entraine une sensibilisation de la culture aux maladies, et en particulier à la bactériose.
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https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/pdf/2017/01/ocl160055s.pdf
Soja : des conditions de culture dépendantes du contexte hydrique dans le futur
Le soja fait partie des rares cultures qui disposent d’études de modélisation pur faire des projections futures. Ces études montrent une dégradation, au-delà de 2050 dans les scenarii de réchauffement les plus intenses, des conditions de culture de soja dans les bassins traditionnels du Sud-Ouest, très exposés à une dégradation du confort hydrique, alors que les territoires plus septentrionaux pourraient au contraire devenir plus favorables. Or, le confort hydrique du soja, et des légumineuses en général, est une condition pour bien fixer l’azote atmosphérique : le point fort des légumineuses est donc aussi leur point de sensibilité, et dépend donc fortement de l’accès à l’eau.
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https://www.mdpi.com/2073-4395/10/3/330
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.10.08.331496v1.full.pdf+html
Lin oléagineux : la qualité de l’huile impactée
Le facteur le plus impactant sur les teneurs en omega-3, critère qualité essentiel de cette filière, est l’intensité de l’échaudage pendant le remplissage des graines. Les températures nocturnes sont particulièrement préjudiciables et sont donc un point d’attention crucial pour l’avenir de la filière.
Diversification : le réchauffement, un stress supplémentaire qui nuit à la robustesse des cultures
La diversification des cultures – condition d’une agriculture plus durable- peut être très vulnérable au changement climatique, dès lors que chaque culture ne dispose pas d’un panier de solutions techniques suffisant pour faire face aux stress subis par les cultures.
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https://www.terresinovia.fr/-/2020-virus-pois-feverole-lentille-pois-chiche
Quels leviers faut-il mobiliser ?
Améliorer la santé du sol et valoriser les pratiques vertueuses
Terres Inovia met en place des programmes de recherche-développement-transfert pour diffuser des outils opérationnels permettant aux producteurs de gérer de manière plus intégrée la fertilité de leurs sols. Ces démarches, souvent menées avec des réseaux d’agriculteurs, relèvent de l’agriculture de conservation des sols et contribuent à atténuer le changement climatique. L’aval de la filière est également mobilisé, avec par exemple une valorisation des oléagineux à bas gaz à effet de serre (démarches de Saipol, FNA, plusieurs coopératives, etc.).
L’irrigation de résilience
Face à des stress hydriques croissants, l’adoption d’une démarche d’irrigation « de résilience », préconisée par le Ministère, aurait de nombreux intérêts :
- Une irrigation starter en colza peut contribuer à sécuriser les levées.
- Préserver des volumes d’eau tardivement en saison pour la levée du colza et la fin de cycle du soja pourrait permettre des usages de l’eau plus diversifiés.
- Les apports sur légumineuses sont également à favoriser pour leur contribution au processus de fixation symbiotique de l’azote.
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https://hess.copernicus.org/articles/17/3219/2013/hess-17-3219-2013.pdf
Accompagner le déplacement des cultures de printemps vers le Nord
Les opportunités de cultiver plus au Nord certaines cultures traditionnellement plus méridionales – soja, tournesol, pois-chiche – impliquent la mise en place d’un certain nombre d’outils et d’actions, telles que la sélection de variétés précoces adaptées à ces secteurs, le choix des espèces, et bien-sûr le partage d’expériences et de références.
Quels besoins sont nécessaires pour accompagner l’adaptation ?
Un soutien à l’amélioration des plantes des petites espèces, légumineuses à graines et lin oléagineux
Face à la multiplication des stress, le soutien public doit être maintenu, et même renforcé, pour les projets de R&D publics-privés, des techniques de création variétale et la mise en place de dispositifs favorisant l’utilisation de semences certifiées pour les légumineuses à graines, mais aussi un soutien à la R&D sur les petites espèces.
Traiter la question des excès d’eau
Il serait judicieux de lancer de manière concertée des programmes de recherche, allant de connaissances plus fondamentales jusqu’à des travaux appliqués.
Lever le verrou de la diversification
Afin d’éviter que les plus petites espèces ne soient pas outillées suffisamment pour venir s’intégrer dans nos systèmes de production et filières, il nous semble souhaitable de mieux identifier les bénéfices apportés quand une solution de protection des cultures permet d’éviter le risque de ne plus pouvoir cultiver une espèce donnée.
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https://www.terresinovia.fr/p/guide-magellan-semis-direct
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S037837741930914X
https://www.terredetouraine.fr/colza-sd-prometteur-pour-reussir-la-levee-en-conditions-seches
Pour découvrir dans le détail les travaux de synthèse, consultez la pièce jointe.