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La marge exprimée en €/ha est l’indicateur particulièrement adapté pour évaluer la rentabilité économique en grandes cultures. Les marges les plus couramment utilisées sont la marge brute et la marge nette.
Sources : Terres Inovia et outil Systerre®
Calculer les marges à la culture est une étape nécessaire notamment pour faire un bilan économique des cultures en vue de décider d’un assolement. Mais cette approche, bien que très utile, n’est pas toujours suffisante. En effet, cette marge annuelle ne prend pas en compte les effets précédents qui varient selon les espèces (ex : atout des légumineuses à graines) ainsi que les effets liés à la rotation (ex : intérêt de rotations avec à la fois des cultures d’hiver, de printemps et d’été pour une gestion efficace et à coût réduit de l’enherbement).
L’outil de calcul de marge de tournesol est destiné à estimer la marge brute annuelle en €/ha de la culture de tournesol.
De nombreux logiciels permettent de calculer les marges annuelles à la culture.
Pour tenir compte de ces effets précédents et à la rotation, la marge à la rotation exprimée en €/ha/an est l’indicateur adapté. Ainsi, une culture dont la marge annuelle est comparable voire inférieure aux autres espèces de la rotation peut induire une marge à la rotation améliorée et plus stable dans le temps, et donc plus robuste, grâce à ces effets.
Le Barrois est un territoire argilo-calcaire superficiel dans le sud-ouest de la Meuse. Dans certaines zones, la succession culturale la plus fréquente a été au cours des deux dernières décennies Colza-Blé-Orge d’hiver, devenue parfois Colza-Blé-Blé-Orge d’hiver, conséquences par exemple de difficultés d’implantation en colza d’hiver (dans le cas de fin d’été particulièrement sèches). La diversification, notamment avec des cultures de printemps et d’été, permettrait de répondre à certaines difficultés de ces deux systèmes de culture telles que des problématiques de désherbage, de résistances du vulpin, etc. Dans ces sols superficiels, il s’agit de choisir des espèces de printemps ou d’été relativement tolérante au stress hydrique estival. Des résultats acquis précédemment ont montré que le tournesol est mieux adapté à ces situations que le maïs.
Il faut alors chiffrer l’impact économique d’une diversification de ces deux systèmes de culture en calculant la marge à la rotation : si l’on compare la marge brute d’un tournesol avec celle d’un blé tendre ou d’un colza performant, on peut se dire que l’intérêt économique à produire du tournesol est limité. Mais c’est ne pas prendre en compte toute l’importance de l’agronomie et ses bénéfices économiques à moyen terme. Pour ce faire, intégrons les données de plusieurs sources : des résultats d’essais (par exemple l’évaluation de la diminution de 30 à 60 kg N/ha sur un blé après pois protéagineux en comparaison avec un blé après blé), des résultats d’enquêtes chez des agriculteurs et d’essais à l’échelle du système de culture (par exemple le gain de rendement de 7 à 8 q/ha pour un blé de pois par rapport à un blé de blé chez les agriculteurs du territoire) et des enquêtes (enquêtes sur les pratiques culturales de Terres Inovia).
Comparons les systèmes suivants :
Il en ressort que bien que les marges annuelles du tournesol et du pois soient inférieures à celles du blé et du colza, la marge à la rotation est maintenue voire améliorée en introduisant l’une ou l’autre de ces cultures, respectivement dans un système de culture sans ou avec difficultés d’adventices et de ravageurs (figure 1). À noter que, pour ce qui est du pois protéagineux de printemps, l’aide couplée spécifique légumineuses à graines (de l’ordre de 105 €/ha dans le cadre de la PAC 2023-2027 est intégrée au produit. Les enquêtes sur les pratiques culturales du ministère de l’agriculture datant de 2017 révèlent que 15 % de la sole de blé est cultivée derrière un blé en France. Pourtant, cet enchaînement dans le cadre de rotations peu diversifiées, détériore la marge à court et moyen terme. Dans cet exemple, en introduisant du tournesol ou du pois entre deux blés, les résultats économiques s’améliorent et cela peut contribuer à regagner en robustesse.
Dans des situations très dégradées s’agissant de l’enherbement par des adventices hivernales, comme le ray-grass ou le vulpin, des travaux réalisés notamment dans le cadre de l’action SYPPRE (1) ont montré que la succession de deux cultures différentes d’été ou de printemps, à condition que celles-ci soient relativement adaptées à des sols superficiels (à l’exemple du tournesol), permettent de nettement améliorer la marge du blé tendre suivant.
Figure 1 : Marges brutes à la rotation (€/ha/an) avec aides PAC intégrées de deux successions culturales alternatives comparées à colza-blé-blé-orge
(1)SYPPRE est une action inter-instituts avec Arvalis, l’ITB et Terres Inovia
Rotation | Marge brute+ aides PAC (€/ha) | ||||
colza/blé/blé/orge d'hiver (de référence) | 707 | ||||
colza/blé/blé/orge d'hiver (avec performance dégradée) | 475 | ||||
colza/blé/tournesol/blé/orge d'hiver | 725 | ||||
colza/blé/pois/blé/orge d'hiver | 727 | ||||
Rotation de référence | Colza | Blé tendre | Blé tendre | Orge d'hiver | / |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 64 | 65 | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 573 | 463 | 503 | 395 | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 836 | 729 | 600 | 664 | / |
Rotation de référence avec performance dégradée | Colza | Blé tendre | Blé tendre | Orge d'hiver | / |
Rendement (g/ha) | 26 | 50 | 52 | 55 | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 648 | 483 | 523 | 415 | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 437 | 560 | 401 | 504 | / |
Rotation avec tournesol | Colza | Blé tendre | Tournesol | Blé tendre | Orge d'hiver |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 23 | 70 | 65 |
Charges opérationnelles (€/ha) | 558 | 448 | 299 | 475 | 380 |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 851 | 744 | 632 | 717 | 679 |
Rotation avec le pois | Colza | Blé tendre | Pois | Blé tendre | Orge d'hiver |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 35 | 72 | 65 |
Charges opérationnelles (€/ha) | 558 | 448 | 460 | 428 | 380 |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 851 | 744 | 570 | 794 | 679 |
Tableau 1 : rendements, charges et marges à la rotation de deux successions culturales alternatives comparées à colza-blé-blé-orge
Sur le même principe, comparons les successions suivantes :
Là encore, la marge à la rotation des successions alternatives est meilleure que celle du système de culture en conditions dégradées, et proche de la marge de référence (figure 2).
Figure 2 : Marges brutes à la rotation (€/ha/an) avec aides PAC intégrées de cinq successions culturales comparées à colza-blé-orge
Rotation | Marge brute+ aides PAC (€/ha/an) | |||||
colza/blé/orge d'hiver (de référence) | 743 | |||||
colza/blé/orge d'hiver (avec performance dégradée) | 500 | |||||
colza/blé/tournesol/blé/orge d'hiver | 725 | |||||
colza/blé/pois/blé/orge d'hiver | 727 | |||||
colza/blé/tournesol/pois/blé/orge d'hiver | 727 | |||||
colza/blé/orge de printemps/tournesol/blé/orge d'hiver | 718 | |||||
tournesol/blé/pois/blé/orge d'hiver | 695 | |||||
Rotation de référence | Colza | Blé tendre | Orge d'hiver | / | / | / |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 65 | / | / | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 573 | 463 | 395 | / | / | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 836 | 729 | 664 | / | / | / |
Rotation de référence avec performance dégradée | Colza | Blé tendre | Orge d'hiver | / | / | / |
Rendement (g/ha) | 26 | 60 | 55 | / | / | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 648 | 483 | 415 | / | / | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 437 | 560 | 504 | / | / | / |
Rotation avec tournesol | Colza | Blé | Tournesol | Blé | Orge d'hiver | / |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 23 | 70 | 65 | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 558 | 448 | 299 | 475 | 380 | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 851 | 744 | 632 | 717 | 679 | / |
Rotation avec le pois | Colza | Blé | Pois | Blé | Orge d'hiver | / |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 35 | 72 | 65 | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 558 | 448 | 460 | 428 | 380 | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 851 | 744 | 570 | 794 | 679 | / |
Rotation avec tournesol et pois | Colza | Blé | Tournesol | Pois | Blé | Orge d'hiver |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 25 | 35 | 72 | 63 |
Charges opérationnelles (€/ha) | 553 | 443 | 320 | 309 | 470 | 375 |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 836 | 749 | 690 | 570 | 814 | 684 |
Rotation avec orge de printemps et tournesol | Colza | Blé | Orge de printemps | Tournesol | Blé | Orge d'hiver |
Rendement (g/ha) | 35 | 70 | 48 | 25 | 70 | 63 |
Charges opérationnelles (€/ha) | 553 | 443 | 320 | 309 | 470 | 375 |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 836 | 749 | 607 | 690 | 722 | 684 |
Rotation sans colza, avec tournesol et pois | Tournesol | Blé | Pois | Blé | Orge d'hiver | / |
Rendement (g/ha) | 25 | 70 | 35 | 72 | 63 | / |
Charges opérationnelles (€/ha) | 309 | 470 | 460 | 408 | 380 | / |
Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) | 690 | 722 | 570 | 814 | 679 | / |
Tableau 2 : rendements, charges et marges à la rotation de cinq successions culturales alternatives comparées à colza-blé-orge d’hiver
A la condition de prendre en compte, dans la conduite culturale (fertilisation, gestion de l’enherbement, des maladies, etc.), les effets liés au précédent et à la succession culturale, le calcul de la marge à la rotation devient opportun. Il peut se faire à l’échelle de l’îlot de parcelles, c’est-à-dire l’ensemble de parcelles voisines ayant la même succession culturale. Les outils et méthodes de raisonnement de la conduite culturale à la parcelle, ainsi que les divers logiciels de traçabilité disponibles aujourd’hui, facilitent cette approche.
Par ailleurs, dans un contexte de forte volatilité du prix des graines et des intrants, en particulier des engrais NPK, introduire des cultures sobres en intrants comme le tournesol et/ou en engrais comme les légumineuses à graines à condition qu’elles soient adaptées au contexte de production, est un facteur contribuant à la robustesse des systèmes de culture avec, de surcroît, des effets environnementaux positifs (notamment la diminution des émissions de Gaz à Effet de Serre).
Le coût de production exprimé en €/t de graines produite est un indicateur complémentaire à la marge. Il donne des éléments concrets sur les performances économiques de la production considérée (par exemple une culture), que l’on peut comparer à d’autres situations équivalentes dans le cadre, par exemple, de suivis de groupes de fermes. Il permet par ailleurs d’aider à décider de l’opportunité de nouveaux investissements, grâce à la simulation (ex : irrigation ; choix d’un nouveau matériel), ou d’évaluer les effets d’évolution(s) de l’environnement (prix des intrants) et de la conduite culturale sur les résultats économiques et la compétitivité de la production considérée sur les marchés.
Le prix de revient est le coût de production auquel les aides, ramenée en €/t, ont été soustraites. Il est notamment un indicateur pour décider de la stratégie de vente des productions. Il est à comparer au prix de vente de la production considérée.
Exemples de coûts de production, prix de revient et prix de vente en colza, tournesol et soja : valeurs moyennes indicatives nationales.
Exemples de coûts de production, prix de revient et prix comparés en pois protéagineux :
De gros écarts peuvent être observés selon les bassins de production en fonction des charges, les rendements obtenus et les prix de vente. Ici, un exemple du pois protéagineux dans deux départements, la Somme et les Deux-Sèvres. Dans la Somme, le potentiel agronomique est supérieur aux Deux-Sèvres. Le développement de filières sous contrat en pois protéagineux ayant pour débouché l’alimentation humaine (ingrédients), permet par ailleurs une meilleure rémunération du pois dans la Somme par rapport à un département comme les Deux-Sèvres où seul le débouché alimentation animale (pois fourrager) standard est présent.
Marges et coûts de production : exemple du colza
Si l’on compare les résultats économiques du colza entre les zones intermédiaires, caractérisées par un potentiel agronomique limité, et les zones non intermédiaires, nous pouvons observer que les résultats économiques différent tant sur les marges que sur les coûts de production.
Zones intermédiaires en fond rouge
2018 | 2019 | Moyenne 2018-2019 | ||||
ZI | ZNI | ZI | ZNI | ZI | ZNI | |
SAU moyenne des fermes de l'échantillon (ha) | 200 | 168 | 202 | 169 | 201 | 168 |
en % de colza dans le SAU | 19 | 15 | 15 | 13 | 17 | 14 |
Rendement (q/ha) | 27,8 | 34,9 | 27,3 | 34,7 | 28 | 35 |
Prix de vente (€/t) | 350 | 355 | 363 | 374 | 357 | 365 |
Semences (€/ha) | 44 | 45 | 49 | 48 | 46 | 47 |
Produits phytosanitaires (€/ha) | 242 | 220 | 234 | 228 | 238 | 224 |
Travaux 1/3 (€/ha) | 60 | 89 | 80 | 99 | 70 | 94 |
Charges variables (€/ha) | 555 | 571 | 587 | 614 | 571 | 593 |
Charges structures totales (€/ha) | 595 | 786 | 640 | 817 | 618 | 802 |
Rémunération travail familial (€/ha) | 96 | 125 | 121 | 135 | 109 | 130 |
Rémunération capitaux propres (€/ha) | 10 | 13 | 13 | 14 | 11 | 13 |
Aide découplée (€/ha) | 221 | 246 | 214 | 234 | 217 | 240 |
C.V.O (€/ha) | 8 | 11 | 8 | 11 | 8 | 11 |
Marge brute hors aide (€/ha) | 411 | 656 | 398 | 674 | 404 | 665 |
Marge nette avec aide (€/ha) | 37 | 115 | -28 | 91 | 4 | 103 |
Aide DPB ramenée à la tonne produite (€/t) | 79 | 70 | 78 | 68 | 79 | 69 |
Coût de production - aide PAC (€/t) | 337 | 322 | 374 | 348 | 355 | 335 |
Prix de vente (€/t) | 350 | 355 | 363 | 374 | 357 | 365 |
Prix de vente - coût de production + aide PAC (€/t)* | 13 | 33 | -10 | 26 | 1 | 30 |
*pour rémunérer la main d'oeuvre familiale et les capitaux propres
Terres Inovia d'après les données du CER France (observatoire Terres Univia), V. Lecomte, avril 2021.