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Utiliser les indicateurs économiques pertinents pour optimiser les systèmes de culture

Article rédigé par
  • Vincent LECOMTE (v.lecomte@terresinovia.fr)
Utiliser les indicateurs économiques pertinents pour optimiser les systèmes de culture
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    Modifié le : 13 sept. 2023

    Une première étape : calcul des marges à la culture

    La marge exprimée en €/ha est l’indicateur particulièrement adapté pour évaluer la rentabilité économique en grandes cultures. Les marges les plus couramment utilisées sont la marge brute et la marge nette.

     

    Sources : Terres Inovia et outil Systerre®

    Calculer les marges à la culture est une étape nécessaire notamment pour faire un bilan économique des cultures en vue de décider d’un assolement. Mais cette approche, bien que très utile, n’est pas toujours suffisante. En effet, cette marge annuelle ne prend pas en compte les effets précédents qui varient selon les espèces (ex : atout des légumineuses à graines) ainsi que les effets liés à la rotation (ex : intérêt de rotations avec à la fois des cultures d’hiver, de printemps et d’été pour une gestion efficace et à coût réduit de l’enherbement).

    L’outil de calcul de marge de tournesol est destiné à estimer la marge brute annuelle en €/ha de la culture de tournesol.

    Accéder à l'outil

    De nombreux logiciels permettent de calculer les marges annuelles à la culture.

    Calculer les marges à la rotation : de plus en plus opportun et nécessaire

    Pour tenir compte de ces effets précédents et à la rotation, la marge à la rotation exprimée en €/ha/an est l’indicateur adapté.  Ainsi, une culture dont la marge annuelle est comparable voire inférieure aux autres espèces de la rotation peut induire une marge à la rotation améliorée et plus stable dans le temps, et donc plus robuste, grâce à ces effets.

     

    Exemple n°1 : introduire du tournesol et/ou du pois protéagineux dans une rotation colza/blé/blé/orge d’hiver

    Le Barrois est un territoire argilo-calcaire superficiel dans le sud-ouest de la Meuse. Dans certaines zones, la succession culturale la plus fréquente a été au cours des deux dernières décennies Colza-Blé-Orge d’hiver, devenue parfois Colza-Blé-Blé-Orge d’hiver, conséquences par exemple de difficultés d’implantation en colza d’hiver (dans le cas de fin d’été particulièrement sèches). La diversification, notamment avec des cultures de printemps et d’été, permettrait de répondre à certaines difficultés de ces deux systèmes de culture telles que des problématiques de désherbage, de résistances du vulpin, etc. Dans ces sols superficiels, il s’agit de choisir des espèces de printemps ou d’été relativement tolérante au stress hydrique estival. Des résultats acquis précédemment ont montré que le tournesol est mieux adapté à ces situations que le maïs.  

    Il faut alors chiffrer l’impact économique d’une diversification de ces deux systèmes de culture en calculant la marge à la rotation : si l’on compare la marge brute d’un tournesol avec celle d’un blé tendre ou d’un colza performant, on peut se dire que l’intérêt économique à produire du tournesol est limité. Mais c’est ne pas prendre en compte toute l’importance de l’agronomie et ses bénéfices économiques à moyen terme. Pour ce faire, intégrons les données de plusieurs sources : des résultats d’essais (par exemple l’évaluation de la diminution de 30 à 60 kg N/ha sur un blé après pois protéagineux en comparaison avec un blé après blé), des résultats d’enquêtes chez des agriculteurs et d’essais à l’échelle du système de culture (par exemple le gain de rendement de 7 à 8 q/ha pour un blé de pois par rapport à un blé de blé chez les agriculteurs du territoire) et des enquêtes (enquêtes sur les pratiques culturales de Terres Inovia).

    Comparons les systèmes suivants :

    • colza-blé-blé-orge d’hiver, avec ou sans dégradation des performances liée aux difficultés citées ci-dessus,
    • colza-blé-tournesol-blé-orge d’hiver,
    • colza-blé-pois protéagineux -blé-orge d’hiver.

    Il en ressort que bien que les marges annuelles du tournesol et du pois soient inférieures à celles du blé et du colza, la marge à la rotation est maintenue voire améliorée en introduisant l’une ou l’autre de ces cultures, respectivement dans un système de culture sans ou avec difficultés d’adventices et de ravageurs (figure 1). À noter que, pour ce qui est du pois protéagineux de printemps, l’aide couplée spécifique légumineuses à graines (de l’ordre de 105 €/ha dans le cadre de la PAC 2023-2027 est intégrée au produit. Les enquêtes sur les pratiques culturales du ministère de l’agriculture datant de 2017 révèlent que 15 % de la sole de blé est cultivée derrière un blé en France. Pourtant, cet enchaînement dans le cadre de rotations peu diversifiées, détériore la marge à court et moyen terme. Dans cet exemple, en introduisant du tournesol ou du pois entre deux blés, les résultats économiques s’améliorent et cela peut contribuer à regagner en robustesse.  

    Dans des situations très dégradées s’agissant de l’enherbement par des adventices hivernales, comme le ray-grass ou le vulpin, des travaux réalisés notamment dans le cadre de l’action SYPPRE (1) ont montré que la succession de deux cultures différentes d’été ou de printemps, à condition que celles-ci soient relativement adaptées à des sols superficiels (à l’exemple du tournesol), permettent de nettement améliorer la marge du blé tendre suivant.

    Figure 1 : Marges brutes à la rotation (€/ha/an) avec aides PAC intégrées de deux successions culturales alternatives comparées à colza-blé-blé-orge

    (1)SYPPRE est une action inter-instituts avec Arvalis, l’ITB et Terres Inovia

     

     

    Rotation Marge brute+ aides PAC (€/ha)  
    colza/blé/blé/orge d'hiver (de référence) 707
    colza/blé/blé/orge d'hiver (avec performance dégradée) 475
    colza/blé/tournesol/blé/orge d'hiver 725
    colza/blé/pois/blé/orge d'hiver 727
     
    Rotation de référence Colza Blé tendre Blé tendre Orge d'hiver /
    Rendement (g/ha) 35 70 64 65 /
    Charges opérationnelles (€/ha) 573 463 503 395 /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 836 729 600 664 /
    Rotation de référence avec performance dégradée Colza Blé tendre Blé tendre Orge d'hiver /
    Rendement (g/ha) 26 50 52 55 /
    Charges opérationnelles (€/ha) 648 483 523 415 /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 437 560 401 504 /
    Rotation avec tournesol Colza Blé tendre Tournesol Blé tendre Orge d'hiver
    Rendement (g/ha) 35 70 23 70 65
    Charges opérationnelles (€/ha) 558 448 299 475 380
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 851 744 632 717 679
    Rotation avec le pois Colza Blé tendre Pois Blé tendre Orge d'hiver
    Rendement (g/ha) 35 70 35 72 65
    Charges opérationnelles (€/ha) 558 448 460 428 380
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 851 744 570 794 679

     

    Tableau 1 : rendements, charges et marges à la rotation de deux successions culturales alternatives comparées à colza-blé-blé-orge

    Sur le même principe, comparons les successions suivantes :

    • colza-blé-orge d’hiver, avec ou sans dégradation des performances liée aux problématiques citées ci-dessus,
    • colza-blé-pois protéagineux -blé-orge d’hiver,  
    • colza-blé-tournesol-pois-blé-orge d’hiver,
    • colza-blé-orge de printemps-tournesol-blé-orge d’hiver,
    • tournesol-blé-pois protéagineux -blé-orge d’hiver.

    Là encore, la marge à la rotation des successions alternatives est meilleure que celle du système de culture en conditions dégradées, et proche de la marge de référence (figure 2).  ​​​​​​​

    Figure 2 : Marges brutes à la rotation (€/ha/an) avec aides PAC intégrées de cinq successions culturales comparées à colza-blé-orge

    ​​​​​​​

    Rotation Marge brute+ aides PAC (€/ha/an)  
    colza/blé/orge d'hiver (de référence) 743
    colza/blé/orge d'hiver (avec performance dégradée) 500
    colza/blé/tournesol/blé/orge d'hiver 725
    colza/blé/pois/blé/orge d'hiver 727
    colza/blé/tournesol/pois/blé/orge d'hiver 727
    colza/blé/orge de printemps/tournesol/blé/orge d'hiver 718
    tournesol/blé/pois/blé/orge d'hiver 695
     
    Rotation de référence Colza Blé tendre Orge d'hiver / / /
    Rendement (g/ha) 35 70 65 / / /
    Charges opérationnelles (€/ha) 573 463 395 / / /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 836 729 664 / / /
    Rotation de référence avec performance dégradée Colza Blé tendre Orge d'hiver / / /
    Rendement (g/ha) 26 60 55 / / /
    Charges opérationnelles (€/ha) 648 483 415 / / /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 437 560 504 / / /
    Rotation avec tournesol Colza Blé Tournesol Blé Orge d'hiver /
    Rendement (g/ha) 35 70 23 70 65 /
    Charges opérationnelles (€/ha) 558 448 299 475 380 /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 851 744 632 717 679 /
    Rotation avec le pois Colza Blé Pois Blé Orge d'hiver /
    Rendement (g/ha) 35 70 35 72 65 /
    Charges opérationnelles (€/ha) 558 448 460 428 380 /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 851 744 570 794 679 /
    Rotation avec tournesol et pois Colza Blé Tournesol Pois Blé Orge d'hiver
    Rendement (g/ha) 35 70 25 35 72 63
    Charges opérationnelles (€/ha) 553 443 320 309 470 375
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 836 749 690 570 814 684
    Rotation avec orge de printemps et tournesol Colza Blé ​​​​​​​ Orge de printemps Tournesol Blé Orge d'hiver
    Rendement (g/ha) 35 70 48 25 70 63
    Charges opérationnelles (€/ha) 553 443 320 309 470 375
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 836 749 607 690 722 684
    Rotation sans colza, avec tournesol et pois Tournesol Blé Pois Blé Orge d'hiver /
    Rendement (g/ha) 25 70 35 72 63 /
    Charges opérationnelles (€/ha) 309 470 460 408 380 /
    Marge brute + aide(s) PAC (€/ha) 690 722 570 814 679 /

    ​​​​​​​

    Tableau 2 : rendements, charges et marges à la rotation de cinq successions culturales alternatives comparées à colza-blé-orge d’hiver

    A la condition de prendre en compte, dans la conduite culturale (fertilisation, gestion de l’enherbement, des maladies, etc.), les effets liés au précédent et à la succession culturale, le calcul de la marge à la rotation devient opportun. Il peut se faire à l’échelle de l’îlot de parcelles, c’est-à-dire l’ensemble de parcelles voisines ayant la même succession culturale. Les outils et méthodes de raisonnement de la conduite culturale à la parcelle, ainsi que les divers logiciels de traçabilité disponibles aujourd’hui, facilitent cette approche.

    Par ailleurs, dans un contexte de forte volatilité du prix des graines et des intrants, en particulier des engrais NPK, introduire des cultures sobres en intrants comme le tournesol et/ou en engrais comme les légumineuses à graines à condition qu’elles soient adaptées au contexte de production, est un facteur contribuant à la robustesse des systèmes de culture avec, de surcroît, des effets environnementaux positifs (notamment la diminution des émissions de Gaz à Effet de Serre). 

    Le coût de production : un indicateur complémentaire à la marge

    Le coût de production exprimé en €/t de graines produite est un indicateur complémentaire à la marge. Il donne des éléments concrets sur les performances économiques de la production considérée (par exemple une culture), que l’on peut comparer à d’autres situations équivalentes dans le cadre, par exemple, de suivis de groupes de fermes. Il permet par ailleurs d’aider à décider de l’opportunité de nouveaux investissements, grâce à la simulation (ex : irrigation ; choix d’un nouveau matériel), ou d’évaluer les effets d’évolution(s) de l’environnement (prix des intrants) et de la conduite culturale sur les résultats économiques et la compétitivité de la production considérée sur les marchés. 

    Le prix de revient est le coût de production auquel les aides, ramenée en €/t, ont été soustraites. Il est notamment un indicateur pour décider de la stratégie de vente des productions. Il est à comparer au prix de vente de la production considérée.

    Exemples de coûts de production, prix de revient et prix de vente en colza, tournesol et soja : valeurs moyennes indicatives nationales.

    Exemples de coûts de production, prix de revient et prix comparés en pois protéagineux :

    De gros écarts peuvent être observés selon les bassins de production en fonction des charges, les rendements obtenus et les prix de vente. Ici, un exemple du pois protéagineux dans deux départements, la Somme et les Deux-Sèvres. Dans la Somme, le potentiel agronomique est supérieur aux Deux-Sèvres. Le développement de filières sous contrat en pois protéagineux ayant pour débouché l’alimentation humaine (ingrédients), permet par ailleurs une meilleure rémunération du pois dans la Somme par rapport à un département comme les Deux-Sèvres où seul le débouché alimentation animale (pois fourrager) standard est présent.

    Marges et coûts de production : exemple du colza  

    Si l’on compare les résultats économiques du colza entre les zones intermédiaires, caractérisées par un potentiel agronomique limité, et les zones non intermédiaires, nous pouvons observer que les résultats économiques différent tant sur les marges que sur les coûts de production.

    ​​​​​​​

    Zones intermédiaires en fond rouge

    ​​​​​​​

      2018 2019 Moyenne 2018-2019
      ZI ZNI ZI ZNI ZI ZNI
    SAU moyenne des fermes de l'échantillon (ha) 200 168 202 169 201 168
    en % de colza dans le SAU 19 15 15 13 17 14
    Rendement (q/ha) 27,8 34,9 27,3 34,7 28 35
    Prix de vente (€/t) 350 355 363 374 357 365
    Semences (€/ha) 44 45 49 48 46 47
    Produits phytosanitaires (€/ha) 242 220 234 228 238 224
    Travaux 1/3 (€/ha) 60 89 80 99 70 94
    Charges variables (€/ha) 555 571 587 614 571 593
    Charges structures totales (€/ha) 595 786 640 817 618 802
    Rémunération travail familial (€/ha) 96 125 121 135 109 130
    Rémunération capitaux propres (€/ha) 10 13 13 14 11 13
    Aide découplée (€/ha) 221 246 214 234 217 240
    C.V.O (€/ha) 8 11 8 11 8 11
    Marge brute hors aide (€/ha) 411 656 398 674 404 665
    Marge nette avec aide (€/ha) 37 115 -28 91 4 103
    Aide DPB ramenée à la tonne produite (€/t) 79 70 78 68 79 69
    Coût de production - aide PAC (€/t) 337 322 374 348 355 335
    Prix de vente (€/t) 350 355 363 374 357 365
    Prix de vente - coût de production + aide PAC (€/t)* 13 33 -10 26 1 30

     

    *pour rémunérer la main d'oeuvre familiale et les capitaux propres

    Terres Inovia d'après les données du CER France (observatoire Terres Univia), V. Lecomte, avril 2021.

    ​​​​​​​

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