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Tournesol : des résultats mitigés pour une culture d’intérêts

18 déc. 2024

Terres Inovia présente le bilan de campagne 2024 du tournesol. La météo difficile a certes pesé lourd sur le déroulé de cette dernière et sur la production en France. Néanmoins, les résultats méritent d’être nuancés d'autant que cette culture robuste garde des intérêts économiques, agronomiques et écosystémiques.

Des rendements hétérogènes selon les zones de production

Si la campagne du tournesol 2024 a été largement impactée par une météo pluvieuse tant au moment des semis qu’à la récolte, les rendements sont cependant hétérogènes avec des résultats corrects dans le Sud-Ouest.

Le Midi toulousain et le Lauragais s’en sortent bien

Le rendement moyen national de tournesol en 2024, autour de 20 q/ha (en intégrant les surfaces non récoltées auxquelles est affecté un rendement nul), reste inférieur à la moyenne quinquennale (23,8 q/ha), et présente un contraste important avec les résultats de 2023 (25,7 q/ha). A la faveur d’une fin de campagne un peu moins arrosée et de plages de semis un peu plus larges, les secteurs méridionaux tels que le Midi toulousain ou le Lauragais, s’en sortent le mieux avec des rendements moyens autour de 23 q/ha.

Une situation favorable pour les tournesols semés tôt

Les tournesols semés au mois d’avril ont bénéficié d’un scénario plutôt favorable : excellent accompagnement des besoins en eau de la culture avec des plantes restées vertes longtemps après floraison - la durée de surface foliaire étant une composante clé du rendement du tournesol, et pression maladie modérée malgré des départs assez précoces de verticillium (Verticillium dahliae), de phomopsis (Diaporthe helianthi) ou de phoma (Phoma macdonaldii) selon les territoires. Ainsi, dans une moindre mesure dans la moitié nord où le rayonnement a pu être limitant, des résultats satisfaisants ont été relevés, avec des rendements supérieurs à 30 q/ha pour certaines parcelles récoltées lors de la première quinzaine de septembre. Ces situations sont néanmoins restées minoritaires à l’échelle nationale.

Des rendements inférieurs à 20 q/ha

Les rendements obtenus par les tournesols semés tardivement sont souvent restés inférieurs aux 20 q/ha. Les facteurs explicatifs sont multiples : altération des peuplements par les ravageurs de début de cycle, limaces et oiseaux dont les dégâts furent accentués à la faveur d’un démarrage poussif de la culture, déficit de rayonnement durant la floraison sur la partie nord de la France à l’origine de difficultés de fécondation et par conséquent de stérilité des graines, sans oublier les maladies (botrytis en particulier) ayant affecté les capitules en fin de cycle et les pertes à la récolte inhérentes à l’humidité de fin de cycle. Et ironie de cette année climatique atypique, un stress hydrique a pu impacter la culture en floraison, sur les sols les plus superficiels entre fin juillet et début août, notamment dans l’ouest et le centre de la France.

Météo pluvieuse : la cause principale des mauvais rendements

Une campagne marquée par des récoltes humides

Les conditions de récolte extrêmement délicates rencontrées par les producteurs de tournesol français ont marqué cette campagne de production 2024.

La pluviométrie élevée et la relative fraîcheur enregistrées en fin d’été et début d’automne ont considérablement ralenti l’atteinte de la maturité de la culture, et entretenu une forte humidité dans les sols et les graines. Les chantiers de récolte ont ainsi été tardifs, et se sont étalés sur plus de trois mois, avec des fenêtres souvent courtes pour récolter dans des conditions acceptables.

De façon générale, plus la date de récolte a été retardée, plus les rendements ont été affectés. Et, fait historique pour le tournesol français, une part des surfaces n’a pas été récoltée cette année, par impossibilité de rentrer dans les parcelles avec les moissonneuses-batteuses ou de récolter des parcelles versées à la suite d’intempéries, mais aussi par non atteinte de la maturité de la culture, ou à cause d’humidités des graines trop élevée. Cela ne concerne que quelques parcelles dans les secteurs les plus méridionaux, mais de 10 à 15% de la sole dans les secteurs les plus sinistrés de l’ouest et du centre de la France. Des situations intermédiaires sont déplorées dans les autres régions de l’Hexagone ; par exemple, un peu moins de 10% de la surface implantée en tournesol n’a pas été récoltée en Bourgogne.

A l’origine, des semis tardifs en raison des pluies

A l’origine de cette situation sans précédent : les conditions météo ont aussi été pluvieuses sur la période de semis de la culture. Ainsi, peu de créneaux ont été favorables au semis du tournesol de début avril à mi-mai. 20 à 50% des surfaces selon les régions ont été semées tardivement, jusqu’au début du mois de juin. Dans l’est et le nord de la France, quelques producteurs ont même renoncé à mettre en place la culture. N’oublions pas d’évoquer des sommes de températures estivales en retrait par rapport aux précédentes campagnes, expliquant qu’une part conséquente du tournesol français est arrivé au début du mois de septembre avec un gros retard dans son développement.

 

 

2024 : 1,4 million de tonnes de graines de tournesol produites

Un niveau plus conforme à ceux obtenus entre 2015 et 2020

A l’aune de ces résultats agronomiques, la production nationale de graines de tournesol devrait retrouver un niveau plus conforme à ceux obtenus entre 2015 et 2020, autour de 1,4 million de tonnes produites en 2024 (sur la base d’une sole nationale de 759 000 ha, source : estimation Agreste SSP octobre 2024). Toutefois, ce net repli comparé à la campagne 2023 qui avait vu la barre des 2 millions de tonnes dépassée, combiné aux mauvais résultats obtenus dans les autres zones de production européenne (forte sécheresse en Europe orientale) occasionne une volatilité haussière sur les marchés et va vraisemblablement engendrer des difficultés d’approvisionnement pour les usines de trituration.

Des frais de séchage importants pour atteindre la norme de 9%

Ces conditions climatiques exceptionnelles ont eu d’autres répercussions notables ; il convient en particulier de signaler les frais de séchage dont se sont fréquemment acquittés les producteurs, avec des tournesols souvent récoltés à plus de 15 voire 18-20 % d’humidité (taux maximal pour qu’une parcelle soit récoltable à la moissonneuse-batteuse) pour une norme de commercialisation à 9%. Quant aux organismes stockeurs, ils ont dû gérer les conséquences organisationnelles et logistiques d’une récolte humide, avec des séchages beaucoup plus fréquents qu’une année normale.

Le tournesol tire son épingle du jeu

Pour les producteurs, la campagne 2024 de tournesol restera au niveau national globalement mauvaise en termes de résultats techniques. Toutefois, la forte augmentation des prix observée en début de période de commercialisation, permet, dans de nombreuses situations, à la culture de tirer son épingle du jeu sur le plan économique, au sortir d’une année qui aura été difficile pour l’ensemble des grandes cultures françaises. Dans ce contexte d’aléas météorologique et économique croissant, il importe, plus que jamais auparavant, de considérer les intérêts agronomiques et économiques d’une production sur la durée.

Le tournesol reste une culture d’intérêts en 2025

Le tournesol a des intérêts économiques et agronomiques

Le mauvais scénario climatique de 2024 ne doit pas rayer le tournesol des assolements car il reste intéressant. Economiquement : son cycle court ne mobilise la trésorerie que sur un temps réduit, ses charges opérationnelles sont modérées. Agronomiquement : dans les secteurs où dominent les grandes cultures d’hiver, il crée, en tant que culture d’été, une rupture intéressante vis-à-vis d’adventices telles que les graminées hivernales annuelles, de plus en plus présentes et pénalisantes. Avec un niveau de charges modéré, un rendement moins affecté en tendance que les autres cultures d’été par les étés chauds et secs, le tournesol fait preuve de robustesse (1).

 

Hypothèses : la marge brute inclut une aide découplée de 220 €/ha.

L’importance de l’implantation

La campagne 2024 met le doigt sur l’importance de l’implantation. Être prêt à semer tôt au printemps, dès que les conditions de températures et de ressuyage sont réunies, permet de saisir les premiers créneaux de semis et de viser une levée du tournesol au 1er mai. Cela nécessite d’anticiper, en particulier de détruire les couverts végétaux suffisamment tôt. Une étude fréquentielle menée par Terres Inovia montre que les semis réalisés au cours des deux premières décades d’avril présentent, de façon statistiquement significative des rendements plus élevés que les semis plus tardifs, le décrochage étant très marqué à partir du 10 mai. Le choix variétal s’avère aussi crucial pour être en adéquation avec l’offre climatique de la zone de production.

Robustesse et bénéfices écosystémiques

En outre, le sol doit être assez réchauffé pour semer : au moins 8°C à 5 cm de profondeur. En ayant conscience que les dégâts d’oiseaux (pigeons et corvidés) restent un frein majeur à ces semis précoces ; face à ce fléau, l’effarouchement couplé à la surveillance humaine régulière lors de la phase de levée restent pour l’heure les solutions les plus efficaces.

Au cours des dix dernières années, les surfaces de tournesol ont progressé dans les zones intermédiaires, dans l’est et dans le nord de la France. Durant cette période, il a enregistré de bons résultats techniques, avec un rendement national historique de 2021 mais aussi son comportement particulièrement robuste en 2022 face à l’été chaud et sec. Il apporte aussi des bénéfices écosystémiques. Dans ses zones de production historiques, il reste un pilier des systèmes de culture, avec des marges de progrès toujours possibles pour optimiser les charges et favoriser la réussite de la culture : choix variétal, implantation, recours au désherbage mécanique en complément du désherbage chimique, raisonnement de la dose d’azote. Autant de sujets à intégrer afin de se mettre sur les bons rails pour la campagne 2025.

(1) Résultat issu du dispositif expérimental mis en place par Terres Inovia en collaboration avec Arvalis entre 2014 et 2016 dans le sud-ouest de la France.

​​​​​​​Contacts : Matthieu Abella, m.abella@terresinovia.fr et Vincent Lecomte, v.lecomte@terresinovia.fr​​​​​​​

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