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Adaptation au changement climatique

Article rédigé par
  • Véronique BIARNES (v.biarnes@terresinovia.fr); Anne SCHNEIDER (a.schneider@terresinovia.fr)
Adaptation au changement climatique
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    Modifié le : 13 sept. 2023

    Quelles sont les stratégies pour augmenter la robustesse des cultures et la résilience des systèmes ?

    A l’échelle de chaque culture

    Les premiers effets du changement climatique s’observent au niveau de l’évolution des rendements des cultures. Ainsi, d’après Baillet et al., 2021, pour le colza, le rendement moyen annuel ralentit depuis la fin des années 80 alors que celui du pois affiche une nette tendance à la baisse depuis les années 2000. Quant au tournesol, son rendement apparaît relativement stable depuis le début des années 90, en lien avec un progrès génétique important et une capacité à valoriser l’eau, la lumière et le CO2.

    L'élévation des températures accroît la période d'assèchement des sols et les cultures oléo-protéagineuses, comme d’autres espèces, sont plus souvent exposées au stress hydrique.

    Ainsi, pour le colza, le déficit de précipitations au moment de l’implantation est un souci majeur. Ce phénomène touche déjà fortement les surfaces. Pour limiter l'assèchement des sols, Terres Inovia préconise une préparation aussitôt après la récolte de la culture précédente, une limitation du nombre de passages d'outil, un roulage, notamment en sol argileux et à semer tôt, de façon opportuniste lorsqu'un épisode pluvieux est annoncé.  

    Dans ce contexte d’occurrence d’années sèches au moment de l’implantation du colza, Terres Inovia a contribué au développement par l’ACTA d’un outil de prévision des pluies AléaPluie accessible gratuitement et sans inscription préalable. Ce service fournit des informations sur les probabilités d'atteindre un certain seuil de cumul de précipitations sur les 2 semaines à venir sous forme de cartes, à l'échelle nationale.  

    Accéder à l'outil

    Basé à la fois sur les résultats de cet outil, l’humidité et la structure de sol, Terres Inovia élabore des recommandations pour le déclenchement des semis du colza.

    Pour le colza, un stress hydrique marqué, entre le début de la floraison et le stade G4 (dix premières siliques bosselées) + 10 jours, peut également pénaliser la formation et le remplissage des grains et affecter la production (jusqu'à -8 q/ha dans les essais Terres Inovia). Les leviers à actionner pour limiter cet impact négatif sont la qualité d'enracinement, la précocité variétale voire l'irrigation.

    Une autre conséquence de la hausse des températures est qu’elle favorise les insectes, en accroissant leur aire de vie avec une tendance à l'expansion des ravageurs du sud vers le nord. Les périodes d'activité, en lien avec les exigences thermiques des espèces, sont plus précoces et plus longues. L'accroissement des températures moyennes peut également accroître la fertilité de certaines espèces.

    Pour le colza, l'expansion des larves de grosse altise sur le territoire national illustre bien ce phénomène. Les automnes et hivers doux sont favorables à des périodes d'activité plus longues, ce qui se traduit par des pontes plus nombreuses et échelonnées (d'octobre à mars selon les régions).  Les stades larvaires se succèdent plus rapidement, ce qui accroît la nuisibilité des attaques. Pour y remédier, Terres Inovia développe le concept et les leviers pour obtenir un colza robuste moins sensible aux dégâts de ravageurs.

    Le pois de printemps, encore majoritairement cultivé, subit de façon récurrente des stress hydriques en fin de cycle mais aussi de plus en plus souvent avant le début de la floraison, ce qui impacte l’installation du couvert, la mise en place des nodosités et la nutrition azotée de la plante. Un déficit hydrique au cours de la floraison réduit généralement le nombre de graines par plante. Un stress hydrique très intense et plus tardif, lors du remplissage des graines, peut avoir une incidence sur le poids de mille grains. Par ailleurs, un stress thermique (températures maximales > 25°C) est souvent concomitant à un stress hydrique pendant la floraison. Or, ce dernier peut entraîner des avortements de graines dans les gousses. Ces stress de fin de cycle expliquent en grande partie les rendements faibles observés ces dernières années. Une date de semis précoce tend à limiter ces stress. Il faut donc semer tôt le pois au printemps, dès que le sol est suffisamment ressuyé. Le choix d’un type hiver permet également d'esquiver en partie le risque de stress au printemps.  

    Terres Inovia a mis en place depuis 3 ans des essais dates de semis en pois d’hiver et de printemps pour essayer de trouver la date de semis optimale permettant d’éviter les différents stress. Les premiers résultats indiquent que pour le pois de printemps, un semis trop précoce peut être exposé au gel. Il faut donc trouver un compromis pour éviter ce stress de début de cycle. Les pois d'hiver rencontrent plus souvent des gels tardifs au printemps, ce qui augmente le risque de bactériose. En effet, les lésions occasionnées par le gel constituent des portes d'entrée pour les bactéries dans la plante. Le retour de conditions douces et humides favorise ensuite le développement de la maladie. Pour ce type de pois, un meilleur calage de la date de semis et le choix d’une variété assez résistante au froid peut permettre d’échapper en partie à la maladie.

    Le tournesol a quant à lui la capacité de s'adapter en conditions sèches. Il diminue sa consommation d'eau et, sa photosynthèse diminuant moins que sa transpiration, son efficience de l'utilisation de l'eau s'améliore. Les assimilats sont alors davantage mobilisés vers le capitule, ce qui améliore l'indice de récolte. Cependant, pour que ces mécanismes soient pleinement efficients, il est nécessaire que cette adaptation à la sécheresse intervienne au stade bouton floral, avant la période de sensibilité maximale au stress hydrique. Ainsi l'adaptation au stress hydrique du tournesol est en grande partie conditionnée par les précipitations au printemps. En effet, si l'eau est abondante au printemps, au cours de la phase végétative, le tournesol a tendance à gaspiller la ressource en eau. Plusieurs actions peuvent être mises en œuvre pour esquiver le risque de stress hydrique estival et/ou aider le tournesol à réaliser son parcours de croissance idéal, c’est-à-dire avoir une croissance végétative modérée et faire durer la vie des feuilles : semer tôt, éviter les surdensités et les sur-fertilisations, piloter l’irrigation pour garantir un parcours idéal de croissance.

    L'impact du changement climatique sur les maladies est difficile à anticiper, notamment pour les agents pathogènes nécessitant de l’eau libre ou des humidités relatives élevées car les projections climatiques décrivent mal les précipitations, l'humidité relative ou l'humidité des sols. Pour le tournesol, les attaques de mildiou ou de sclérotinia sur capitules, qui exigent la présence d'eau libre, pourraient être limitées par le manque de pluies. A contrario, les températures élevées et la sécheresse peuvent favoriser certaines maladies comme le dessèchement précoce dû au phoma, accéléré par le stress hydrique pendant l'été, après la floraison. De même, Macrophomina phaseolina, champignon vasculaire responsable de la pourriture grise appréciant les températures élevées en fin de cycle (28-30 °C), pourrait apparaître plus fréquemment.

    Pour les trois cultures, l'amélioration variétale est une des voies sur laquelle repose beaucoup d'espoirs pour rechercher des adaptations pour limiter les impacts négatifs du changement climatique.  

    La sélection poursuit en particulier ses efforts vers la création de variétés à bon comportement vis-à-vis des bioagresseurs. Des solutions sont déjà disponibles sur le marché telles que des variétés résistantes ou tolérantes (parfois partiellement) vis-à-vis du mildiou et de la verticilliose sur tournesol, ou de l'Aphanomyces en pois.  

    Le développement du phénotypage, notamment sur les cultures de printemps comme le tournesol ou le pois, permet de caractériser les variétés selon leur réponse au stress hydrique. Un des objectifs à moyen terme sera d'optimiser le choix variétal selon le profil de comportement des variétés face au stress hydrique. Dans les milieux contraints en eau, les variétés de type "conservatif” seront préconisées. Alors que dans les sols profonds et/ ou ayant accès à une ressource en eau non limitante, des variétés de type “productif” seront favorisées. Des travaux sont également en cours pour développer des variétés plus efficientes en azote, c'est-à-dire moins sujettes à perdre du rendement alors que l'alimentation azotée est sous-optimale, par exemple en l'absence de pluie efficace après un apport. Pour les légumineuses, des projets cherchent encore à comprendre comment la sécheresse a un impact sur la nodulation et la fixation symbiotique de l'azote.

    A l’échelle des systèmes de culture 

    Les ajustements des itinéraires ne suffisent pas toujours. Et vu l’ampleur des changements, c’est l’ensemble de la gestion et même de la conception du système qui est à repenser. La mobilisation des leviers à l’échelle du système de culture est un point clé pour augmenter la robustesse du système de culture.  

    Pour s’adapter au changement climatique, différentes stratégies sont à combiner pour réduire l'exposition au stress climatique, réduire la sensibilité à l’aléa mais également augmenter ses capacités d’adaptation et profiter des opportunités (schéma). 

    Ainsi, alors que la gestion des itinéraires techniques de chaque culture peut permettre d’esquiver les principaux risques climatiques, de sécuriser les levées, ou d’atténuer les impacts grâce à ma mise en œuvre de leviers de robustesse à l’échelle des cultures robustes la réflexion à l’échelle du système de culture peut permettre de :

    • Répartir les risques d’exposition dans le temps et dans l’espace grâce à des assolements/rotations diversifiés ,
    • Atténuer les impacts grâce à des stratégies permettant de favoriser la robustesse des cultures, grâce notamment à l’amélioration de la fertilité des sols et de la qualité d’implantation des cultures, et de réguler des bioagresseurs grâce notamment à la diversification des cultures et à la contribution de la faune auxiliaire,  

    Les leviers relèvent de plusieurs composantes :  

    • améliorer les propriétés du sol (pratiques directement liées au système de culture)
    • assurer une couverture régulière du sol (conception du système de culture)
    • améliorer la répartition des ressources en eau et de l’interception lumineuse des cultures (synergies et complémentarités à privilégier entre composantes du système de culture)
    • mettre en place des infrastructures agroécologiques (en dehors de l’atelier grandes cultures : arbres, talus, etc.)
    • adapter l’assolement en choisissant des espèces adaptées aux risques climatiques locaux (conception du système de culture

    Actuellement Terres Inovia explore plusieurs pistes:  

    • L’implantation des cultures comme la clé pour la robustesse des oléagineux et des légumineuses : Oui mais comment s’y prendre ?   
    • La fertilité des sols, pour assurer la robustesse et la résilience des cultures indépendamment du contexte climatique et de ses aléas. Terres Inovia étudie notamment les manières  d’évaluer et de piloter la fertilité des sols, et les pratiques permettant de l’améliorer (couvert d’interculture et couverts associés au colza ou travail du sol par exemple)
    • La diversification des cultures dans les systèmes pour apporter davantage de diversité fonctionnelle : il est souvent mentionné que la diversification des cultures augmente la résilience des systèmes vis-à-vis du changement climatique grâce à des processus de complémentarités fonctionnelles et de répartition des risques dans le temps et l’espace (Dardonville et al. 2019). Cependant les preuves empiriques sont rares (Gil et al. 2017, Bellouin et al. 2019, Dardonville et al. 2019) et les bénéfices de la diversification sont très dépendants du contexte (Rosa-Schleich et al. 2019). La diversification de son système de culture doit donc être pensée au regard du contexte local, comme cela est exploré dans les expérimentations système de culture des plateformes Syppre (lien site Syppre). Pour atteindre une robustesse globale et une multi-performance du système, ces expérimentations montrent qu’il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre les cultures historiques, et des cultures de diversification adaptées au contexte climatique, et tolérantes aux risques et aux aléas. Par exemple, dans l’essai du Berry, la diversification passe par l’introduction de lentille, tournesol et millet, qui se montrent bien adaptées actuellement et qui pourraient l’être également dans un futur proche car ces cultures sont peu exigentes en eau. De plus, les associations de culture constituent un mode de production apportant des pistes à creuser aussi sous l’angle d’une meilleure résilience face aux aléas climatiques (apporter un microclimat favorable au sein du peuplement des partenaires, en valorisant leurs complémentarités fonctionnelles et synergies).  Des études en milieu contraints pour les ressources en eau et en azote s’avèrent cependant nécessaires pour définir les meilleures combinaisons à rechercher.

    Système innovant : objectif de robustesse vis-à-vis des bioagresseurs et des aléas climatiques

    • Diversification de la rotation
      • Cultures de diversification adaptées au contexte local et aux aléas climatiques : tournesol, lentille, millet
      • Maintien d'une certaine part de cultures historiques (colza, blé, orge)
    • Introduction de légumineuses en culture et couvert
    • Leviers pour améliorer la fertilité des sols :
      • Couverts d'interculture
      • Couvert associé au colza
      • Travail du sol adapté à l'état structural
    • ​​​​​​​Etc.

     

     

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